I.3. L'approche des capacités
Parmi toutes les approches de la pauvreté
monétaire ci-dessus citées, l'approche des besoins de base est
celle qui a été le plus critiquée par l'approche des
capacités d'Amartya SEN, prix Nobel d'économie 1998. L'approche
de la pauvreté de potentialité ou de capacité
développée par Amartya SEN (économiste, philosophe et prix
Nobel 1998) critique et délimite les insuffisances de l'approche des
besoins de base. Cette approche s'inscrit dans le champ d'une réflexion
sur la justice sociale, l'égalité et les
inégalités. Elle permet d'aborder la pauvreté en la
considérant comme le résultat d'une incapacité
résultant d'une santé déficiente, d'une éducation
insuffisante ou de déséquilibres nutritionnels. Il y a trois
concepts de base à retenir dans cette approche :
- Les fonctionnements recouvrent toutes les choses de valeur
qu'une personne aspire à faire ou être. En d'autres termes, c'est
l'ensemble des possibilités d'être et d'agir des individus qui
leur permet de tirer profit des biens dont ils disposent tels que : être
bien nourri, bien logé, en bonne santé, rester digne à ses
propres yeux, être en mesure de prendre part à la vie sociale,
etc. Contrairement à l'approche des besoins de base qui sont fonctions
des caractéristiques des individus ou des ménages, le
fonctionnement est défini par rapport à l'ensemble de la
population à l'instar d'une nutrition adéquate,
aménagements sanitaires, éducation de grande qualité pour
tous, etc. La transformation des caractéristiques des biens en
fonctionnement repose sur trois facteurs : Des facteurs personnels (condition
physique, sexe, compétences), des facteurs sociaux (services publics,
infrastructures, normes sociales, pratiques discriminatoires, etc.) et des
facteurs environnementaux (pollution, etc.).
- Les «capabilités» sont définies
comme étant un ensemble de «fonctionnements» susceptibles
d'être mis en oeuvre par un individu. Cette approche met l'accent sur
l'aptitude des individus à transformer les caractéristiques des
biens de manière à en tirer profit. Autrement dit,
posséder un bien avec ses caractéristiques est une voie pour
réaliser les choses jugées de valeur par les individus. A
titre
12
d'exemple, si un individu possède une voiture, il doit
se rendre compte qu'elle a été construite pour être
utilisée, c'est-à-dire qu'elle doit fonctionner d'une
manière ou d'une autre, pourvue de procurer satisfaction ou profit
à son détenteur. Ainsi, il ne suffit pas que l'individu ait la
possibilité financière de s'offrir un bien, il faut qu'il
éprouve un besoin à se le procurer. Par-là, nous
comprenons que le revenu est certes un bon moyen pour développer ses
capacités, mais le tout émane des possibilités de choix et
d'actions. Ils existent d'autres facteurs économiques influençant
la production des capabilités à l'instar des libertés
politiques, des conditions environnementales, etc. Les capabilités
devraient représenter une liberté de mener différentes
sortes de vie formées par différentes combinaisons de
fonctionnements humains qui permettent aux individus d'exercer leur libre
initiative, choisir de manière autonome leurs actions. En un mot,
l'approche de Sen met l'homme au coeur du problème de la pauvreté
contrairement à d'autres approches, et l'homme est défini par sa
capacité à atteindre les fonctionnements définis plus
haut. Dans ce contexte, un agent ne peut être considéré
comme pauvre même s'il décide ne pas atteindre certains
fonctionnements vus plus haut et ce, aussi longtemps qu'il aura la
possibilité de les choisir dans un ensemble de fonctionnements.
- Quant aux accomplissements, ils représentent
l'ensemble des modes de fonctionnement qu'une personne exerce vraiment. A ce
niveau, il est utile de noter qu'il faut différencier accomplissement et
liberté d'accomplissement. L'approche de droit de Sen attribue une
grande valeur à la liberté d'accomplir puisqu'elle permet
d'élargir les possibilités de choix auxquelles fait face
l'individu.
|