II. LA SITUATION SOCIALE
La structure de l'économie sénégalaise
est inadéquate à une meilleure réduction de la
pauvreté1. Cependant, on peut noter qu'il existe un
déséquilibre considérable entre la structure actuelle de
l'économie sénégalaise et celle qui permettrait à
la croissance d'avoir un meilleur impact sur la réduction de la
pauvreté. En effet, l'incidence de la pauvreté est de 80,7% dans
le secteur primaire qui englobe plus de 81% des pauvres du
Sénégal, il ne contribue qu'à hauteur de 19% à la
création de la richesse. C'est également le secteur où le
taux de croissance du PIB/tête est le plus bas (2,18%). Le secteur
tertiaire, englobant 14,3% des pauvres, contribue à fournir à lui
seul plus de la moitié (51%) de la richesse créée. Il en
est de même pour le secteur secondaire qui ne renferme que 4% des pauvres
avec cependant une contribution de 18% au PIB.
Les performances économiques, sur la période
allant de 1995 à 2001, n'ont pas suffi à garantir une
réduction significative de la pauvreté. La faiblesse de
l'investissement, l'atonie de l'agriculture et de l'industrie expliquent le
contenu modeste en emploi de la croissance économique et sa faible
propagation vers les populations les plus pauvres. Sur la base d'une ligne de
pauvreté correspondant à une consommation de 2400 calories par
personne et par jour, la première enquête budget consommation
(ESAM-I) a permis d'évaluer la proportion des ménages en dessous
du seuil de pauvreté à 57,9% en 1994. Les premiers
résultats du questionnaire unifié des indicateurs de
1 Jean Bosco KI, (2005). Croissance économique,
Pauvreté et Inégalité au Sénégal. Institut
de Recherche pour le Développement Economique et Social (IRDES),
Institut Nord-sud, mai
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développement (QUID) évaluent cette proportion
à 53,9% en 2001. Malgré tous les efforts déployés
pour améliorer l'accès aux services sociaux de base, la structure
des dépenses publiques montre que le Sénégal est encore
loin des objectifs de l'initiative 20/20 auxquels il a souscrit ainsi que des
OMD.
Les fruits de la croissance sont faibles et de surcroit
inégalement répartis entre le milieu rural et le milieu urbain,
entre le secteur public et le secteur privé, entre les femmes et les
hommes, entre les générations, entre les différents
quartiers des villes, entre les secteurs productifs et ceux non productifs. Il
faudrait revoir les circuits de production, de distribution des richesses et
passer en revue les politiques sociales du Sénégal. Il semble que
les choix opérés jusqu'à présent en matière
de politique sociale n'ont pas permis d'améliorer significativement
l'accès aux services sociaux de base.
La répartition des revenus est marquée par de
fortes inégalités. En effet, le Sénégal se place
parmi les pays où les différences dans les conditions de vie sont
les plus marquées (World Développement Indicateurs, 1998). Le
coefficient de Gini qui mesure le degré d'inégalité dans
la répartition des revenus a une valeur de 0,51 en 1992 (Diagne 1997).
Ainsi, 40% des ménages les plus pauvres reçoivent à peine
17% des revenus tandis que les 10% les plus riches en reçoivent 44%. Un
autre indicateur qui témoigne des fortes inégalités
sociales est l'accès des différents groupes de ménages au
service de l'éducation. Diagne et al (1999) ont montré, à
partir des données de l'Enquête Sur les Priorités (ESP),
qu'en 1992 les taux de scolarisation sont d'autant plus faibles que les
ménages sont pauvres. C'est ainsi qu'on passe d'un taux de scolarisation
primaire de 26% pour les ménages les plus défavorisés
(quintile 1) à 101% pour les ménages les plus riches (quintile
5). Les mêmes calculs effectués pour les données de l'ESAM
I en 1995 font apparaître des taux bruts de scolarisation de 40% pour le
quintile le plus pauvre et de 99% pour le quintile le plus riche, ce qui
traduit une amélioration. L'écart entre les ménages riches
et les ménages défavorisés se creuse au fur et à
mesure que le niveau d'enseignement s'élève.
La forte inégalité dans la répartition du
revenu s'est accompagnée d'une paupérisation croissante de la
population. L'incidence de la pauvreté mesure la proportion de la
population vivant en dessous du seuil de pauvreté tel que celui-ci a
été défini. Ce seuil de pauvreté a
été évalué par l'ESP à 111 F CFA par jour et
par équivalent adulte en 1992, et par l'ESAM à 392 F CFA en 1995.
Alors que selon le seuil de pauvreté défini par l'ESP, le
Sénégal comptait 33% de ménages pauvres en 1992, selon
celui défini par l'ESAM, la pauvreté touchait 58% des
ménages en 1995. Ce dernier taux signifie que sur les quelques 778 000
ménages que comptait le Sénégal en 1995, 450 000 vivaient
en dessous du seuil de pauvreté. Entre les deux enquêtes, la
pauvreté s'est amplifiée. La situation alarmante de
l'économie sénégalaise à fin 2007 a entrainé
un profond malaise social qui s'est emparé de toutes les couches
populaires au premier rang desquelles la jeunesse. Le triptyque
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chômage, précarité et pauvreté
s'est approfondi. Près de deux ménages sur trois (64%) ne sont ni
chômeurs, ni précaires mais pauvres (des adultes sans revenu). La
situation de cette catégorie s'est aggravée au cours des cinq
dernières années du régime de Wade. Le cout de la vie a
atteint des niveaux inacceptables et les inégalités se sont
creusées durant cette période : moins de 10% contrôlent
plus de 80% de la richesse nationale. La pauvreté, bien que toujours
élevée, semble avoir reculé ces dernières
années. La dernière enquête, qui remonte à 2011,
évaluait à 47 % le taux de pauvreté (source Banque
Mondiale). Les bonnes performances de croissance auraient permis de
réduire ce chiffre de 4 à 7 %. Le Sénégal occupait
la 162ème place (sur 188 pays) dans le classement de l'indice de
développement humain 2017 (qui repose sur des données de 2015).
Toutefois, avec 30 % (Banque Mondiale) des ménages les plus pauvres
couverts, le système de filets sociaux du Sénégal est l'un
des meilleurs d'Afrique. Le pays a progressé en matière de
santé infantile, principalement en s'attaquant au paludisme et à
la malnutrition chronique (retard de croissance) qui s'élève
désormais à 17 % (BM), soit le plus faible taux en Afrique
subsaharienne continentale. Les progrès ont été moins
importants en ce qui concerne la santé maternelle, néonatale,
reproductive et adolescente. Cela tient en partie au coût
élevé des soins de santé, surtout pour les habitants les
plus pauvres. En 2013, le Sénégal a lancé son programme
d'assurance santé universelle pour améliorer
l'égalité d'accès aux soins, en particulier pour les
ménages les plus pauvres, qui travaillent dans le secteur informel ou
vivent dans des zones rurales. En 2019, d'importants projets sont inscrits dans
les actions prioritaires de l'Etat en vue de réduire la pauvreté,
la vulnérabilité et l'exclusion. Dans ces projets d'ordre social
figure le programme de construction de 100 000 logements, le renforcement des
capacités de la Délégation à l'Entrepreneuriat
Rapide (DER) pour financer les jeunes et les femmes, le programme
Sénégal zéro déchet etc. Donc La mise en oeuvre de
ces projets peut réduire fortement la pauvreté d'ici quelques
années.
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