Section 1 : Les difficultés de la mise en oeuvre
des obligations de vigilance
Les obligations mises à la charge des assujettis
même si elles sont conformes aux exigences européennes en
matière de lutte, sont quelquefois difficilement mise en oeuvre parce
que parfois incompatibles aux réalités Africaine.
La difficulté de mettre en oeuvre effectivement la
vigilance financière peut provenir de l'inadaptabilité du cadre
formel et textuel de la vigilance c'est-à-dire le déphasage par
rapport à la réalité des conditions de vérification
de l'identité et du cadre de la vigilance prévue par le
Règlement CEMAC (Paragraphe 1), mais également, dans la pratique,
de la contribution des agents immobiliers à rendre la tâche
compliquée à exécuter (Paragraphe 2).
Paragraphe1 : Les obstacles à la mise en oeuvre
effective de la vigilance : une identification des clients fortement
lacunaire
Les obstacles à la mise en oeuvre des obligations de
vigilance peuvent être dus à l'inadaptabilité des
conditions de vérification de l'identité du client (A), ou des
failles contenues dans le dispositif CEMAC même (B).
A- L'inadaptation des conditions de vérification de
l'identité du client
Le contexte socio-culturel et même politique de la
sous-région CEMAC est un élément pouvant créer des
difficultés qui se poseront lors de l'identification des clients que ce
soit des personnes physiques ou morales.
En effet dans certains Etats de l'Afrique Centrale, il existe
des populations surtout venant des campagnes qui n'ont pas de documents
officiels d'identification. Bien plus, les agents immobiliers peuvent faire
face à des clients possédant de fausses pièces
d'identification. En fait, certains États Africains en proie aux
désordres institutionnels dus aux guerres civiles, aux terrorismes, il
est très facile pour les nationaux de déclarer avoir perdu leurs
documents officiels et de se faire établir d'autres sous de faux noms,
et utiliser ceux-ci pour commettre des actes répréhensibles.
Par ailleurs, en droit camerounais, le Décret n°
76/166 reconnaît un droit d'accès au domaine national non
occupé ou non exploité à toute personne physique ou
morales quelle que soit sa nationalité58. Elles peuvent
accéder librement aux terres appartenant aux particuliers par le biais
des transactions : vente ou cession à titre gratuit ou l'échange
d'un immeuble. Cette ouverture à des étrangers peut être
une passerelle pour le blanchiment car l'identification de ces clients peut
être rendue difficile du fait du retard que connait les États de
la sous-région dans l'utilisation des nouvelles technologies pour
obtenir des informations sur l'identité des personnes sollicitant
l'acquisition des biens et de la suivie limitée des fichiers liés
à l'état civil en Afrique centrale.
Il est vrai que tous les pays membres de la CEMAC disposent
des lois régissant l'état civil. Toutefois dans de nombreux pays,
la législation en vigueur est dépassée et non conforme aux
normes internationales recommandées.
En effet, le contexte Africain caractérisé par
un non suivi des fichiers liés à l'état des personnes
physiques, il est facile de falsifier l'identité d'une personne ainsi
l'obligation d'identification pourra se trouver dans une impasse et
l'identité que le client aura donnée sera faussée
même si l'assujetti respecte toutes les mesures de vigilance, il ne
pourra pas avoir la réalité des faits concernant le
blanchisseur.
Une autre difficulté concerne le défaut
d'adresse sur les pièces d'identités. Donc par la
présentation de la carte d'identité, le client ne renseigne pas
l'agent immobilier sur son adresse. Aussi la vérification du domicile du
client peut poser, en pratique, des difficultés.
Pour pallier à cela la solution qui fût
consacrée par la jurisprudence française concernant les banques
peut être transposable en Afrique dans le contexte des agents
immobiliers. Il s'agit pour les agents immobiliers d'adresser une «
lettre d'accueil » au domicile du client, pour plus de
fiabilité, il doit s'agir d'une lettre recommandée avec avis
de
27
58 Art. 4 du décret n° 76/166 fixant les
modalités de gestion du domaine national.
28
réception59. L'identification d'un client
juste avec la photocopie de sa carte d'identité semble insuffisante.
En outre, la fragilité du système des
économies des pays de la sous-région les rend vulnérable
au développement d'opérations immobilières sous-jacentes
au blanchiment des capitaux. Aussi, le faible taux de bancarisation des
États qui se situe autour de 11% pour certains pays de la
CEMAC60 affecte la traçabilité des transactions
immobilières ce qui revient à dire que les opérations se
font le plus souvent en monnaie judiciaire, moyen facilitant le blanchiment.
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