B- L'application des peines patrimoniales
Les peines patrimoniales sont des peines pécuniaires
qui touchent le coupable dans son patrimoine, il peut s'agir de l'amende, de la
confiscation. Le Règlement de 2016 a prévu infliger ces peines
aux blanchisseurs, il s'agit de la confiscation et du gel de fond et autres
ressources financières.
En amont l'autorité judiciaire de chaque État,
peut prendre des mesures conservatoires conformément à la loi
nationale202. Ces mesures conservatoires visent à
préserver la disponibilité des fonds, biens et instruments
susceptibles de faire l'objet d'une confiscation. Ainsi elles ordonnent la
saisie des biens, fonds et instruments objet de l'enquête et de tous les
éléments permettant leur identification. Ces mesures
s'étendent au gel des sommes d'argent et opérations
financières portant sur les biens en relation avec le blanchiment de
capitaux.
Par ailleurs, des mesures de gel de fonds peuvent être
ordonnées par l'autorité judiciaire. Elle le fait par une
décision écrite, qui ordonne le gel de fonds et la saisie aux
fins de confiscation des biens blanchis, des produits du blanchiment des
capitaux203. La décision
201 L'article 116 alinéa 2 prévoit par ailleurs
que, lorsque l'auteur de l'infraction d'origine est également l'auteur
du blanchiment, et que l'infraction d'origine est punissable d'une peine
privative de liberté d'une durée supérieure à celle
encourue par l'article 114, le blanchiment sera punissable des peines
attachées à l'infraction d'origine.
202 Cf. art. 104.
203 Cf. art. 105 al.1.
74
ordonnant le gel doit être fondée sur de
critères de preuves relevant des motifs raisonnables ou d'une base
raisonnable204.
De même, des cas d'atténuations des peines sont
prévus. Il est possible lorsque toute personne ayant participé
à une association ou en entente en vue de blanchir de l'argent, de
révéler l'existence de cette entente, association, aide ou
conseil à l'autorité judicaire, et de faciliter l'identification
des autres personnes en cause, permettant ainsi d'éviter la
réalisation de l'infraction de blanchiment est exempte des peines
frappant les criminels ou alors les sanctions sont atténuées.
204 Alinéa 2 de l'article 105 ; en effet le gel n'est
ordonné que s'il y a eu preuve de blanchiment et preuve que les bien qui
font l'objet du gel sont les produits du blanchiment.
CONCLUSION CHAPITREII
75
Les difficultés de coordination des agences nationales
d'investigation financière et la perpétuation des infractions
sous-jacentes au blanchiment, impose le renforcement des institutions en charge
de la lutte contre le blanchiment des capitaux en Afrique Centrale. À
ces difficultés s'ajoutent les facteurs matériels et humains qui
empêchent les CRF de la sous-région de déployer
efficacement leur mission sur le terrain. C'est la raison pour laquelle il est
important de prendre des mesures afin d'assurer une meilleure coordination
entre ces institutions et maintenir leurs indépendances tant
structurelles que financières.
Les organes sous régionaux institués assurent la
coordination au niveau régional des moyens de lutte contre le
blanchiment des capitaux, c'est pourquoi il est important comme on l'a
montré d'instituer un organe régional de contrôle de
l'activité immobilière au niveau régional en lui octroyant
des pouvoirs en matière et même des pouvoirs de sanction.
Pour assurer une meilleure pénalisation du blanchiment,
le législateur a opté pour les peines privatives de droit, de
liberté et des peines pécuniaires.
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
76
Le dispositif communautaire assujettissant les agents
immobiliers à lutter contre le blanchiment est lacunaire s'agissant de
certaines obligations, ce qui pourrait empiéter sur l'intervention des
professionnels assujettis.
Ainsi, il importe de corriger les failles empêchant les
CRF d'exercer leurs missions, et de renforcer leurs actions par
l'implémentation des organismes ayant les pouvoirs de prendre des
mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur
immobilier.
Afin de dissuader les agents immobiliers de participer
à ces entreprises criminelles, le législateur a prévu des
sanctions à l'encontre d'un agent qui de son propre chef ou par
complicité enfreindra la loi. Ces sanctions assez sévères
visent à décourager les agents immobiliers dans la commission des
infractions de blanchiment de capitaux.
Il est effet, appréciable que le législateur
tout en sanctionnant le blanchiment, a pensé sanctionner les criminels.
En effet, toute personne physique ou morale qui fait l'acquisition de biens
immobiliers à des fins de blanchiment de capitaux s'expose à des
sanctions diverses et cumulatives. Il s'agit des peines touchant le patrimoine
du criminel et privant sa liberté. À l'analyse de la consistance
des sanctions, le législateur communautaire a prévu des sanctions
à la hauteur du crime de blanchiment.
La dimension répressive du blanchiment telle que
prévue dans le règlement est un gage de son efficacité en
ce sens que le législateur recherche l'application effective du
dispositif communautaire au détriment de laquelle des sanctions seront
prononcées tant à l'égard du criminel que du professionnel
assujetti.
CONCLUSION GÉNÉRALE
77
78
Le blanchiment des capitaux est une épine dans le pied
d'une économie. Il porte atteinte au marché de l'immobilier et
à l'ensemble de l'économie. Dans la perspective d'uniformiser les
moyens de lutte, la CEMAC a adopté des Règlements d'application
directe et obligatoire dans tous ces éléments, permettant aux
États membres de la communauté de disposer d'une
législation anti-blanchiment uniforme.
A la question de savoir, si la législation
anti-blanchiment permet un apport efficace des agents immobiliers dans la lutte
contre le blanchiment des capitaux en Afrique centrale, force est de constater
que la règlementation posant les règles de la contribution de
l'agent immobilier, à son caractère obligatoire s'ajoute sa
recherche d'efficacité. Cette efficacité s'analyse sur deux
points ; d'une part les agents immobiliers sont tenus à une obligation
de vigilance et de diligence avant de nouer toute relation d'affaire. Cette
exigence consiste à avoir des renseignements les plus sûrs
concernant le client et de conserver ces informations pendant une certaine
durée.
D'autre part, l'obligation de surveillance se poursuivant au
cours de la relation d'affaire, l'agent immobilier après
vérification, est tenu de déclarer à l'agence
d'investigation financière (ANIF) toutes opérations qui lui
semble suspectes c'est la consistance de l'obligation de déclaration de
soupçon. Cette suspicion peut découler des critères
d'alerte proposés par le GAFI. Et en cas de soupçon sur les
réelles intentions du client, l'agent peut refuser de nouer la relation,
ou si la relation était en cours d'exécution, il peut suspendre
l'exécution ou y mettre un terme sous autorisation de l'ANIF. Afin
d'inciter les agents à une plus grande dénonciation, la CEMAC
à penser à l'exonération de la responsabilité du
déclarant de bonne foi au profit de la responsabilité de
l'État, lorsque la déclaration s'étant
avérée fausse a causé un préjudice au suspect.
Allant plus loin que les recommandations du GAFI, le
règlement comporte aussi bien les incriminations que les sanctions
diverses (pénales disciplinaires, administrative) contre le blanchiment
et contre toute personne complice ou auteur du blanchiment d'argent. Toutefois,
le régime des peines et sanctions, pour l'heure est louable et
acceptable. Les peines prévues sont à la hauteur du crime. Et,
tout comme le criminel, l'agent immobilier s'expose à des sanctions
lorsqu'il a prêté son concours par quelque moyen que ce soit,
à la faisabilité du blanchiment. Le criminel est
sanctionné sans égard à son statut socio-politique car les
immunités ne sont pas un obstacle à l'application des peines de
blanchiment.
Sur le plan opérationnel, la lutte contre le
blanchiment dans le secteur immobilier est en recherche d'efficacité. Il
est indubitable que le législateur a mis à la charge des
intervenants
79
du secteur immobilier les obligations de vigilance et de
déclaration dont l'inobservation ou la mauvaise exécution peut
engager leurs responsabilités. Toutefois, le cadre institutionnel et
règlementaire reste à repenser, ainsi que les failles du
dispositif en termes d'identification des clients, restreint au secteur
financier sont à corriger. De même, les lois nationales organisant
la profession d'agent immobilier et relatives au foncier et aux transactions
immobilières sont à reformer dans certains États et dans
d'autres à adopter, afin d'arrimer les textes nationaux aux exigences de
lutte anti-blanchiment.
Il est important que le cadre institutionnel soit
renforcé par l'implémentation de nouveaux organes propres au
secteur immobilier, avec pour rôle de relais des actions du GABAC et par
ailleurs de veiller sur la mise en oeuvre des dispositions du règlement
CEMAC ; il est donc impérieux à l'heure actuelle que le secteur
immobilier soit tout aussi contrôlé que le secteur bancaire, c'est
en effet la mise en oeuvre de l'approche par les risques, qui consiste en la
sécurisation des secteurs présentant des risques réels de
blanchiment tel le secteur immobilier.
Par ailleurs, il est important de faire participer clairement
tous les acteurs qui interviennent dans la chaine des transactions
immobilières, tel les quincailliers, les notaires, les courtiers, car
leurs apports ne peuvent être insignifiants dans la recherche
d'efficacité des dispositions légales de lutte contre le
blanchiment.
ANNEXES
80
-Extrait du Règlement CEMAC N°01/CEMEC /UMAC/CM du 11
Avril 2016.
- Loi N°2001-020 du 18 décembre 2001 portant
organisation de la profession d'agent immobilier.
BIBLIOGRAPHIE
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