Section 2 : Les palliatifs aux difficultés de
vigilance
Le législateur communautaire doit chercher des moyens
pour prévenir efficacement le blanchiment dans le secteur de
l'immobilier et il doit être aider pour cela par les législateurs
nationaux. Le secteur financier étant tellement sécurisé,
les blanchisseurs cherchent d'autres activités pour recycler l'argent
issu des activités illégales et si le secteur immobilier n'est
pas aussi fortement contrôlé, les criminels utiliseront les
failles du système et effectueront leurs activités en toute
tranquillité ; ainsi il impératif qu'au niveau nationale les
États essayent de mettre en conformité les textes nationaux aux
exigences communautaires en matière de lutte ( Paragraphe 1). Et aussi,
tout comme le personnel des établissements financiers, que les agents
immobiliers reçoivent des formations et informations sur les risques de
blanchiment inhérents à leurs secteur d'activité ce qui
renforcera la vigilance (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : La conformité des textes nationaux
aux exigences de lutte : l'invitation des législateurs nationaux
à participer à la lutte contre le blanchiment de
capitaux
La lutte au niveau communautaire ne peut être efficace
si des mesures ne sont pas d'abord prises au niveau nationale. Les
législateurs nationaux doivent penser à une lutte d'abord interne
; Les lois nationales sont celles qui peuvent facilement être
implémenter par les professionnels. Ainsi nous invitons les pouvoirs
publics à intégrer dans le dispositif de l'organisation de la
profession des mesures visant la lutte contre le blanchiment (A) aussi comme le
règlement le demande de gérer efficacement au niveau national les
risques de blanchiment inhérent au secteur immobilier (B).
A- La nécessaire implication des mesures de
vigilance dans la réglementation de la profession d'agent
immobilier
Le professionnel pour apporter son concours à la lutte
contre le blanchiment, doit avoir reçu une formation adéquate sur
la déontologie de sa profession, tenu d'être informé sur
les législations relatives à sa profession, si celles-ci doivent
contenir des dispositions faisant
34
obligation à celui-ci de prendre des mesures de
vigilance dans l'exercice de leurs activités, cela sera en harmonie avec
les lois communautaires et cela sera facilement mise en oeuvre.
Les lois sous régionales sur l'acquisition d'immeubles
par les personnes étrangères manquent actuellement d'instruments
efficaces permettant de détecter et de sanctionner les opérations
de blanchiment d'argent réalisées sous le couvert de transactions
immobilières effectuées par des personnes à
l'étranger et par des sociétés de domiciles
étrangères. En outre, le registre foncier lacunaire et opaque
doit être corrigé.
Les textes organisant la profession d'agent immobilier en
Afrique centrale, sont pour la plus part vétustes,
dépassés car ce sont souvent des textes adoptés avant
200373, et pour ceux un peu récent74, à
leur lecture, on se rend rapidement compte que les législateurs
nationaux ignorent les réalités du blanchiment dans ces textes.
La lutte au niveau national peut se faire à travers l'assujettissement
des agents immobiliers dans le dispositif organisant leur profession, des
obligations ayant un rapport direct avec le blanchiment de capitaux.
En fait, ces dispositions font obligation à toutes
personnes désirant effectuer cette activité à remplir
certaines conditions, et à passer par une identification permettant de
connaitre la moralité de l'agent75, et concernant la lutte
contre la criminalité financière, pour y faire, il est important
d'impliquer des personnes de bonne moralité. Sur ce pan le
législateur a quand même posé des bases concernant les
futurs professionnels qui lutteront contre le blanchiment dans le
secteur76.
Cependant, ces dispositions sont insuffisantes, et pourront
être complétées par certaines dispositions qui prendront en
compte explicitement, les réalités du blanchiment dans le
contexte de la sous-région. Ainsi une réforme des textes
nationaux peut être la bienvenue. Les États pourront faire
intégrer les obligations liées à l'identification des
clients et la mise en oeuvre des mesures de gestion nationale des risques
liées au blanchiment des capitaux dans le secteur immobilier.
La situation du Tchad interpelle encore plus, en effet,
jusqu'en 2014 la profession d'agent immobilier n'était pas
réglementée, malgré que les agents immobiliers sont
assujettis depuis 2003 à la lutte contre le blanchiment. Il n'existe pas
un cadre formel d'exercice de la
73 Au Cameroun c'est la loi de 2001, au Gabon c'est
une loi de 2007.
74 Au Gabon c'est une loi assez récente, c'est
la loi n° 006/2017 du 09 Août 2017.
75 Voir les articles 27 à 29 de la loi
Gabonaise de 2017, les articles 6 à 8 de la loi camerounaise de 2001.
76 Cette mesure ne peut concerner que les agents
exerçant en agence, ce sont les agences immobilières qui peuvent
implémenter cette mesure.
35
profession d'agent immobilier au Tchad, et pourtant le
blanchiment dans l'immobilier fait partie des typologies les plus courantes du
blanchiment au Tchad77.
Ainsi une réforme des cadres juridiques nationaux
relatifs au foncier et aux transactions immobilières et sa
conformité au dispositif communautaire anti-blanchiment s'imposent, avec
en plus, la mise en d'une cartographie des risques de blanchiment dans le
secteur immobilier ceci pour une meilleure implémentation de l'approche
basée sur risques prescrites par les Recommandations du GAFI. Le cas du
Gabon interpelle, et les autres pays peuvent emboiter le pas à la mesure
adopté par ce dernier, qui par l'Arrêté n°
002/MTEIH/2019, a internalisé les mesures de lutte anti-blanchiment
applicable dans les opérations immobilières. Ce qui invite une
gestion nationale plus accrue des risques de blanchiment.
B- La gestion nationale des risques de blanchiment
inhérent au secteur immobilier
Les États doivent prendre des mesures permettant
d'évaluer les risques d'utilisation d'un secteur au fin de blanchiment
ceci afin de prendre des mesures pour y mettre un terme. Cette implication des
États est posée à l'article 23 du Règlement de
2016.
Il y ressort que l'autorité
compétente78 de chaque État doit prendre des mesures
appropriées, pour identifier, évaluer, comprendre et
atténuer les risques de blanchiment de capitaux auxquels il est
exposé et doit tenir à jour cette évaluation. Selon
l'alinéa 2 de cet article, les États membres doivent
désigner une autorité chargée de coordonner la
réponse nationale aux risques identifiés. Selon l'alinéa
3, les États doivent appliquer une approche fondée sur les
risques pour repartir ses ressources et mettre en oeuvre les mesures afin de
prévenir ou atténuer le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme et de la prolifération.
Autrement dit, les États doivent instituer une
autorité chargée de coordonner, et de gérer la
réponse nationale au risque de blanchiment inhérent au secteur
immobilier, c'est-à-dire mettre en place une structure qui aura pour
mission de coordonner les risques de blanchiment et veillera à la mise
en oeuvre effective des mesures adoptées au niveau nationale.
L'évaluation, l'identification des risques
d'utilisation du secteur immobilier peut se faire à travers
l'attractivité que représente les investissements immobiliers
dans une période donnée ; et le Règlement ajoute que
l'évaluation doit être mise à jour ceci pour maitriser
le
77Rapport mutuelle d'évaluation
détaillée sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme, mai 2014, pp. 23-25.
78 Il s'agit de l'ANIF Agence Nationale
d'Investigation Financière.
36
niveau de risque, afin que les mesures prises pour la gestion
de risques soient propices aux risques identifiés. Par ailleurs,
l'approche fondée sur les risques que recommande le Règlement,
voudrait que les États déploient leurs ressources afin de mettre
en oeuvre les mesures édictées par ledit règlement
également, et donc la lutte ne doit plus viser seul le secteur
financier, mais davantage le secteur immobilier et tous les nouveaux secteurs
de prédilection.
|