3.4.1.3. Perceptions paysannes des conséquences
du changement climatique
Plus d'une dizaine de conséquences dues essentiellement
à la baisse de la pluviométrie ont été
énumérés par les agriculteurs dans le site
étudié. Ce sont par exemple l'assèchement des cours d'eau,
disparition de certaines espèces végétales, le recul de la
nappe phréatique, la dégradation du couvert
végétal, la baisse de la production fruitière des ligneux
sauvages et domestiques, le dessèchement et/ou chute d'espèces
ligneuses, la baisse des rendements agricoles, apparition de certaines
maladies, etc.
Selon Heinrigs et al. (2006) et Weisrock (2006) ces
changements dans les paysages sahéliens semblent liés au
processus historique d'aridification du climat lié sans doute au
réchauffement global.
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Le raccourcissement de la durée de la saison pluvieuse
empêche la croissance normale des cultures, car elle influence le
développement de la plante à n'importe quelle phase de celle-ci,
depuis les premiers stades de la culture jusqu'à la récolte
finale (Doumbia, 2013).
Les conséquences de l'excès des pluies
entrainent l'érosion des sols et la dégradation des pistes. Dans
les bas-fonds, elles occasionnent des inondations temporaires des parcelles de
cultures (Agossou, 2008). Les poches de sécheresse provoquent le
vieillissement des plantes, l'assèchement des sols et des plantes
situés en haut et milieu de pente. Toutefois, à ces causes
climatiques de dégradation de l'environnement, il faut ajouter les
causes liées aux activités anthropiques. Selon le World
Rainforest Movement (2008), Le déboisement est causé à 90%
par les pratiques agricoles non durables, tandis que l'exploitation et la
plantation forestière contribuent surtout à la dégradation
des forêts.
Des pratiques paysannes telles que les feux de brousse, le
déboisement, l'agriculture itinérante sur brulis, la
déforestation et le surpâturage contribuent plus ou moins
rapidement à la dégradation des couvertures
végétales favorisant l'effet de serre par la libération de
CH4 (élevage, riziculture) et de CO2 (déstockage du carbone des
sols à cause de certaines pratiques agricoles ou du changement
d'utilisation des sols) dans l'atmosphère (Vandaele et al, 2010).
3.4.1.4. Stratégies d'adaptation face aux
changements et variabilités climatiques
Conscients de la réalité du changement
climatique, les agriculteurs ont développé diverses
stratégies d'adaptation qui vont de l'observation d'un nouveau
calendrier agricole par la pratique des semis tardifs en utilisant des
variétés de cycle moyen à court, à l'abandon pure
et simple de certaines variétés de culture en passant par la
diversification des activités. La même remarque a
été faite par Doumbia et al., (2013) qui ont montrer que
l'ampleur des aléas climatiques avec le risque élevé de
rendement faible sur le riz pluvial emmène certains riziculteurs
à abandonner la culture. Aussi, des méthodes
d'amélioration de la fertilité des sols, le choix des
variétés plus résistantes à la sécheresse et
le développement des cultures irriguées, le changement de
parcelle, les re-semis, l'utilisation des intrants, déplacement des
dates de semis, l'utilisation des semences améliorées, à
la valorisation des bas-fonds sont entre autres les stratégies
utilisées par les agriculteurs de Nassian pour faire face aux
changements climatiques. Ceci vient confirmer l'assertion de Brou et al. (2007)
selon laquelle les paysans adoptent de nouvelles pratiques agricoles et de
nouvelles formes de mise en valeur : utilisation de ressources foncières
autrefois délaissées, notamment des bas-fonds, extension de
certaines cultures et adoption de nouvelles variétés moins
sensibles aux aléas climatiques, etc.
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Les paysans en Côte d'Ivoire organisent également
de rituels d'imploration du pardon de Dieu pour faire revenir la pluie (Brou et
al., 2005). Cette stratégie a été élucidée
à travers cette étude. Les mêmes résultats ont
été trouvés par Haxaire, (2002), en pays Gouro où
les populations locales ont développé des stratégies
fondées sur des pratiques rituelles et culturelles pour apaiser la
colère des Dieux manquant de rationalité scientifique et qui ne
peuvent pas être ignorées.
Dans le cadre de la diversification des activités
économiques, certaines populations pratiquent le commerce et
l'élevage (Agossou, 2008). D'autres se sont tournés vers de
nouvelles cultures de rente (palmier à huile, le roucou),
vivrière et maraichère (manioc, oignon, gombo, etc...) (Brou,
2005 ; Doumbia, 2013). Les mêmes résultats ont été
trouvés dans cette recherche.
Ainsi, l'adaptation au changement climatique ressort de la
traduction des perceptions du changement climatique en des décisions
agricoles (Bryant et al., 2000). Cette assertion est vérifiée
dans cette étude puisque les producteurs de la zone
d'étudiée mettent au point des stratégies d'adaptation
à partir de leurs perceptions sur le changement climatique.
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