CHAPITRE PREMIER: REVUE DE LA LITTERATURE
Ce chapitre sera consacré à la
littérature relative à l'intention entrepreneuriale, à la
peur de l'échec, ainsi qu'au lien qui existe entre ces deux concepts.
Nous allons tenter également de donner une théorie expliquant la
variable dépendante de notre sujet de recherche ainsi que fournir une
hypothèse a notre question de problématique.
I.1. INTENTION ENTREPRENEURIALE
Le concept intention a été définie de
plusieurs façons et selon différents auteurs.
D'après Robert (1996), l'intention se définit
comme le fait de poursuivre un but ou un résultat de l'action
envisagée. En effet, les intentions traduisent une véritable
motivation à l'action. Ajzen (1991) dans sa théorie du
comportement planifié définit l'intention comme une
volonté ; un désir d'agir qui conduit à la
réalisation de l'acte (comportement planifié).
Elle est un désir qui dirige l'attention d'un individu
à un but spécifique; C'est une volonté qui aboutit
à un but (Bird et Jelinek, 1988). Il s'agit de ce fait d'un mouvement
par lequel l'esprit tend vers l'objet qu'il s'est intériorisé.
En ce qui concerne cette recherche, l'accent est placé
uniquement sur l'intention entrepreneuriale. Elle est certes la volonté
d'une personne de créer une entreprise ou une organisation dans le futur
(Hernandez, 1991).
Beaucoup d'études se sont focalisées sur
l'intention entrepreneuriale. Ces études concernent
Spécifiquement une population estudiantine (Kolvereid, 1996 ; Autio et
al. 1997; Krueger et al. 2000 ; Emin, 2001 ; Filion, 2003 ; Tournés,
2003 ; Audet 2004 ; Weber et al. 2009 ; Boissin et al. 2009). Les deux
principales théories qui ont inspirées ces chercheurs sont : la
théorie de l'évènement entrepreneurial Shapero et Sokol
(1982) et la théorie de comportement planifié d'Ajzen (1991).
Kolvereid (1996) identifie des éléments qui
influencent l'intention entrepreneuriale et tente de comprendre cette influence
sur l'intention et sa concrétisation dans un acte entrepreneurial.
Ainsi, l'auteur montre que l'intention d'entreprendre dépend de
l'attitude, de la norme sociale et du contrôle comportemental
perçu. En coopération avec Tkachev, l'étude a
été reconduite en 1999, sur un échantillon de 567
étudiants russes. L'étude reflète des résultats
similaires. Le poids de la faisabilité perçue est plus fort que
l'attitude sur l'intention.
Krueger et al. 2000, appliquant la méthode d'Ajzen sur
le choix de carrière d'une centaine d'anciens élevés des
écoles de commerce aux Etats unis, ont analysé la
faisabilité perçue et les
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attitudes pouvant déterminer significativement
l'intention pour aboutir au même résultat que ceux de Kolvereid.
D'après ces auteurs, la faisabilité a plus d'effet sur
l'intention que les attitudes comportementales.
Les recherches antérieures réalisées dans
la ville de Bukavu sur l'intention entrepreneuriale (Basubi, 2014 ; Chokola,
2013) prouvent qu'une faible intention entrepreneuriale se fait
remarquée chez les étudiants de la ville de Bukavu.
L'étude menée par Basubi (2014) sur les étudiants de
l'Université Evangélique en Afrique, montre que les normes
sociales et le contrôle comportemental perçu déterminent
significativement l'intention entrepreneuriale. Pour Chokola (2013), la
faisabilité perçue explique environ 56% de la variance de
l'intention de créer l'entreprise dans le futur chez les
étudiants de la ville de Bukavu.
D'autres auteurs ont montré qu'outre les variables de
l'intention citées par les théories d'Ajzen et de Shapero, il y a
d'autres facteurs pouvant traduire l'intention entrepreneuriale. Ils ont
montré la grande influence que peut avoir l'enseignement entrepreneurial
sur l'intention.
Pour Weber et al. (2009), l'enseignement de l'entrepreneuriat
augmente l'intention entrepreneuriale. Ainsi, les auteurs développent un
modèle théorique de l'apprentissage dans lequel l'enseignement de
l'entrepreneuriat génère des signaux qui permettent aux
étudiants d'évaluer leur propre aptitude aux tâches
entrepreneuriales.
Selon l'étude de Tournes (2003), l'enseignement de
l'entrepreneuriat est, parmi d'autres facteurs contextuels, une des variables
explicatives et prédictives de l'intention entrepreneuriale. Dans son
modèle, l'intention entrepreneuriale est appréhendée
à partir d'un modèle hypothético-déductif au sein
duquel trois groupes de variables sont retenus. Dans le cadre de cette
étude, nous nous basons sur la théorie du comportement
planifié pour expliquer l'intention entrepreneuriale.
Il est fort à constater que dans ces théories,
il y a une forte sous-évaluation de la place des opportunités
dans l'acte entrepreneurial qui, quelque fois devancent l'intention. Dans le
cadre de ce travail, nous allons nous focaliser sur la théorie du
comportement planifié d'Ajzen.
Théorie du comportement planifié (Ajzen,
1991)
Elle s'appuie sur le modèle de l'action
raisonnée élaboré par Ajzen et Fishbein (1980) et
confère à l' intention de l'individu la place centrale dans la
genèse du comportement. Ajzen (1991) postule que l'intention
prédit ce dernier à travers trois composantes:
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? Les attitudes associées au comportement :
facteurs psychologiques/individuels
Ils impliquent l'évaluation que fait l'individu du
comportement souhaité. Les attitudes personnelles dépendent de la
perception de conséquences, des résultats de l'exécution
du comportement désirées. Les attitudes renvoient au concept de
désirabilité de Shapero et Sokol (1982).
L'attitude d'un étudiant envers la création
future d'une entreprise repose sur ses valeurs, ses caractéristiques
professionnelles et sur sa vision de l'entrepreneuriat (Tournes, 2006).
? Les normes subjectives : Facteurs
Socioculturels
Elles résultent des perceptions de la pression
sociales, ce sont les souhaits de la famille, des amis et du milieu
professionnel ou académique concernant le devenir entrepreneurial.
Celles-ci renvoient également à la désirabilité de
Shapero et Sokol (1982). L'intention pour réaliser un comportement
dépend en partie de l'influence des personnes proches à
l'égard de ce comportement. La norme subjective génère les
croyances normatives de l'individu. Cette composante de l'intention
entrepreneuriale fut mise en doute par certains auteurs. Leurs tests sur la
théorie du comportement planifié montrent que la norme subjective
n'a pas d'effet significatifs pour expliquer la formation de l'intention de
créer une entreprise (Boissin et Emin, 2007 ; Boissin et alii, 2005 ;
Cunner et Armitage, 1998). Dans la théorie de Shapero,
modélisé par Krueger (1993), ce facteur ne constitue qu'une
dimension de la désirabilité de l'évènement
entrepreneurial.
? Le contrôle du comportement
perçu
Ajzen (1991) affirme que l'intention ne peut se
concrétiser que si elle est sous le contrôle de la volonté
de l'individu. Les perceptions du contrôle comportemental impliquent les
degrés de connaissances et de contrôle qu'a un individu de ses
aptitudes, de ses expériences, de ses obstacles antérieurs ainsi
que des ressources nécessaires en vue de concrétiser le
comportement voulu. Ces perceptions s'apparentent au concept de
faisabilité de Shapero et Sokol (1982) et au concept d'auto
efficacité de Bandura (1977).
Cette théorie a suscité des nombreuses critiques
qui se résument en ce terme : la théorie du comportement
planifié néglige les variables émotionnelles comme la peur
et les sentiments négatifs ou positifs et les a évaluées
de façon limitée.
Des facteurs autres que ceux favorisant la réalisation
du comportement peuvent surgir et entraver ledit acte envisagé. C'est
dans ce cadre que s'inscrit la peur de l'échec. Un facteur puissant qui
peut mettre fin à un processus de création future d'une
entreprise. Certains
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théoriciens (Helms 2003, Patzelt et Shepherd 2011)
prouvent que la faisabilité perçue (contrôle comportemental
perçu) renforce l'intention entrepreneuriale en réduisant la peur
de l'échec. Plus la personne est motivé moins sera l'impact de la
peur de l'échec sur son intention. De même, une forte peur de
l'échec aurait un impact négatif sur les attitudes personnelles
étant donné que les deux sont de facteurs émotionnels.
Vu les limites de cette théorie, nous en
dérivons la théorie de la psychologie cognitive utilisée
dans le domaine de l'entrepreneuriat par Bird (1988) pour expliquer les
facteurs non développés par cette dernière.
La théorie de la psychologie cognitive
L'étude de l'intention entrepreneuriale produite par
Bird (1988) basée sur la théorie de la psychologie cognitive,
donne une importance particulière aux variables individuelles et
contextuelles dans l'étude de l'intention entrepreneuriale. Elle tente
de décrire l'intention d'adopter un comportement donné.
L'intention est devenue le lien entre les croyances (qui traduisent les
attitudes) et les comportements (Fishbein et Ajzen, 1975). Pour Bird, c'est
l'assemblage des facteurs personnels et contextuels, qui apprêtent les
individus à avoir une intention de créer une entreprise.
Parallèlement, les facteurs personnels identifient les
expériences entrepreneuriales antérieures, les traits de
personnalité et les compétences de l'individu. Les facteurs
contextuels se rapportent aux variables sociales, politiques et
économiques, telles que les déplacements, les changements des
marchés et les politiques gouvernementales. Les intentions sont
structurées par l'association de deux types de pensées :
rationnelle et intuitive. L'intention entrepreneuriale, selon Bird (1992),
sollicite la volonté personnelle et des aptitudes pour vérifier
la faisabilité d'une idée.
L'intention ne représente pas une action mais elle
définit une volonté ou un désir qui peut mener vers
l'action. C'est un facteur envisagé et préféré,
mais non encore certain. S'appuyant sur les travaux de Giddens, l'action peut
précéder l'intention ou pour le moins l'intention n'implique pas
nécessairement l'action. L'individu n'a pas forcément conscience
du but qu'il poursuit et peut éprouver des difficultés pour
exprimer son « intention réelle ». Toutefois, un comportement
ou un acte peut être planifié mais ne pas donner lieu à une
création de l'entreprise. Dans certains cas, l'intention ne se forme que
peu de temps avant la décision réelle et dans d'autres cas,
l'intention ne mène jamais à un comportement réel de
création d'entreprise.
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