2.1.2 La Pauvreté
A la mesure de la complexité de l'existence humaine
dont elle rend compte, la pauvreté est un concept multidisciplinaire.
Dans son acception la plus générale, elle désigne un
certain niveau de manque ou d'insuffisance dans l'existence ou le
bien-être de l'homme. Dans la pratique, ses définitions
différent par la manière d'appréhender le bien-être
et de traduire cette appréhension par quelques indicateurs pratiques et
utiles dans la mise en oeuvre des stratégies de lutte contre la
pauvreté. L'évolution de la pauvreté en RDC est
présentée dans ses trois dimensions : monétaire,
alimentaire et humaine. (RNDH, 2000)
2.1.2.1 Pauvreté monétaire
La misère sociale continue à s'aggraver à
l'ombre d'une augmentation accélérée des exportations. En
RDC, le taux de pauvreté évalué à 71% reste parmi
les plus élevés d'Afrique où, selon la Banque mondiale,
plus du tiers des personnes vivant avec moins de 1,25 USD par jour vivent en
Afrique subsaharienne qui comptait 414 millions de personnes en situation
d'extrême pauvreté sur un total de 1,2 milliard recensées
dans le monde en 2010, soit une proportion de 34 %.
La pauvreté monétaire ne permet pas de saisir
toute l'ampleur de la vie humaine. En plus, ses mesures posent beaucoup de
problèmes de méthodologie et d'erreurs de mesures ; surtout dans
les pays comme la RDC où une bonne partie d'activités se font
dans le secteur informel. Pour déterminer le niveau de vie minimum, on
peut se servir, à la place du revenu, des besoins essentiels à
l'existence de l'homme tels que manger, s'instruire, se loger, se
déplacer, etc. (RNDH, 2000)
2.1.2.2 Pauvreté alimentaire
L'aggravation de la malnutrition entre 2015 - 2016, tel que
l'indique le tableau ci-dessous, est due à la fois à la baisse
des revenus réels des individus et des ménages, l'accroissement
des prix des aliments importés (sous l'influence du glissement rapide du
taux de change), à la baisse de l'offre agricole dans certaines
régions du pays (suite à la perturbation des calendriers
agricoles, à l'apparition des chenilles ravageuses, à
l'étiage récurrent de certains cours d'eau), à la
dégradation des
infrastructures (routières et de stockage des aliments)
et aux problèmes sécuritaires qui perturbent l'activité
agricole dans certaines parties du pays.
34
Tableau n°4 : Prévalence de la malnutrition
|
1990
|
2007
|
2010
|
2015
|
2016
|
Angola
|
67
|
48
|
31
|
18,9
|
14,2
|
Cameroun
|
33
|
30,8
|
21,0
|
11,9
|
9,9
|
Congo
|
42
|
32,0
|
32,8
|
29,9
|
30,5
|
RCA
|
44
|
42,9
|
40,6
|
33,7
|
47,7
|
RDC
|
26
|
36,5
|
31,4
|
27,7
|
26,7
|
Tchad
|
60
|
40,1
|
39,7
|
40,1
|
34,4
|
Source : Banque mondiale et FAO
De manière globale, le secteur agricole congolais est
confronté à des nombreuses contraintes d'ordre technique,
économique et institutionnel, qui entravent son développement et
plonge les populations dans une situation d'insécurité
alimentaire et nutritionnelle aiguë. En effet, l'incidence de la
pauvreté en RDC reste très élevée en comparaison de
celle des autres pays de l'Afrique centrale.
Vu l'évolution de la situation alimentaire et
nutritionnelle en RDC et considérant le devoir du gouvernement de fixer
les indicateurs d'appréciation de la situation relative à la
sécurité alimentaire et nutritionnelle. La malnutrition
aiguë globale affecte 8% des enfants de 5 ans selon Unicef. Ce qui fait
apparaitre des disparités importantes observées d'un territoire
à un autre.
Les indicateurs observés montrent qu'environ deux
ménages sur trois ont une consommation alimentaire peu
diversifiée et reste réduit à trois groupes d'aliments,
notamment : les tubercules (ou céréales), les légumes
(feuilles de manioc, de patate douce) et d'huile de palme et que plus de 15
Millions de personnes sont en crise alimentaire selon les résultats
préliminaires du 16ème cycle de l'IPC ; en comparaison à
juin 2017, le nombre de personne en crise alimentaire est passé de 7,7
Millions à 15,6 Millions, soit une hausse de plus de 100%.
En RDC, la part de la population n'atteignant pas le niveau
minimal d'apport calorique est de plus de 60% ; le régime alimentaire
est essentiellement végétarien, une grande part de calories
provient de céréales, tubercules, huiles et légumes. La
consommation des viande et poisson est un apport très faible. La plus
part des ménages ont un seul repas par jour, plus de 40% des
ménages ne disposent pas de réserves alimentaires.
35
Tableau n° 5 : Apport en calorie, protéine et
glucide en RDC
Apport
|
Norme
|
1999 - 2001
|
2003 - 2005
|
2010
|
2015
|
2016
|
Calories (cal/pers/ jr)
|
2400
|
1592
|
1500
|
1629
|
1800
|
1838
|
Protéine (g/pers/ jr)
|
---
|
24,1
|
23,0
|
24,0
|
26,1
|
25,6
|
Glucide (g/pers/ jr)
|
---
|
25,0
|
23,2
|
23,6
|
27,2
|
24,7
|
Source : FAO
Malgré ces difficultés, il s'ajoute encore le
problème de l'évolution démographique dans notre pays en
particulier et en Afrique en général. Parmi le poids-lourds
démographique du monde, l'Afrique devrait avoir son mot à dire au
cours des prochaines décennies. Trois des dix pays les plus
peuplés de la planète en 2050 seront africains, dont la RDC.
2.1.2.2 Pauvreté humaine
La pauvreté humaine est présentée comme
l'absence des capacités humaines de base,
analphabétisme, malnutrition, longévité
réduit, mauvaise santé maternelle, maladie pouvant être
évitée.
Il est utile de rappeler que l'IDH est un indice composite,
calculé à partir des paramètres constitutifs qui le
composent, et qui sont l'espérance de vie à la naissance,
l'éducation, et le revenu national par
habitant. De manière générale, les
progrès sont notables depuis la décennie en cours, après
une longue période de stagnation et même de régression.
La RDC sort d'un conflit long et destructeur, qui a suivi des
années de crise économique de sorte qu'elle est devenue l'un des
pays les plus pauvres du monde. Plus du tiers des enfants de moins de
cinq ans souffrent de malnutrition chronique (retard de
croissance) et 16 % souffrent de malnutrition aiguë (émaciation),
ce qui dénote une sensibilité généralisée
à des crises ponctuelles. Les enquêtes rétrospectives sur
la mortalité font apparaître des taux de mortalité
extrêmement élevés parmi les populations affectées
par le conflit et l'on estime que 3,8 millions de décès peuvent
être attribués à la guerre depuis 1997. (Rapport BM,
2005)
En ce qui concerne le paramètre de l'espérance
de vie à la naissance, ce dernier est passé par une longue
période d'évolution en dents de scie jusqu'au début de la
décennie 2000. Ce n'est que
depuis lors que cette composante affirme de plus en plus des
progrès notables, faisant passer le pays
de 47,6 en 2005 à 59,1 années d'espérance
de vie moyenne à la naissance en 2015, se situant ainsi au niveau moyen
de l'Afrique subsaharienne (58,9), bien qu'encore légèrement
inférieur à celui des pays à DH faible dans le monde
(59,3). Il s'agit là de progrès remarquables qu'il faut saluer et
surtout encourager pour la RDC, et qui témoignent d'un niveau
appréciable de l'effectivité, et surtout de
36
l'efficacité des stratégies et politiques dans le
domaine de la santé, bien que l'accès aux soins et leur
qualité soient encore à déplorer. (Rapport
RNDH, 2016)
Tableau n° 6 : Évolution de l'IDH et de ses
composantes en RDC (1980-2016).
|
1980
|
1990
|
2000
|
2005
|
2010
|
2014
|
2015
|
2016
|
Espérance de vie à la naissance
|
46.5
|
47.8
|
46.3
|
47.6
|
48.0
|
58.7
|
59.1
|
58.9
|
Nombre attendu
d'années de
scolarisation
|
7.1
|
4.9
|
6.7
|
7.3
|
7.8
|
9.8
|
9.8
|
10.9
|
Nombre moyen
d'années de
scolarisation
|
1.2
|
2.0
|
3.2
|
3.4
|
3.8
|
6.0
|
6.1
|
7.32
|
RNB par habitant (PPA USD)
|
821
|
617
|
250
|
274
|
291
|
680
|
680
|
913
|
IDH
|
0.336
|
0.355
|
0.329
|
0.292
|
0.408
|
0.433
|
0.435
|
0,465
|
Source : Rapport RNDH 2016
Pour ce qui est du paramètre de l'éducation et
comme on le sait, il est appréhendé à travers deux
variables : la durée moyenne de scolarisation et la
durée attendue de scolarisation. Le nombre attendu
d'années de scolarisation qui avait connu une baisse
importante entre 1980 et le début de la décennie
2000, allant de 7,1 en 1980 à 4,9 en 1990, et 6,7 en
2000, a confirmé une tendance haussière qui s'affirme de plus en
plus, passant ainsi successivement à 7,3 en 2005, 7,8 en 2010 et 9,8 en
2015. (RNDH, 2016)
Quant au nombre moyen d'années de scolarisation, cet
indice n'a connu que des progrès, bien
que lents aux premières décennies, mais qui se
sont accélérés au cours de cette décennie,
atteignant le niveau de 6,1. Dans les deux cas, les progrès de la RDC
placent actuellement le pays légèrement au-dessus de la moyenne
des pays subsahariens qui est de 9,7 et 5,4 respectivement pour le nombre
attendu d'années de scolarisation, et le nombre moyen d'années de
scolarisation. (RNDH, 2016)
Sans préjuger de la qualité de cette
scolarisation, et si cette tendance se confirme, le Congo améliore ainsi
progressivement son niveau moyen d'éducation/formation vers le minimum
de 9 années de scolarisation. Néanmoins, il y a lieu de noter
qu'il y a toujours un écart important, bien qu'en
régression, entre le nombre attendu par rapport au nombre
moyen réel de scolarisation. Ce qui dénote,
entre autres, l'existence de déficits dans la
productivité et l'efficacité du système éducatif
congolais, en dépit de l'amélioration du taux de scolarisation.
(RNDH, 2016)
37
Tableau n° 7 : Indice de développement humain
Année
|
2013
|
2014
|
2015
|
2016
|
2017
|
2018
|
Rang Mondial
|
186
|
174
|
176
|
176
|
214
|
176
|
Score
|
0,304
|
0,433
|
0,433
|
0,435
|
0,457
|
|
Source : BCC 2013-2017 et Wikipédia
L'incidence de la pauvreté est plus
élevée en milieu rural (75,72%) qu'en milieu urbain (61,49%). La
même évidence se retrouve au niveau de l'ampleur et de la
sévérité de la pauvreté. Les populations qui vivent
dans le milieu urbain sont donc plus favorisées que celles qui vivent
dans le milieu rural. Le même fait s'observe en ce qui concerne la
vulnérabilité à la pauvreté. Cette évidence
tend à favoriser l'exode rural en RDC. (Banque Mondiale)
Tableau n° 8 : Indicateurs de pauvreté par milieu
de résidence et Province (en %)
Zone géographique
|
Incidence de la pauvreté
|
Profondeurilde la pauvreté
|
Sévérité de laU pauvreté
|
|
2005
|
2012
|
2005
|
2012
|
2005
|
2012
|
RDC
|
71,34
|
63,40
|
32,20
|
26,50
|
32,23
|
14,50
|
Milieu de résidence
|
|
Urbain
|
61,49
|
60,4
|
32,23
|
23,9
|
14,10
|
12,3
|
Rural
|
75,72
|
65,2
|
34,9
|
28,2
|
19,76
|
15,8
|
Provinces
|
|
Kinshasa
|
41,6
|
36,8
|
13,43
|
10,5
|
58,9
|
4,2
|
Bandundu
|
89,08
|
74,6
|
44,8
|
31,3
|
26,62
|
17,10
|
Bas Congo
|
69,81
|
56,9
|
23,82
|
18,8
|
10,56
|
8,2
|
Katanga
|
69,12
|
66,6
|
32,54
|
31,0
|
18,42
|
18,8
|
Kasaï oriental
|
62,31
|
78,6
|
26,98
|
38,1
|
14,84
|
22,8
|
Kasaï occidental
|
55,83
|
74,9
|
21,51
|
34,7
|
10,73
|
19,7
|
Equateur
|
93,56
|
77,3
|
50,75
|
35,5
|
31,38
|
19,9
|
Nord Kivu
|
72,88
|
52,4
|
32,23
|
19,5
|
18,37
|
9,8
|
Sud Kivu
|
84,55
|
60,2
|
38,59
|
23,2
|
20,92
|
11,5
|
Maniema
|
58,52
|
62,9
|
20,38
|
23,4
|
9,8
|
11,2
|
Province orientale
|
75,53
|
56,9
|
33,96
|
22,4
|
18,91
|
11,6
|
Source : RDC - Rapport National OMD 2012
L'incidence de la pauvreté montre que la proportion des
pauvres en RDC recule au niveau national quel que soit le milieu de
résidence mais demeure très élevée, loin de la
cible de 40% qui était visée en 2015. En effet, elle se situe
à 63,40% en 2012 contre 71,34% en 2005 et 80% en 1990. Malgré
l'existence des disparités, la tendance à la baisse est
également enregistrée dans presque toutes les
38
provinces du pays à l'exception des deux Kasaï et
du Maniema où la pauvreté a augmenté. (Rapport National
OMD 2012)
Les tendances observées au niveau de l'incidence de la
pauvreté se manifestent aussi bien pour la profondeur que pour la
sévérité de la pauvreté. Entre 2005 et 2012, elles
sont passées de 32,2% à 26,5% pour la première et de
32,23% à 14,5% pour la seconde. Comparées aux cibles de 2015,
elles ne seront vraisemblablement pas atteintes malgré les baisses
sensibles enregistrées.
|
|