Chapitre 4 : Facteurs de progression et de
régression de la transmission
générationnelle des langues
Dans ce chapitre, nous abordons les raisons qui sont à
l'origine de la transmission des langues par les parents, c'est-à-dire
les facteurs qui motivent le choix de la forte transmission de certaines
langues par les parents et de la faible transmission d'autres. Ceci nous
permettra de répondre à l'une des questions de notre
problématique : Quels sont les facteurs qui sont à l'origine
de la progression, de la régression ou rupture de transmission
linguistique générationnelle entre les parents et les enfants
?
Nous avons soumis une question sur les raisons de transmission
des langues aux soixante-douze parents enquêtés. Un parent n'a
trouvé aucune raison. Les diverses réponses ou raisons des
soixante-onze répondants sont réparties comme suit :
1- Pour les parents qui transmettent une langue : 28,17% ont
dit la transmettre parce que « c'est la langue parlée dans le
quartier » ; 26,76% ont déclaré que « c'est la langue
des aïeux » ; 14,08% ont affirmé que « c'est la langue
qu'ils parlent ou encore leur langue » ; 12,68% ont proclamé que
« c'est la langue officielle » et 7,03% ont affirmé que «
c'est la langue nationale. »
2- Pour les parents qui transmettent deux ou plus de langues
: 2,82% ont indiqué que parce que « ce sont les langues nationale
et officielle », « ce sont les langues nationale et des aïeux
». 1,41% des parents ont dit que « ce sont les langues nationale et
parler dans le quartier », « ce sont
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les langues nationales que nous parlons ». Certains
parents (1,41%) ont avancé trois raisons à la fois, «
langues nationale, que nous parlons et du quartier » ; d'autres (1,41%)
ont avancé quatre raisons, « langues officielle, nationale, que
nous parlons et du quartier ».
Toutefois, en analysant ces différentes raisons
évoquées, nous ne pouvons pas nous empêcher de percevoir
les facteurs extralinguistiques : les faits socio-économiques,
politiques et culturels.
4.1. LA CONCURRENCE DES LANGUES
Dans le domaine de contacts des langues, les
représentations qu'ont les locuteurs vis-à-vis des langues en
présence confèrent à l'une d'elles un poids physique
élevé par rapport à l'autre.
En effet, on ne peut parler des langues sans tenir compte des
sociétés qui les parlent. Les sociétés humaines
sont de plus en plus interconnectées et par là, il y a d'autres
facteurs qui influent sur le contact des langues. Et, étant donné
que les sociétés sont inégalitaires dans leurs rapports
les unes aux autres, les langues sont également inégalitaires
sous deux aspects : dans leurs fonctions et dans leurs statuts. Les
inégalités sociétales influent donc sur les rapports entre
langues.
Dans ce sous-chapitre nous présentons le poids du
français et celui des langues nationales qui interviennent dans le choix
de la transmission générationnelle des langues à
Gamboma.
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4.1.1. LE POIDS DU FRANÇAIS
Le français est la seule langue officielle du pays.
Tout ce qui concerne l'administration se fait en français. C'est la
langue de l'enseignement, de la justice, de l'armée, de l'hôpital,
des médias, etc. Bref, c'est la langue de tous les actes de
l'État. Et, il semble offrir les atouts qu'il faut pour la
réussite sociale. Certains parents se disent que pour la réussite
scolaire de leurs enfants, l'apprentissage et la maitrise du français
apparaissent comme la condition sine qua non. Ainsi, ils sont obligés de
leur transmettre le français depuis la maison, en famille. Ainsi,
Martial Nkouka affirme :
« Pour justifier le choix du français à
leurs enfants, certains parents affirment qu'il s'agit ici comme d'un
phénomène de « mode » : la plupart des enfants qui
naissent sont initiés d'abord au français. En tenant compte des
différences de classes sociales, « donner » le français
aux enfants devient pour beaucoup de parents une manière de s'approprier
une place dans un univers convoité et jusque là inaccessible. Le
français étant considéré par beaucoup comme la
langue de l'élite, des gens riches et puissants, en leur donnant cette
langue, beaucoup de parents espèrent voir leurs enfants
réussir.30 »
C'est ainsi que 12,68% des parents ont affirmé
transmettent à leurs enfants le français comme L1 parce que c'est
la langue officielle.
30 Nkouka, Martial, « Émergence des
langues véhiculaires comme langues premières chez les enfants de
Brazzaville », in Le plurilinguisme urbain, actes du colloque de
Libreville "Les villes plurilingues" (25-29 septembre 2000), Calvet, L-J.
& Moussirou-Mouyama, A., Institut de la Francophonie, Diffusion Didier
Erudition, Paris, 2000, p.151.
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