3.2.3.3. Impacts de la précarité de
l'énergie électrique à Niamey
La NIGELEC, société d'Etat, dispose d'un
monopole dans la production, la distribution et la commercialisation du courant
électrique. Cette société qui reçoit des
subventions de l'Etat et plusieurs autres partenaires, rencontre des
difficultés à jouer son rôle tout en assurant sa mission de
service public par la fourniture efficace et continue de
l'électricité devant alimenter les ménages et les
commerces mais aussi les services de l'Etat et autres pour que ces derniers
soient rentables en exécutant convenablement les taches, chacun en ce
qui le concerne, au grand profit de l'intérêt de tous. Ce qui se
traduit par la précarité du service et cela se manifeste à
travers des coupures intempestives. Ces dernières ne sont pas sans
conséquence sur le développement socioéconomique de la
ville. Ainsi, nous assistons à des supplices de plusieurs ordres.
D'après un article publié par le COURIER le 02
Octobre 2015 à 16heure 19 minutes dans société, «
on assiste à un climat nauséabond de vie chez les
ménages, qui caractérise le quotidien des populations car sans
électricité la vie ressemble à une sorte de non vie et que
tout bien être devient impossible ajoutés aux pertes
énormes enregistrées grâce à l'arrêt ou la
reprise subites de la fourniture du courant qui détruisent des appareils
électroniques et électroménagers par le
dérèglement de l'intensité du courant ». Cela a
été démontré par DEDJINOU V. F. (2014) au Benin
où il montre que les ménages, surtout ceux à faible revenu
sont plus touchés par les coupures d'électricité du fait
des dégâts causés par ces derniers. D'après toujours
le COURIER, durant les périodes d'hivernage finissantes, les familles
dorment encore dans les chambres, en recourant notamment à des appareils
(ventilateurs, humidificateurs, climatiseurs, etc.) pour atténuer les
piqûres de moustiques, qui sont à l'origine du paludisme. La
fourniture d'énergie électrique n'étant plus
régulière la nuit, les familles sont du coup exposé
à cette maladie fortement mortelle. C'est dans ce même cadre qu'a
été démontré en France par EDF et col (2011) et
MARION C. (2013) que la précarité énergétique a un
impact sur la santé des populations car l'inconfort permanent provoque
le développement des maladies pulmonaires, des infections et même
des décès.
70
Les coupures d'électricité plongent
généralement la ville dans l'obscurité à travers le
manque de l'éclairage publique affirme SALEY M. (2008). Pour cet auteur,
l'absence de cet éclairage de manière générale,
favorise la criminalité, le banditisme et les accidents de la
circulation et ne favorise pas les activités marchandes se
développant le long des rues. Ce qui entraine un manque à gagner
pour le petit commerce se développant la nuit.
Selon MOUNKAILA A. (2014), les commerçants, surtout
ceux qui utilisent ou s'alimentent à base du courant électrique,
sont simplement en cessation d'activité du fait de l'arrêt de la
fourniture ou de son caractère intermittent qui ne facilite pas la bonne
marche des affaires donc une stagnation de l'activité économique
ou de son ralentissement. Cela s'est confirmé pendant notre passage dans
quelques supers marchés de la place. Ces derniers subissent des dommages
de plusieurs ordres et qui ne sont pas remboursés par la NIGELEC. En
effet, des avaries des réfrigérateurs et plusieurs autres
produits cosmétiques sont observées dans toutes ses unités
commerciales. Ce qui n'est pas sans conséquence sur leurs chiffres
d'affaire. Les dommages sont estimés de 5 000 à 20 000 par jours
(pendant la saison chaude, période pendant laquelle les coupures sont
répétées) selon la taille de la boutique et souvent
conduit à l'endettement des propriétaires comme l'Affirme EDF et
col (2011) en France ou la fermeture systématique des boutiques. C'est
dans cette optique que IBRAHIM A. affirme à travers le journal
?Administrateur que « tous les produits liés au froid sont en
danger et beaucoup de petits commerçants qui ne vivent que de cette
activité ont fermé boutiques». Par contre fait la joie
des vendeurs des lampes (à piles ou à pétroles) et bougies
qui voient l'écoulement rapide de leurs produits.
Les coupures de courant pèsent lourdement sur
l'économie. En effet, les études de ANTOIN E. et al (2006) et de
la BANQUE MONDIALE (2009), montrent qu'en termes de ventes perdues et de
dégâts matériels, le coût moyen se chiffre à
2,1 % du PIB en Afrique subsaharienne et le manque à gagner pour les
entreprises, représente 6 % du chiffre d'affaires en moyenne pour les
entreprises du secteur structuré, et près de 16 % pour les
entreprises du secteur informel qui ne disposent pas de système
d'alimentation de secours. Ces pourcentages expriment l'impact de la
précarité de l'énergie électrique sur les
activités commerciales.
Autre secteur paralysé, c'est celui de l'administration
publique dans la fourniture des services publics aux usagers en l'occurrence
les contribuables de l'Etat car les fonctionnaires, certains d'entre eux
désertent les postes de travail en cas de coupure et d'autres restent
sur place sans aucune utilité en attendant vainement le
rétablissement inespéré de la fourniture pour enfin vaquer
normalement à leurs tâches qui ne sont pas du tout aisées
dans ce contexte de forte canicule ajoute MOUNKAILA A. (opp cit). Cela est l'un
des problèmes dont souffre
71
l'administration Nigérienne en générale
et celle de Niamey en particulière. C'est dans cette optique que le chef
du département de géographie de l'Université Abdou
Moumouni, DAMBO L. (2016), affirme au cours de notre entretien que les coupures
d'électricité constituent un blocus pour le bon fonctionnement de
l'administration et l'arrêt systématique des cours dans certaines
salles comme l'Amphi A de la Faculté des lettres et Sciences Humaines.
Et cela est l'une des causes du retard académique que connait
l'université de manière générale. Selon toujours le
chef du département, ces coupures provoquent aussi des
dégâts matériels.
L'énergie est incontestablement la base du
développement de l'activité humaine et industrielle et du
surcroit le mobil pour une véritable production de richesse dans un
pays.
Pour DJIBY D. et al (2009) et VIJAY, et al (2005), la
précarité énergétique a aussi un impact sur les
services sociaux de base. En effet l'électricité joue un
rôle crucial dans la fourniture des services sociaux de base dont
l'accès à l'eau, à l'éducation et la sante,
où le manque d'énergie constitue souvent un obstacle à la
stérilisation, l'approvisionnement en eau, sa purification, à
l'assainissement et à l'hygiène ainsi qu'à la
réfrigération des médicaments. Ainsi, l'adjoint au chef
maintenancien de l'hôpital Lamordé nous, a souligné (le 13
juin 2016) un certain nombre des problèmes liés aux coupures
d'électricité. Ces dernières pèsent lourdement sur
le bon fonctionnement du dit hôpital. C'est ainsi qu'il assiste à
des dommages de plusieurs ordres dont nous avons, les avaries des produits
sanitaires et des matériels liés au soin ou à la
climatisation. Ces dommages pouvant aller jusqu'à l'atteinte de vies des
patients affirme le maintenancien adjoint. En termes de pertes
financières, les dommages matériels sont estimés à
plus de 6 million par an. Le manque d'énergie est le principal facteur
de la discontinuité de la fourniture d'eau dans les villes
sahéliennes en générale et à Niamey en particulier
pendant les périodes de canicule affirme HASSANE Y. (2014). Il ajoute
aussi que ces périodes sont marquées par une forte demande en eau
et en énergie, ce qui occasionne des multiples intermittences qui vont
jusqu'à l'arrêt total de la fourniture du service d'eau potable de
la ville. Ainsi, les Niaméens sont durement frappés par cette
situation qui plonge les ménages branchés et ceux qui ne le sont
pas dans le même calvaire en les lançant dans un combat pour
s'approvisionner aux points d'eau collectifs. Ce qui amène selon AMY G.
(2012), les ménages branchés à faire des dépenses
imprévues pour l'eau qu'ils auraient pu investir ailleurs et cela
pourrait provoquer une instabilité financière qui
n'empêchera pas de payer la facture d'eau. C'est ainsi qu'un fût de
120 litres d'eau potable qui se vendait ?en temps normal à 350 FCFA? se
négocie ?jusqu'à 1 000 FCFA?, a dénoncé un
résident de Lazaret, un quartier périphérique et populaire
de Niamey. Il est, à noter le cramage des
72
installations électriques comme les armoires
électriques, affirme le chef d'exploitation des eaux de Niamey Mr
ABDOUL-RAZAK7. Aussi faute de courant, des télévisions
locales sont contraintes d'arrêter de diffuser leurs émissions
plus tôt que prévu (AFP, 12 mai 2016).
Cette précarité de l'énergie
électrique apparait comme le principal facteur de dysfonctionnement des
sociétés chargées de distribuer l'eau potable presque
partout en Afrique souligne YOUNSA H (opp cit). En effet, le service d'eau est
largement dépendant de la disponibilité de
l'électricité étant donné que la production de
l'eau est assujettie à celle de l'électricité ajoute AMY
G. (opp cit). Ainsi, pour SOGHA H. (SPEN, 2016), la précarité de
l'énergie électrique a trois dimensions : elle a d'abord une
dimension sociale. A cet effet, elle crée des mécontentements des
populations voir même des soulèvements ; puis une dimension
financière à travers les moyens que la société
mettra en place pendant les périodes des coupures afin de permettre la
continuité de la prestation du service ; enfin, une dimension technique
par la destruction sans dédommagement de certains matériels. Ce
point de vue de SOGHA H. (2016) est aussi partagé par TAHIROU D. (2016),
le chef de surveillance de la station de pompage de Goudel. En effet celui-ci
nous fait comprendre que l'usine n'est pas épargnée des coupures
d'électricité et ces dernières pèsent lourdement
sur le fonctionnement régulier de l'usine car pouvant aller
jusqu'à 8heures de temps par jour. Ainsi, pendant ces périodes de
coupures, il arrive souvent que les moteurs de secours consomment plus de 2000
litres de gasoil par jour sur fond propre de la SEEN. Ces coupures provoquent
aussi l'avarie de certains appareils. Mais ces derniers sont remboursés
par l'UGAN grâce à un contrat d'assurance.
Cette précarité a également des effets
sur le fonctionnement de la NIGELEC. En effet, du fait de la chaleur
exceptionnelle et de la forte demande, des évènements se
manifestent sur certaines composantes du réseau de distribution. Il
s'agit essentiellement de : certains câbles souterrains qui, ne pouvant
plus dissiper la chaleur dégagée du fait du transit de la forte
puissance fournie aux clients dans un sol déjà surchauffé
par le soleil, se mettent à se détériorer par claquage de
l'isolant, ce qui crée des courts circuits et empêche d'assurer la
continuité du service sur les tronçons concernés. Certains
transformateurs, particulièrement ceux qui sont dans les postes cabines
maçonnés, soumis aussi à la fois à la chaleur
ambiante excessive et à l'échauffement lié à la
forte demande d'énergie, subissent des avaries qui les rendent
indisponibles et parfois jusqu'à provoquer des incendies affirme
MOUSTAPHA K. (2010). Ce qui selon l'auteur a des répercussions
financières sur la société. Ainsi, on assiste à
7 Chef d'exploitation des eaux de Niamey au titre de
l'année 2016
l'achat des pièces de rechange ou aux remplacements des
certains matériels. Il est aussi prévu sur fond propre de la
NIGELEC, la production d'énergie électrique par des groupes
diesels en place, en cas de problèmes survenu sur la ligne
d'interconnexion du Nigeria ou pendant les fortes canicules. Durant ces
périodes la NIGELEC consomme plus d'un milliard de gasoil par mois
fournis par la SONIDEP.
|