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Urbanisation et précarité de l’énergie électrique dans les grandes villes d’Afrique de l’ouest. Exemple de Niamey au Niger (analyse bibliographique.


par Abassa Abdourazack Niandou
Université Abdou Moumouni de Niamey au Niger - Master II Aménagement des espaces urbains 2017
  

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3.2.3. Les aspects de la précarité énergétique à Niamey

Dans cette partie nous essayerons d'analyser les différents aspects de la précarité de l'énergie électrique ainsi que les stratégies adaptées par les populations pour tenter de réduire l'impact de ce phénomène sur le développement socioéconomique des populations.

3.2.3.1. Les caractéristiques de la précarité énergétiques

Toute définition de la précarité énergétique fait partie d'un processus de construction sociale. C'est pourquoi la réponse à la question « Qu'est-ce que la précarité énergétique ? » n'est pas univoque. Ce constat ressort d'une large étude bibliographique. Il n'y a pas d'unanimité sur les critères à l'aide desquelles on peut définir et mesurer la précarité énergétique soulignent FREDERIC H. et al (2011) ; MURIEL B. (2011) ; EDF et col (2011). Pour ces auteurs, le Royaume-Uni est le premier pays de l'Union Européenne à adopter une définition officielle de la précarité. Ainsi, il s'agit pour ce pays d'une situation dans laquelle se trouve un foyer lorsqu'il doit dépenser 10% de ses revenus pour couvrir ses dépenses d'énergie pour son logement afin de chauffer correctement sa résidence. Alors que pour ISOLDE D. (2007), c'est l'imbrication d'une situation sociale et économique fragile, d'un logement insalubre et d'un accès à l'énergie problématique dans un contexte de crise de logement. Cette définition d'ISOLDE se rapproche de celle du Belge, FREDERIC H. (2011), pour qui la précarité

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énergétique traduit l'insuffisance des revenus, un logement inadapté et des prix croissant de l'énergie.

En France, la définition de la précarité a été introduite par la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 (dite loi Grenelle 2), portant engagement national pour l'environnement. Ainsi, la précarité énergétique se définit comme suit : « est en situation de précarité énergétique au titre de la présente loi, une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d'énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaire en raison de l'inadaptation de ses ressources ou de ses condition d'habitat ».

Selon l'ONEP (2015), cette définition française est restrictive à la seule relation entre le ménage et son habitat et laisse à l'appréciation d'un tiers les sources de l'inconfort thermique qu'elles soient d'ordre économiques, technique ou performance énergétique globale. Elle évite aussi la question des usages ou des pratiques domestiques qui peuvent ne pas être conforme ou vertueuses, en référence aux économies possibles. Elle ajoute également qu'elle met de côté la notion de vulnérabilité liée à la mobilité et à son coût.

Pour les chercheurs d'IDDRI comme TIMOTHEE, LUCAS C., MATHIEU et MARION C. (2014), la précarité énergétique se caractérise par une situation de faible revenu disponible, combinée à des dépenses énergies et transport élevés, dues à un certain nombre de contraintes techniques, territoriales ou infrastructurelles. Pour eux, le phénomène de la précarité résulte non seulement du cumul de la mauvaise qualité thermique de l'habitat mais aussi de l'éloignement des espaces, des services publics, commerciaux, accroissant le coût de la mobilité résidentielle. Alors que pour d'autres comme BRUNO et MARECAS (2013), la précarité énergétique pose la question du coût du logement pour la simple raison que les logements du centre-ville sont beaucoup plus solliciter que ceux de la périphérie du fait qu'ils sont bien desservis par les réseaux d'énergie.

Cependant, nous constatons que tous ces auteurs ont traité de la question de l'énergie d'une manière générale sans pour autant l'aborder sous ses différents sous-secteurs comme la présente étude. Nous constatons également qu'il existe plusieurs critères dans la définition de la précarité énergétique selon les pays et parfois même les auteurs. C'est ainsi que certains pays utilisent une définition stricte et assez claire, comme le Royaume uni, tandis que d'autres ne disposent d'aucune définition ou restent assez vague, sans critères objectives. En effet, pour ces auteurs, la précarité énergétique se caractérise par un accès problématique à l'énergie, la mauvaise qualité thermique de l'habitat et le coût élevé de la facture énergétique poussant les populations à investir une part croissante de leurs revenus pour l'énergie afin de lutter contre l'inconfort au niveau des bâtiments. Partant de ce constat, il est important de se

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demander comment se manifeste ce phénomène dans les grandes cités africaines et plus particulièrement à Niamey ?

L'une des principales caractéristiques de la précarité énergétique des pays d'Afrique de l'Ouest est du prix élevé de la facture d'électricité par rapport aux pays développés affirment ANTOIN et al (2006) ; AFD (2009) ; BAD (2015). Or la quasi-totalité des populations issues de nos villes ont des faibles revenus (moins de 2 dollars par jours) qui ne les permettent pas de répondre suffisamment au coût de la facture d'électricité. Ainsi, ALEXANDRE B. et al (2011), ajoutent que le faible niveau de revenu des ménages, rendant difficile le paiement des factures, et empêchant tout investissement permettant de diminuer la facture pour atteindre un niveau de confort supérieur. Ce qui se manifeste bien souvent par le désabonnement des populations au réseau par les sociétés de distribution électrique. Ainsi, le coût élevé du prix de l'électricité est selon ces auteurs, le résultat de deux facteurs : d'une part la dépendance énergétique de certains pays d'Afrique de l'Ouest comme le Niger, et de l'autre, l'utilisation des groupes électrogènes par les sociétés en charge de l'électricité, qui demandent des gros investissements. Ce coût élevé de l'électricité est illustré par le tableau ci-dessous.

Tableau 3 : Comparaison du prix du KWh du Niger à d'autres unités géographiques

Pays

Prix du KWh en Franc CFA pour l'année 2009

 
 

Afrique Subsaharienne

56 franc CFA

Amérique Latine

30 franc CFA

Asie du Sud

17 franc CFA

 
 

79 franc CFA

Niger

 
 
 

Source : Groupe de la Banque Africaine du Développement, 2015

Selon les études de ANTOIN E. et al (2006); CHRISTINE et al (2011), cette situation de précarité se manifeste aussi par la faiblesse du taux d'accès à l'énergie électrique dû principalement à l'insuffisance de capacités de production électrique installées au niveau des pays ouest africains, la faiblesse du réseau d'interconnexion reliant les grandes villes de la région et la dépendance énergétique des certains pays comme souligné si-haut. C'est ainsi qu'en 2012, la capacité installée reliée aux réseaux électrique de l'Afrique de l'Ouest était de 20 GW contre 128,9 GW en France en 2014. En plus la moitié de cette capacité électrique provient des centrales à gaz, essentiellement situées au Nigeria. Dans cette région, plus de 250 million de personnes comptent sur la biomasse pour cuire leurs aliments car elles n'ont pas accès à l'électricité. La région dispose en effet un taux d'électrification de 40 % d'après les études de CHRISTINE et al (2011). Cela montre la faiblesse de la couverture en énergie

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électrique. Ce taux varie d'un pays à un autre ou d'une ville à une autre. C'est ainsi que, le Niger présentait en 2012, un taux d'électricité d'environ 25 % (INS, 2015). La consommation électrique par habitant était inférieure à 50 kilowattheures (kWh) par an durant cette même période par rapport à une moyenne régionale de 200 kWh et une moyenne mondiale de 3 104 kWh souligne le Groupe de Banque Africaine de Développement (2015).

Tableau 4 : Consommation moyenne annuelle d'électricité par pays ou groupe de pays

Pays

Consommation du KWh/habitant en 2013

Afrique du Nord

2 880

Afrique Subsaharienne

488

Monde

3104

Niger

49

France

7 292

Etats-Unis

13 246

Source : Groupe de la Banque Africaine de développement, 2015

De ce fait, le citoyen moyen nigérien fait partie des plus faibles consommateurs d'électricité au monde. Ce qui est paradoxal quand on sait que 3 ampoules sur 5 en France sont alimentées grâce à l'uranium du Niger. Pourquoi donc le Français doit consommer plus de l'électricité que le Nigérien qui dispose de la matière première ? En plus, environ 76 % de la population n'ont pas accès à l'électricité, majoritairement limitée en zone urbaine. Cela indique une importante demande latente dans le secteur de l'électricité et le besoin de combler l'écart entre la demande et la disponibilité soulignent GAURI S. et al (2014). Ainsi la ville de Niamey présente un taux d'électrification de 63 % pour plus de 114 129 abonnés (NIGELEC, 2014). Ce taux peut être considéré comme bon dans l'ensemble mais présente des déséquilibres d'une part entre centre-ville comme affirme MAINA B. (2011).

Pour GAURI S. (opp cit), le profil énergétique 4nigérien est celui d'une économie à faible revenu dans laquelle le secteur des ménages demeure le principal utilisateur d'énergie. Cela implique une utilisation limitée de l'énergie dans le secteur productif. Nombreux sont les ménages qui, dépendent lourdement de la biomasse traditionnelle pour répondre à leurs besoins énergétiques.

Mais un des handicape majeurs est l'alimentation haute tension provenant du Nigeria. Cette alimentation reste discontinue selon des périodes de l'année, surtout pendant l'étiage du fleuve par manque d'eau pouvant alimenter les barrages qui produisent de l'électricité (AFP,

4 Profil énergétique : c'est une vue d'ensemble de la consommation de l'énergie par secteur d'activité.

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13/06/2016 à 09heure 18). Ce qui plonge le plus souvent la ville dans des coupures intempestives. Ces coupures répétées pouvant durer des heures, voir toute la journée, sont observées de jours comme de nuits à Niamey, a constaté un journaliste de l'AFP (Agence France-Presse).

Durant l'année 2014, d'après le rapport intérimaire de la NIGELEC en 2016, la situation du réseau de distribution de la ville de Niamey est la suivante :

? La longueur du réseau HTA (Moyenne Tension) est de 542 km contre 4 472 km pour le pays entier, soit 12 % ;

? La longueur du réseau BT (Basse Tension) est de 509 km contre 2 418 km pour l'ensemble du pays, soit 21 %.

Ces nombres de kilomètre comparés aux nombre d'hectares sur lesquels la ville s'étale demeurent insuffisants pour desservir l'ensemble des quartiers surtout ceux de la périphérie. Ainsi, la ville s'étale sur environ 12 000 hectares. Alors si on tient compte du rapport kilomètre BT au nombre d'hectares, on aura 42 m/ 10 000 m2. Partant de cette analyse, plusieurs quartiers seront totalement dépourvus d'électricité. Cela témoigne de la disparité qui existe dans l'accès à l'électricité dans la ville. C'est ainsi que des populations sont raccordées aux réseaux électrique et d'autres restent toujours à la périphérie de celui-ci comme le montre la carte ci-dessous.

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Figure 6 : Réseau de distribution électrique de Niamey

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A travers la figure n° 6, nous avons d'abord la concentration du réseau électrique dans le centre-ville et la péricentrale. Cette concentration est le résultat de la redynamisation du centre-ville à travers le développement du commerce et de l'entreprenariat. Ce qui explique le développement des postes privées au centre plus qu'ailleurs, due nécessairement à l'insuffisance de la prestation du service électrique. Ce qui amène certains usagers à la mise en place de ces postes afin de pouvoir s'approvisionner librement sans qu'il ait des moindres baisses de tension car l'énergie émis par ses postes n'est que la demande maximale des usagers mais ces derniers ont la charge de leurs emplacements et entretiens. Puis la faiblesse du réseau dans les quartiers périphériques due à l'étalement anarchique de la ville. Cet étalement se fait à travers des promoteurs immobiliers qui ne respectent pas les textes de viabilisation des terrains. Ensuite, la présence des postes publiques et mixtes sur l'ensemble de la ville dont les premiers sont placés pour le besoin du publique et les seconds, pour le privé tout en permettant à d'autres usagers de s'alimenter. Enfin, le caractère archaïque du réseau malgré sa densification dans le centre-ville et péricentral. Cela est dû à la dynamique actuelle de ses quartiers.

Selon PATRICE C. (2014), cette précarité se manifeste aussi par un déséquilibre entre l'offre et la demande en énergie électrique. Pour lui, ce déséquilibre se produit à travers une demande nettement supérieure à l'offre. Ce déséquilibre est surtout perceptible pendant la période de chaleur où la demande est particulièrement élevée. Durant cette période de forte demande, la population fait face à des délestages dans la distribution du service électrique.

Pour la NIGELEC (2016), la situation du sous-secteur de l'électricité se caractérise par l'insuffisance et le vieillissement du parc de production, de transport et de distribution et par la mauvaise qualité du service. En effet, des difficultés d'exploitation et de maintenance des matériels sont observées au niveau de différents départs alimentant la ville de Niamey. Ces difficultés sont entre autres :

? La présence des tronçons 5vétustes ;

? Déclenchement dû au claquage des câbles vétustes ;

? Dépassement de la charge admissible6 aux heures de points; ce dépassement de la charge s'observe par un surcharge des départs pouvant aller jusqu'à 100 %; c'est la raison pour laquelle certains onduleurs se claquent;

5 Tronçon : c'est le réseau électrique qui existe entre deux postes.

6 La charge normale qui est admise par les câbles.

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? Départ ayant très longue dérivation en périphérie, d'où son instabilité. c'est le cas ici du départ de Goudel;

? Départ en antenne n'ayant aucune possibilité de bouclage avec un autre départ (sans possibilité de secours), c'est le cas du départ Rive droite issue du poste de Goudel alimentant 88 transformateurs ;

? Départ neuf saturé car alimentant des zones en pleine développement ;

? Rupture des conducteurs et anomalie sur les isolateurs dus à la surcharge.

? Etc.

Ces difficultés vont se traduire par la défaillance du réseau et du coup, interrompre la prestation du service continu de l'électricité.

Cette précarité se manifeste également par la faiblesse de l'éclairage public de la ville affirme SALEY M. (2008). En effet, avec théoriquement environ 86 km de voiries éclairées pour 310 km de voiries primaires soit 27,75 % le taux d'éclairage public. Selon cet auteur, L'éclairage public est essentiellement concentré dans les secteurs centraux et au long des voies principales. Il est en général absent au niveau des voies de dessertes à l'intérieur des quartiers. Ainsi les quartiers des ménages à faible revenu sont généralement plongés dans l'obscurité.

Il y a aussi la présence d'autres sources d'énergies comme les groupes électrogènes et les panneaux solaires dans certains services et ménages qui montrent bien l'insuffisance de la Société à satisfaire les besoins des populations.

Cette analyse de la bibliographie sur les caractéristiques de la précarité de l'énergie électrique dans les grandes villes, reste marquée par la prédominance des auteurs occidentaux sur ceux d'Afrique. Elle laisse apparaitre le fait que l'énergie n'est pas un phénomène isolé de l'espace géographique. La perception de la précarité énergétique par les auteurs est divergente. C'est ainsi que certains la qualifie d'une situation dans laquelle un ménage ou un individu rencontre des difficultés particulières à satisfaire ses besoins énergétiques tandis que d'autres lui donnent des caractéristiques plus complexes. En effet, pour ces derniers, la précarité énergétique se caractérise par le coût élevé de l'énergie, le faible taux d'accès, la faible consommation énergétique des populations, les coupures d'électricité, la faiblesse du réseau électrique, le déséquilibre entre l'offre et la demande et la vétusté des équipements électriques. Il est donc intéressant de se questionner sur les facteurs qui expliquent cette précarité au niveau de la ville de Niamey.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus