Section 2 : La portée multidimensionnelle de la
coopération internationale en matière de lutte contre le
terrorisme
L'internationalisation du terrorisme en tant que crime
international et la nature transfrontalière du phénomène
implique une coordination des forces de sécurités et de
l'administration judicaire. L'existence de facteurs existants dont peuvent se
nourrir des groupes terroristes à savoir les problèmes
sécuritaires, diplomatiques et socio-économiques amène
à parler d'une coopération en multi dimensionnalité.
Ainsi, demande-t-on aux États de s'abstenir de tolérer le
terrorisme. Pour ce faire, ils s'obligent dans le domaine de la
coopération à prendre doublement des mesures dans le cadre de la
prévention (§1) et dans le cadre de la répression
(§2).
Paragraphe 1 : La coopération dans le cadre des
mesures préventives
Le renseignement est la mesure primaire pour lutter contre
l'apparition d'un phénomène. La prévention du terrorisme
renvoie aux moyens de précautions. Des moyens qui en pratique consiste
à une collaboration entre les services publics étatiques et les
institutions spécialisées pour empêcher la
préparation de l'infraction (A) et à éliminer les facteurs
de propagation du phénomène (B).
122 L'article 58 du traité révise de la CEDEAO
123 Acte additionnel A/SA, 3/02/13 portant adoption de la
stratégie de la CEDEAO pour la lutte contre le terrorisme et le plan de
mise en oeuvre. Il a été adopté le 28 février 2013
à Yamoussoukro
124 Directive n° 02/2015/CM/UEMOA relative à la
lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans
les États membres de l'Union économique et monétaire
ouest-africaine (UEMOA) le titre V.
125 L'article 3 al.3 dispose que « la politique commune
de l'UEMOA dans le domaine de la paix et de la sécurité a pour un
des objectifs à intensifier la lutte contre le terrorisme l'inscrivant
dans la dynamique de la coopération internationale ». Voir acte
additionnel n°04/2013/CCEG/UEMOA instituant la politique commune de
l'UEMOA dans le domaine de la paix et de la sécurité.
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A- La prévention face à la
préparation d'actes terroristes
La réalisation de toute infraction implique à
priori une préparation. La nature transnationale de l'infraction
terroriste et de l'infraction autonome de son financement obligent les
États à collaborer. C'est pourquoi les instruments internationaux
et régionaux mettent en place les modalités d'échanges de
renseignements entre les organes compétents. À cet effet,
l'article 14 de la convention pour la répression d'actes illicites
contre la sécurité de la navigation maritime dispose que :
« tout État partie qui a lieu de croire qu'une infraction
prévue à l'article 3 sera commise, fournit conformément
à sa législation nationale aussi rapidement que possible, tous
renseignements utiles en sa possession aux États qui, à son avis,
seraient les États ayant établi leur compétence
conformément à l'article 6 126».
Cette coopération à titre préventif est
présentée au niveau national pour consolider les
mécanismes internes d'alertes au contreterrorisme dont la mission est
dévolue aux services de renseignements127 de chaque
État. En vertu de leurs engagements internationaux, on note un nombre de
mesures préventives. On peut citer les échanges
d'informations et le transfert de technologie et de matériels entre
Etats128, le gel de fonds et avoirs financiers des personnes et
entités suspectes129 de sorte à incriminer le
financement pour obliger les institutions financières à
prêter attention aux opérations inhabituelles, la supervision des
organismes de transfert monétaire et l'identification de tout mouvement
de fonds en relation avec les actes130, le renforcement des
contrôles aux frontières et des mesures à empêcher la
contrefaçon ainsi que l'usage frauduleux de documents et la lutte contre
les trafics de stupéfiants, le blanchiment et la criminalité
organisée en lien avec le terrorisme131.
L'échange de renseignements a une portée
générale bien que ses modalités dépendent des
domaines. Essentiellement, d'un point de vue sécuritaire, l'obligation
d'échanges de renseignements contre les actes de terroristes est
à la fois spontanée et sur
126 Voir aussi l'article 7 de la convention internationale
pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (2005)
« Les Etats parties collaborent : a ; en prenant les mesures
possibles, y compris, le cas échéant, en adaptant leur
législation nationale, afin de prévenir ou contrarier la
préparation... b ; en échangeant des renseignements exacts et
vérifiés en conformité avec les dispositions de leur
législation nationale et selon les modalités et conditions
énoncés... »
127 Entretien réalisé avec le Commissaire de Police
Ekra DJEZOU. Voir annexe 2.
128 La convention 97 en son article 15 (c) ; Convention des
Nations Unies de 1973, article 4b ; Convention des Nations Unies de 1988,
article 14 ; Résolution 1373 §2 (b et f)
129 Résolution 1373 §1(c)
130 Convention internationale pour la répression des
attentats terroristes à l'explosif en son article 18 §2.
131 §4 de la résolution 1373
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demande légales. En plus, certaines normes contenues
dans des conventions132 invitent les « États
à envisager ce mécanisme de partages d'informations avec INTERPOL
comme possible canal de communication133 ». Au
renforcement de ces analyses de données, est créé dans
l'espace CEDEAO un programme dit Système International de Police
d'Afrique de l'Ouest (SIPAO)134. Il s'agit d'une
coopération internationale policière en charge de la
criminalité transnationale dans la zone ouest africaine. Mais, la
réalité parait montrer une défaillance
opérationnelle.
En outre, selon les recommandations 9 et 11 du Groupe d'Action
Financière (GAFI) destinées aux banques, les échanges de
renseignements visent également à contrer le financement du
terrorisme135 pour préserver le système bancaire.
L'exercice d'échange devient spontané sur principe de bonne foi.
Et les États sont tenus à une obligation d'alerte en connaissance
de toute préparation d'attentat136 dans tout État
puisque l'échange ou non de renseignements demeure de sa seule
responsabilité. C'est une décision discrétionnaire de
coopérer conformément à la législation interne
137 ou pour raisons politiques. Ce pourquoi, la convention de l'OUA
a innové par invitation aux États en vue de promouvoir la voie
de
132 Article 10.1 de la convention internationale pour la
répression des attentats terroristes a l'explosifs 1997 ; article 7 de
la convention internationale pour la suppression des actes de terrorisme
nucléaire 2005 ;
133 Article 18.4 de la convention internationale pour la
répression du financement du terrorisme 1999 qui dispose « les
États parties peuvent échanger des informations par
l'intermédiaire de l'organisation internationale de police
criminelle(INTERPOL) »
134 INTERPOL, lettre d'information SIPAO n°1 sur le
symposium UE et INTERPOL. L'atelier de lancement du programme, Aout 2013.
Le programme SIPAO est une coopération policière
internationale entre services chargés de l'application de la loi qui
permettra aux policiers d'accéder aux bases de données de polices
nationales améliorant l'identification des malfaiteurs afin de faciliter
la criminalité transfrontalière.
135 Convention des Nations Unies de 1999 pour la
répression du financement du terrorisme, article 18 paragraphe 3a.
L'article 2 de la convention porte sur la criminalisation des actes
constitutifs de l'infraction de financement du terrorisme. Il avance notamment
dans son paragraphe 3 que l'infraction est constituée sans qu'il soit
nécessaire que les fonds aient été effectivement
utilisés pour la commettre. Le fait même de les réunir dans
l'intention criminelle est susceptible d'être puni par la loi. ; Voir
S/RES/1373, paragraphe 2b. La résolution élargit la
portée de la coopération préventive contre le financement
du terrorisme afin d'éviter que les groupes terroristes ne
bénéficient du défaut de ratification de la Convention des
Nations Unies de 1999 par certains États.
136 Cette obligation résulte de l'article 12 de la
convention de Montréal 1971 sur la sécurité
aérienne
137 Voir Convention des Nations Unies de 1988, article 14 ;
Convention des Nations Unies de 1997, article 15b. Convention des Nations Unies
de 2005, article 7b ; nous soulignons qu'il sera considéré comme
contraire à cette disposition, l'attitude d'un État dont il sera
prouvé qu'il savait qu'un acte répréhensible était
en préparation et qu'il n'a pas averti à temps l'État
visé par l'acte. Cette attitude sera jugée comme contraire aux
lois régissant les relations amicales entre les Nations et pourrait
engager la responsabilité internationale de l'État
réticent à fournir le « renseignement utile ». Voir
A.MENDY, La lutte contre le terrorisme en droit international,
op.cit., p. 334. Pour l'auteur, cette responsabilité
internationale a peu de chance d'être engagée tant que l'on n'a
pas jugé de la qualité du renseignement ce qui se
révèlera difficile d'autant plus que la gestion des services de
renseignements est gardée secrète. Il faudrait aussi voir selon
les circonstances, si le renseignement en question est vraiment utile et
indispensable à la mise en échec de la commission de
l'infraction.
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l'échange en impliquant les acteurs
locaux138 en conséquence de la porosité des
frontières pour un contrôle plus accrue. La frontière en
tant qu'espace d'échange reste une interface de jeu pour les groupes
terroristes à se mouvoir librement aux dépens d'une
défaillance de surveillances coordonnée et des tacts de
corruptions connus aux postes de douanes frontaliers.
Ainsi, certaines frontières des États du sahel
réputées pour leur porosité constituent une exploitation
de ressources de trafics de tout genre 139 et sanctuarise les
entreprises criminelles de ses groupes140. D'où l'obligation
d'exercer un contrôle aux frontières pour efficacement lutter
contre les mouvements transfrontaliers illégaux des biens et
personnes141. Ne faudrait-il pas booster le développement
harmonieux des zones frontalières de sortes à accroitre une
solidarité des collectivités avec les forces de
sécurités dans un système d'alerte légal
prédisposé ? Un système qui peut prendre forme d'abord,
dans l'évaluation des risques de vulnérabilité pour
déceler les réseaux d'appuis des groupes terroristes. Ce
processus devra ensuite obliger les Etats de la CEDEAO à créer
cette base biométrique unique d'identification des ressortissants.
Laquelle base peut servir à mieux lutter contre la corruption des
douaniers et partant, peut être une des mesures contre la propagation du
terrorisme.
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