Chapitre 3 : Les catalyseurs pour une démarche
didactique au sein de l'association
L'association de migrants de Saint-Josse
s'avère être un acteur incontournable dans l'appropriation de la
langue française à Bruxelles. Si sa mission principale reste la
coordination des actions de terrain, la définition des objectifs et des
contenus ainsi que la formation complétée des éducateurs,
l'ASBL n'en demeure pas moins un lieu de vie « à forte connexion
sociale »92. Soucieuse de faire accéder les
énonciateurs « en mal de français »93
à la compréhension de l'idiome, la directrice d'Avenir ne cesse
de (re)canaliser les besoins des locuteurs. C'est pourquoi, elle n'a pas
hésité à suivre et à accompagner notre parcours
d'apprentie-chercheure pour que nous colligions, lors d'échanges
naturels, nos réflexions didactiques.
Comme le démontre notre travail de recherche,
nous concevons l'établissement en idiome in fieri en trois
« actions » (Tesnière, 1982) :
- Pouvoir communiquer (dynamique) ;
- Pouvoir déterminer des valeurs
(expérience ontologique) ; - Pouvoir se pluraliser
(l'altérité).
S'inspirant des travaux de Pelfrène (1977 :
40-50), voici ce que Madame D et nous-même avons jugé bon
d'envisager :
- une compréhension linguistique et
sociolinguistique comprise, pour pouvoir communiquer en français. Cette
remédiation vise des énonceurs tels que J ou M. Les faits de
langue concernent les opérations mentales mises en jeu lors des
activités de correspondance phonie-graphie ainsi que celles
subordonnées à l'espace graphique. En
92 Nous citons les propos de l'informatrice Madame D,
directrice de l'association.
93 Ibid.
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cela, nous nous en rapportons à la description
de E qui évoquait cette problématique. Par ailleurs, nous
suggérons le développement d'activités
générées par les groupes de discussion, dans la
perspective de pointer les erreurs, contrôles et vouloir-dire de la
langue ;
- une appropriation psycholinguistique qui
adhère à une certaine idée de la confiance en soi, telle
que nous avons pu l'observer dans le discours de E. D'un point de vue
ontologique, nous tendons vers la gestion du sentiment d'échec langagier
et identitaire par un travail conjoint des énonciateurs autour du
sentiment de perte de soi. . La reprise de l'ouvrage interculturel du Collectif
ASBL Alpha nous paraît une bonne approche vers l'épanouissement du
comportement linguistique (cf. Partie 2, §3.4.1.) ;
- un établissement idéologique en
français pour pouvoir être un acteur investi, autant dans le
domaine public que privé. Une perspective didactique qui a jailli des
énoncés antithétiques de AL et de I. En effet, il nous
semble que pour retrouver son équilibre identitaire, le locuteur a
besoin de se repérer dans le « processus éminemment temporel
qui se réfère au vécu, à la durée comme
à l'histoire » (Ardoino, 2001 : 14) et prétendre ainsi
à une energeia locutoire. En outre, toujours d'après
l'analyse de l'entretien de AL, il nous a paru pertinent de familiariser les
sujets parlant avec le système éducatif belge et sa politique de
formation continuée, par le biais de modules sur la
citoyenneté94.
In fine, et d'un point de vue personnelle,
nous y rajouterions une piste langagière issue de La grammaire des
fautes de Frei (1929) : l'accès au langage historique
c'est-à-dire la maitrise de l'idiome sous sa forme
diachronique.
94 Le parlement wallon a approuvé en mars
dernier, la création d'un parcours d'intégration visant les
nouveaux arrivants sur le territoire. Sa mise en pratique est prévue
dès cette rentrée.
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