2.1.3. Les échecs des préférences
commerciales
Les mécanismes mis en place en vue de stabiliser les
recettes d'exportation ont très rapidement montré leurs limites.
Ces échecs sont perçus à plusieurs niveaux. Dans un
premier temps, malgré l'accès préférentiel aux
marchés communautaires, la balance commerciale des pays ACP s'est dans
l'ensemble largement détériorée, et ce, en raison de
l'excessive spécialisation des pays ACP qui n'ont pas pu ainsi anticiper
les besoins réels des marchés mondiaux. C'est ainsi que la part
de marché des pays ACP sur le marché européen est
passée de 6,7% en 1976 à 2,8% en 199673. Aussi, selon
l'UE : « au cours des conventions de Lomé, les pays ACP n'ont
pas réussi à augmenter ni même à maintenir leur part
de marché dans l'UE, alors que des exportateurs ne jouissant pas de
préférences sont arrivés à augmenter leur part de
marché ».74 La part de l'importation des produits
manufacturés de l'UE en provenance des pays ACP a baissé, passant
de 2,% en 1976 à 1,1% en 1993. Cependant, cette même part a
augmenté pour les autres pays en développement qui ne
bénéficiaient pas des préférences commerciales et
est passée, pour la même période, de 15,5% à 21
,7%75.
Dans un second temps, le tissu industriel ACP est peu
développé. Sa capacité productive est limitée en
quantité et en qualité, mais aussi les exportations ACP sont
essentiellement le fait de matières premières agricoles. Ce
faisant, plus de 60% des exportations totales demeurent encore
concentrées sur seulement dix produits76. Cette situation
s'explique également par les difficultés pour les producteurs ACP
à rendre
73 FAUCHEUX, B, et al., 2005, impacts de
l'accord de partenariat économique UE- Afrique de l'Ouest, GRET,
Paris, p. 10.
74 OUEDRAOGO, B, 2015, Op.cit.,
p.71.
75 OUEDRAOGO, B, 2015, Idèm,
p.72.
76 FAUCHEUX, B., et al., 2005,
Op.cit., p.15.
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compétitive leur production, qui est demeurée,
malgré les efforts de la Communauté peu concurrentielle. L'on a
reproché aux producteurs des pays ACP de ne pas proposer une offre de
qualité alors que les productions des nouveaux pays
industrialisées inondent les marchés mondiaux. En fin de compte,
l'accès préférentiel n'a pas permis d'augmenter les parts
de marché agricole des pays ACP dans la Communauté car cette
dernière a considérablement réduit ses importations de
produits primaires pour se tourner vers des productions à haute valeur
ajoutée.
Ainsi la principale cause de l'échec des conventions de
Lomé est d'ordre commercial. En effet, selon OUEDRAOGO B.77,
le commerce extérieur des pays ACP est caractérisé par
trois options que sont: d'abord une importation massive de biens de
consommations (industriels, alimentaires, pharmaceutiques, etc.) ; ensuite une
exportation des produits primaires et enfin une dépendance et une
vulnérabilité des économies (détérioration
chronique des termes de l'échange) résultant de la structure du
commerce extérieur. Cela s'explique aussi bien que les échanges
sont déséquilibrés entre l'UE et les ACP.
C'est-à-dire dans cette relation commerciale, l'Europe représente
près de 30% des échanges des pays ACP alors que le commerce entre
pays ACP de la même zone ne dépasse pas 10% des
échanges.78 En somme, c'est donc l'efficience même du
mécanisme des préférences qui est en cause dans la mesure
où les pays ACP n'ont pas tiré de ces dernières une
allocation optimale de leurs ressources. L'évolution de la
coopération UE -ACP s'est traduite par une marginalisation croissante de
la plupart des pays ACP au sein de l'économie mondiale et même
européenne. A ce titre, il est remarquable de constater que parmi les 50
pays classés dans la catégorie onusienne des
77 OUEDRAOGO, B, 2015, Op.cit.,
p.72.
78 OUEDRAOGO, B, 2015, Idèm,
p.74.
33
PMA, 39 appartiennent au groupe ACP79. Cette
situation a entraîné des critiques quant à
l'efficacité des conditionnalités économiques introduites
dans Lomé IV. La Communauté avait cru voir dans les
recommandations des institutions de Bretton Woods un outil au service du
développement. N'ayant satisfait que très partiellement les
attentes des différents partenaires et souffrant de critiques de la part
des Etats membres de l'OMC, l'accord de Lomé nécessitait une
remise à plat à laquelle procède le nouvel accord de
partenariat UE -ACP.
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