B - Les restrictions au principe de
l'inamovibilité
En Afrique de manière générale, la
réalité que traduisent les Conseils de la Magistrature dans leur
composition comme dans leur fonctionnement, ne favorise pas les principes
d'indépendance et d'inamovibilité255 solennellement
inscrits dans les textes. L'inamovibilité des magistrats constitue l'un
des éléments d'une garantie de la bonne
251 BADARA FALL Alioune, « Les menaces internes à
l'indépendance de la justice », op. cit., p.14.
252 Article 151 alinéa 1 de la Constitution, «
le Président de la République préside le Conseil
supérieur de la Magistrature ».
253 Article 151 alinéa 2 de la Constitution.
254 Voir BADARA FALL Alioune, « Les menaces internes
à l'indépendance de la justice », op.
cit., p.15.
255 Article 159 de la Constitution, « les membres de la
Cour Suprême sont inamovibles durant leur mandat ».
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administration de justice, et plus particulièrement une
garantie de l'indépendance des juges à l'égard du pouvoir
central. En vertu de cette garantie d'inamovibilité, un juge ne peut
être affecté à un poste sans son consentement. Dire d'un
juge qu'il est inamovible signifie qu'il ne peut faire l'objet d'une mesure
individuelle quelconque prise à son encontre par le Gouvernement
(révocation, suspension, déplacement, mise à la retraite
prématurée), en dehors des conditions prévues par la loi.
Cependant, ils peuvent faire l'objet d'un déplacement suite à une
sanction ou pour nécessité de service. C'est à cette
occasion qu'autant des atteintes sont portées à ce principe.
L'article 154 de la Constitution dispose que : « la
discipline et la responsabilité des magistrats relèvent du
Conseil Supérieur de la Magistrature ». Ainsi, se fondant sur
la nécessité du service et la sanction, le CSM, dirigé par
le Président et le Ministre de la justice, pourrait facilement exploiter
cette brèche pour déplacer les juges dans n'importe quel lieu et
sans son consentement et sans que cela soit commandé par les
nécessités du service. Ces atteintes au principe
d'indépendance et d'inamovibilité sont souvent
dénoncées par les magistrats tant au niveau de nomination qu'au
niveau des sanctions prises à l'encontre des juges, notamment dans le
cadre de la procédure disciplinaire.
De ce fait, il est souhaitable que le législateur
procède à des réformes textuelles substantielles, pour que
les magistrats soient à l'abri des influences de l'Exécutif. Ces
réformes s'imposent, d'autant plus qu'à cette violation chronique
du principe d'indépendance de la justice et de celui de la
séparation des pouvoirs, s'ajoute une ingérence aussi
néfaste que réelle du pouvoir politique dans l'exercice de la
justice et largement dénoncée et contestée. Il existe des
atténuations légales, certes, au principe du consentement des
juges en ce qui concerne les mutations lorsque ceux-ci sont affectés
pour des nécessité du service. Pour éviter un usage abusif
de nécessité de service, ces mesures qui constituent toujours des
exceptions au principe d'inamovibilité, devaient être assujetties
au contrôle, ou au moins à l'approbation préalable d'un
organe indépendant. Quelle que soit son appellation, il importe que cet
organe soit réellement indépendant du pouvoir exécutif.
A côté des restrictions relevant directement des
règles statutaires il y a également l'impartialité du juge
qui est menacée.
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