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La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.


par Keumaye Tchiakika
Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020
  

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B - Le statut contestable des juges constitutionnels

Dans tous les pays, il y a un minimum de règles destinées à assurer aux juges constitutionnels une indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Ces règles sont relatives à la durée du mandat, l'inamovibilité des fonctions et la révocabilité. Toute ces règles sont organisées par la Constitution ou une loi organique.

Au Tchad, l'article 158 alinéa 6 de la Constitution dispose que « les membres de la Cour Suprême sont désignés pour un mandat de sept (7) ans renouvelable ». En effet, malgré cette affirmation, l'effectivité de l'indépendance et de l'impartialité du juge constitutionnel peut toujours être douteuse au regard notamment de la durée de son mandat associée à son caractère renouvelable. On peut penser que les juges désignés, dans l'espoir de rechercher à renouveler leur mandat, seront tentés d'adopter des comportements partisans vis-à-vis du pouvoir politique. Ainsi, l'indépendance serait sans doute mieux garantie si le mandat des juges était non renouvelable quitte à ce qu'il soit plus long240. De plus, la meilleure protection du juge constitutionnel à l'égard du pouvoir politique résulterait d'une garantie d'irrévocabilité doublant la garantie d'inamovibilité241. Ainsi, l'irrévocabilité de la juridiction constitutionnelle dans son ensemble comme dans ses composantes individuelles serait

opposable aux pouvoirs
publics, en l'occurrence aux autorités de nomination242. L'inamovibilité ne constituerait pas une garantie d'indépendance du juge constitutionnel.

240 C'est notamment le cas du mandat des membres de la cour de justice internationale qui est de neuf (9) ans non renouvelable. C'est en ce sens également qu'il avait été proposé, en droit communautaire européen, d'allonger la durée du mandat des membres de la cour pour une période de douze (12) ans non renouvelable.

241 AIVO Joël, Le juge constitutionnel et l'État de droit en Afrique. L'exemple du modèle béninois, Paris, l'Harmattan, 2006, p. 143 et ss.

242 La force et la pertinence de cette argumentation résident dans la différence conceptuelle entre l'irrévocabilité et l'inamovibilité. La première signifie que le juge constitutionnel ne peut faire l'objet d'une interruption de ses fonctions en cours de mandat et la seconde signifie qu'il ne peut faire l'objet de mutation à d'autres fonctions ou responsabilités en cours de mandat. Ces deux notions se recoupent mais ne se confondent pas. Voir CHEVALLIER Jacques, « Le juge constitutionnel et l'effet Becket », in renouveau du droit constitutionnel, Mélange en l'honneur de FAVOREU Louis, op. cit., pp. 83-94.

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La question de la révocabilité des juges constitutionnels est loin d'être claire qu'elle y paraît. Sont-ils révocables ? Et si oui, par qui ? le constituant a évoqué l'inamovibilité243 mais c'est simplement que l'on présume qu'ils sont irrévocables pendant l'exercice de leur mandat. Comme en France244, au Tchad, aucun article de la Constitution et de l'ordonnance portant attribution, organisation, fonctionnement et règles de procédure devant la Cour Suprême ne prévoit l'irrévocabilité des juges constitutionnels. C'est au regard des pratiques constitutionnelles dans certains pays d'Afrique noire francophone, notamment le Cameroun245 qu'on déduit l'irrévocabilité des juges constitutionnels tchadiens.

Au regard de tout ceci, le mandat long et non renouvelable est envisageable pour une bonne justice constitutionnelle dans un pays comme le Tchad. Le mandat long et non renouvelable est un élément essentiel pour deux raisons : d'abord elle permet aux juges constitutionnels de travailler sereinement dans la durée et ainsi de forger des techniques de travail acceptables par tous. Enfin, elle permet aux juges d'être à l'abri des invectives du responsable ou du camp politique auquel ils doivent leurs nominations. Le fait que le mandat soit non renouvelable est indispensable pour que les juges ne cherchent pas à plaire à ceux qui les ont désignés. Ce non renouvèlement du mandat se présente comme un gage d'indépendance par rapport à l'autorité de nomination. Le Professeur KAMTO notait en ce sens, à propos d'une organisation, que « la non rééligibilité des juges devrait conforter leur indépendance dans la mesure où elle les libère des contraintes voire des compromissions qu'aurait pu dicter à un juge en fin de mandat une campagne pour sa réélection »246.

Si le juge constitutionnel tchadien est limité dans son rôle de garantie des droits fondamentaux, les autres juges ne sont pas du reste.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand