SECTION 2 : LA CONSÉCRATION DE LA RESPONSABILITE
DES MEMBRES DU GOUVERNEMENT
BOBIO Norberto affirmait que « Le problème
politique par excellence n'est pas tant la question de qui détient le
pouvoir, mais du moyen de contrôler et limiter celui-ci. Le bon
173 CF article 141 de la Constitution de
1996.
174 Article disponible sur
www.lepays.com consulté le 07
mai 2020.
175 Propos de KADAM Moussa, premier
Vice-Président de l'AN devant les élus le 20 mai 2019. CF
www.lepays.com consulté le 07
mai 2020.
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Gouvernement ne se juge pas à l'aune du petit et du
grand nombre de ceux qui le possède mais du petit ou grand nombre des
choses qu'il leur est autorisé à faire »176.
Ce propos montre bien que l'un des problèmes essentiels à
l'établissement d'une République est le contrôle et la
limitation du pouvoir du dirigeant suprême177 , plus
précisément sa responsabilité.
Évoquant le caractère fondamental et
sacré de la responsabilité dans toute organisation politique, le
Professeur AVRIL Pierre affirme que « le principe (de
responsabilité) est inhérent au constitutionnalisme
démocratique178et résulte impérativement des
exigences de ce type d'organisation politique : le pouvoir d'un organe implique
nécessairement la responsabilité de cet organe...
»179. La responsabilité joue en effet un rôle
de limitation et de contrôle permanent du pouvoir et apparait comme la
meilleure garantie contre l'arbitraire. En Afrique, la question de la
responsabilité du Gouvernement se pose avec acuité dans le
système politique de certains pays, notamment pays d'Afrique noire
francophone, en raison de l'actualité marquée par un débat
renouvelé sur cette question180.
De manière traditionnelle, les membres du Gouvernement
encourent une triple responsabilité civile, pénale et politique.
De l'étymologie latine « respondere », être
responsable signifie que l'on doit répondre de ses actes en subissant
une sanction, entendu comme toute mesure, même réparatrice,
justifiée par la violation d'une obligation181. LITTRE Emile
définit à cet effet la responsabilité comme «
l'obligation de répondre, d'être garant de certains actes
»182. La responsabilité civile engage
individuellement et contraint à réparer en nature ou par
équivalent le dommage que l'on a causé à
autrui183. La responsabilité pénale, quant à
elle, signifie que l'on est obligé de répondre des infractions
délictuelles ou criminelles
176 BOBBIO Norberto, Libéralisme et
démocratie, Paris, Cerf, 1990, p. 70.
177 BARTHELEMY Joseph note dans le même sens qu'«
au premier rang des problèmes que soulève
l'établissement de la responsabilité, s'imposent comme les plus
important et les plus délicats ceux qui intéressent le pouvoir
exécutif » et notamment sa limitation, in Le rôle du
pouvoir exécutif dans les Républiques modernes, Paris, Giard
et Brière, 1906, p. 5.
178 La démocratie constitutionnelle ou «
démocratie par la Constitution » peut être définie
comme un système politique démocratique fondé sur le
respect d'une Constitution formelle qui se trouve au sommet de la
hiérarchie des normes. Phénomène relativement
récent, la démocratie constitutionnelle s'est imposée
comme une forme nouvelle et moderne de la démocratie. Dans ce
système politique, la démocratie, la protection des droits des
citoyens et le respect de la Constitution sont garantis par l'instauration
d'une justice constitutionnelle placée de fait au sommet de l'ordre
juridictionnel. Voir FRIEDRICH Carl Joachim, la démocratie
constitutionnelle, PUF, Paris, 1958, p. 19.
179 AVRIL Pierre, « Pouvoir et responsabilité
», Mélanges offerts à Georges BURDEAU, in le pouvoir,
LGDJ, PARIS, 1977, p. 14.
180 Cas récents au Togo en 2010 et au Burkina Faso en
2015.
181 OURO-BODI Ouro-Gnaou, « La responsabilité des
titulaires du pouvoir politique dans les pays d'Afrique noire francophone
», Afrilex, 2018, p. 3.
182 Dictionnaire de la langue française,
Édition Hachette et Cie, Paris, 1877.
183 GUILLIEN Raymond, VINCENT Jean, Lexique des termes
juridiques, Dalloz, 8e édition, Paris, 1990, p. 432.
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commises et de subir la peine prévue par les textes qui
les répriment, peine consistant en une amende ou un emprisonnement.
Considérée comme un principe autonome et spécifique par
rapport aux autres types de responsabilité, la responsabilité
politique ne relève, selon le Professeur AVRIL « ni de la
faute, ni du risque »184. Elle apparait comme étant
l'obligation pour le Gouvernement ou toute personne titulaire d'un pouvoir
politique de répondre de son acte pour un motif politique. Plus
clairement, la responsabilité politique est « l'obligation pour
le titulaire d'un mandat politique de répondre de son exercice devant
celui de qui il le tient »185. Même s'il existe,
quelque fois, une confusion entre la responsabilité pénale et
celle politique, il est acquis qu'il faille détacher la
responsabilité pénale des membres du Gouvernement de leur
responsabilité politique, car « à faute pénale,
sanction pénale, à faute politique, sanction politique
»186.
La question de la responsabilité des gouvernants au
Tchad paraît cruciale du fait de sa constitutionnalisation. Si dans
certains pays d'Afrique francophone187, la responsabilité
pénale du Chef de l'État apparait peu claire dans leurs
Constitutions, sa responsabilité pénale est apparente dans la
Constitution tchadienne (paragraphe 1). Pour les ministres,
leur responsabilité est duale du simple fait que celle-ci peut
être politique et pénale (paragraphe 2) selon les
infractions énumérées dans la loi fondamentale.
Paragraphe 1 : La constitutionnalisation du statut
pénal du Président de la
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