Paragraphe 2 : Le rôle du juge judiciaire dans la
protection des droits fondamentaux
Le fondement de la compétence du juge judiciaire est
l'article 148133 de la Constitution. La connaissance des litiges
nés entre les particuliers et le pouvoir public ne relevait pas toujours
de la compétence des juridictions judiciaires. Nonobstant, par exception
à ce principe, le juge judiciaire a eu à connaître de tels
litiges. Dès lors, sa compétence de connaitre les litiges issus
du rapport entre les particuliers et les pouvoirs public est affirmée
(A). Les matières originelles relatives à la protection de la
liberté individuelle et des autres droits fondamentaux dans les rapports
entre les personnes privées (B) relèvent également de la
compétence du juge judiciaire.
A - La connaissance des litiges nés du rapport
entre les particuliers et les pouvoirs publics
En droit tchadien, concernant les violations verticales des
droits fondamentaux, le juge judiciaire intervient en premier lieu dans la
régulation des rapports qui tendent à restreindre la
liberté individuelle des citoyens. En France, à ce propos et
selon l'article 136 du Code de procédure pénale issu de la loi du
07 février 1933 sur les garanties de la liberté individuelle,
131 Arrêt n°09/CS/CA/SC/2001 du 07 avril 2001 de la
Chambre administrative de la Cour Suprême.
132 Article 33 de la Constitution du 04 mai 2018.
133 Article cité ci-dessus.
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« dans tous les cas d'atteinte à la
liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être
élevé par l'autorité administrative et les tribunaux de
l'ordre judiciaire sont toujours compétents ». De plus,
l'article 66 de la Constitution française du 04 octobre 1958
précise : « nul ne peut être arbitrairement détenu
; l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle,
assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi
». A ce niveau, il y a une affirmation du rôle du juge
judiciaire dans la protection de cette liberté.
Au Tchad, la liberté individuelle et les droits
fondamentaux sont constitutionnellement consacrés et ils ne doivent en
aucun cas être restreints, sauf lorsque la loi prévoit
expressément cela. Les droits fondamentaux doivent, dans tous les cas,
être le principe et la restriction, l'exception selon la formule
rappelée par le Commissaire du Gouvernement LAGRANGE134.
Le juge tchadien se montre dès lors implacable dans les
cas d'atteintes à la liberté et à la sûreté
des individus. Dans les cas de contrôle de privation des libertés
d'un suspect en procédure pénale, il peut intervenir au niveau de
l'enquête de la police lorsqu'il est saisi des cas
d'irrégularités ou d'abus à ce stade de la
procédure. Le juge judiciaire peut, par exemple, prendre une ordonnance
interdisant à un Officier de Police Judiciaire (OPJ) de procéder
à une arrestation sans mandat de justice dans le cadre d'une
enquête préliminaire. Il peut aussi interdire à un OPJ de
procéder de son propre chef à une garde à vue et à
travers ces deux techniques, protéger valablement la liberté
individuelle des citoyens.
Le juge judiciaire tchadien ne se contente pas seulement de
protéger la liberté individuelle, il peut protéger aussi
les autres droits des citoyens135. Les atteintes contre la vie et
celles contre l'intégrité physique et morale sont
sévèrement réprimées dans l'ordre juridique
tchadien et c'est au juge judiciaire qu'il revient de prononcer les sanctions
prévues dans les textes en vigueur, notamment le Code pénal
tchadien.
Le rôle du juge judiciaire est perceptible encore
lorsqu'il intervient pour protéger les droits fondamentaux des citoyens
en cas de litige avec l'administration. Cette intervention se fait dans le cas
de voie de fait et d'emprises administratives. La voie de fait est un acte
où un agissement exécuté par l'administration sans qu'il
puisse être rattaché à l'un de ses pouvoirs et constituant
une atteinte grave à la liberté fondamentale ou à la
propriété privée. Le fondement juridique de la voie de
fait est que l'administration, en agissant hors des textes qui régissent
ses pouvoirs, ne bénéficie plus de son privilège de
juridiction, lequel a été institué
134 CE, 05 Février 1937, BUJADOUX, Rec.153, D. 1939, 3, 19
Concl. LAGRANGE. Cité par DIME LI NLEP Paul, Les garanties des
droits fondamentaux au Cameroun, op. cit. p. 98.
135 Ces droits peuvent être le droit
à la vie, à l'intégrité physique etc.
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pour répondre à la spécificité de
ses pouvoirs136. L'emprise, quant à elle, est le fait pour
l'administration de déposséder un particulier d'un bien
immobilier, légalement ou illégalement, à titre temporaire
ou définitif, à son profit ou au profit d'un tiers137.
L'articulation de la compétence du juge judiciaire dans les deux notions
permet ainsi de distinguer d'une part que, la constatation et la qualification
juridique de la voie de fait est du ressort du juge administratif et d'autre
part, la réparation des conséquences imputables à la voie
de fait et à l'emprise irrégulière ainsi que les
injonctions éventuelles adressées à l'administration
ressortissent de la compétence du juge judiciaire.
Le juge judiciaire connaît également des
contentieux nés du rapport entre les particuliers.
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