WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.


par Keumaye Tchiakika
Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

SECTION 2 : LES GARANTIES SUBSIDIAIRES DES DROITS
FONDAMENTAUX ASSURÉES PAR LES AUTRES JUGES

108 BALDET Sory, « Juge constitutionnel et transition démocratique. Etude des cas en Afrique subsaharienne francophone », p.5. Article disponible sur le site http// www.juridicas.unam.mx/wccl/ponencias/16. Consulté le 30 avril 2020.

109 Il s'agit de la loi votée par l'AN dans le contexte tchadien où il y a une seule chambre. Dans d'autre cas (Cameroun et autres) nous parlons de la loi votée par le parlement.

110 Nous faisons référence aux lois organiques ayant valeur constitutionnelle.

111 Il s'agit fondamentalement des actes unilatéraux.

112 Ce contrôle ne concerne que les lois organiques, les lois ordinaires, le règlement de l'AN et traités internationaux.

113 GELARD Patrice, Institutions politiques et droit constitutionnel, Montchrestien, 4ème édition, 2001, p. 34.

31

Le pouvoir judiciaire au Tchad est traditionnellement composé du juge administratif et du juge judiciaire114. Cette composition matérielle laisse entrevoir que les deux juges doivent connaître de matières spécifiques et différentes par leur nature.

En matière des droits fondamentaux, le juge judiciaire a un rôle traditionnel de gardien des libertés individuelles des citoyens (Paragraphe 2). Cette mission le conduit à connaître essentiellement des litiges nés des rapports entre les particuliers. Mais exceptionnellement, il peut être amené à connaitre des violations des droits fondamentaux dans des rapports entre les particuliers et l'administration qui, eux nous intéressent ici, eu égard aux pouvoirs énormes détenus par les pouvoirs publics. Ce type de relation est originellement dévolu à la compétence du juge administratif. C'est ainsi que le juge administratif affirme son rôle sans cesse grandissant dans la protection des droits fondamentaux (paragraphe 1).

Paragraphe 1 : La protection des droits fondamentaux par le juge
administratif.

Le contrôle de la validité des actes administratifs relève de la compétence du juge administratif au Tchad, compte tenu du rôle important joué par celui-ci dans le domaine de la protection des droits fondamentaux. Il ressort de l'article 157 alinéa 1 de la Constitution que : « la Cour Suprême est la plus haute juridiction du Tchad en matière judiciaire, administrative, constitutionnelle et des comptes ». De cette formulation, il convient de noter que la Chambre Administrative de la Cour Suprême, qui est juge administratif dans l'ordre juridique tchadien, mais les sections administratives des Cour d'Appel et des tribunaux115 jouent également le rôle du juge administratif. Le juge administratif protège les droits fondamentaux à travers le contrôle les actes des autorités administratives (A) et les recours spéciaux (B).

A - Le contrôle des actes administratifs

Le contrôle du juge administratif porte normalement sur les éléments de la légalité, c'est-à-dire la légalité externe116 et la légalité interne117 qui font l'objet du recours. En matière

114 Article 148 de la Constitution : « Le pouvoir judiciaire est exercé au Tchad par la Cour Suprême, les Cours d'Appel, la Haute Cour Militaire, les tribunaux et les justices de paix. Il est gardien des libertés et de la propriété individuelle. Il veille au respect des droits fondamentaux »

115 Article 148 de la Constitution précitée.

116 Les éléments de la légalité externe sont : la compétence, les procédures et la forme.

32

des droits fondamentaux et des libertés, l'élément de la légalité, qui est le plus souvent discuté, est la qualification juridique des faits118. Le contrôle de cet élément dépend en principe de la nature du pouvoir de l'administration sur la base de laquelle la décision attaquée a été prise.

En effet, la fonction du juge administratif n'est pas prioritairement de protéger les libertés mais de réguler l'action de l'administration dans son intérêt même, c'est-à-dire dans l'intérêt public. Ce second point est lié au premier par cette idée que seul un juge spécifique, par son lien avec l'administration, peut assurer correctement cette régulation. S'il doit sans doute en résulter une limitation de la puissance administrative et, par-là, une protection des libertés, ce n'est pas l'objectif prioritaire119. L'arme technique au service de cette fonction est le recours pour excès de pouvoir.

Le juge administratif contrôle la validité des actes administratifs par la procédure du recours pour excès de pouvoir. Ce recours est défini par le Professeur DUPUIS comme « un recours contentieux par lequel toute personne intéressée peut demander au juge administratif d'annuler, en raison de son irrégularité, une décision d'une autorité administrative »120. L'acte administratif doit ainsi, pour être attaqué devant le juge, émaner d'une autorité administrative, être irrégulier, c'est-à-dire être en contradiction avec une norme supérieure, mais surtout faire un grief, autrement dit, causer un tort à un administré. C'est ainsi que se manifeste l'intérêt du recours pour excès de pouvoir pour la protection des droits fondamentaux. En effet, cet intérêt « réside dans la saisine par les particuliers d'une instance spécialisée »121. Mais si le recours pour excès de pouvoir est d'un intérêt primordial pour la protection des droits par le juge administratif, c'est sans nul doute par ce qu'il constitue, de l'avis du Professeur JEZE Gaston, « la plus merveilleuse création des juristes, l'arme la plus efficace, la plus économique, la plus pratique qui existe au monde pour défendre les libertés »122. Ainsi, la Chambre Administrative de la Cour Suprême, dans un arrêt n°016/CS/CA/SC/2008 du 16 avril 2008 X...c/Ministère de l'agriculture, a décidé qu'« il y a

117 Les éléments de la légalité interne sont : le but, les motifs de fait et de droit et l'objet (la conformité à la loi du contenu de la décision).

118 KERKATLY Yehia, Juges administratifs et les libertés publiques en droit libanais et français, Thèse Doctorat, Université de Grenoble, 2006, p. 87.

119 PETIT Jacques, Les armes du juge administratif dans la protection des libertés fondamentales, Revue général du droit, Colloque organisé par l'association des étudiants du droit public le 03 avril 2015 à l'université de Rennes 1, article disponible sur www.revuegénéraldesdroit.com consulté le 01 mai 2020.

120 DUPUIS G, Droit administratif, 8ème édition, Paris, Armand Colin, 2002, p. 572, cité par DIME LI NLEP Paul, La garantie des droits fondamentaux au Cameroun, Mémoire DEA, Université Abomey-Calavi, 2004, p. 145.

121 DIME LI NLEP Paul, La garantie des droits fondamentaux au Cameroun, op. cit., p. 145.

122 JEZE Gaston, cité par FLAMME Maurice, Droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 613.

33

violation du principe d'égalité d'accès à l'emploi, qu'il y a détournement de procédure induisant au détournement de pouvoir ; qu'il y a urgence de prendre les mesures conservatoires puisque ledit arrêté cause de préjudice au requérant dont les conséquences risquent d'être difficilement réparables et ordonne le sursit à exécution ». De cette décision, il convient de préciser que le juge administratif tchadien intervient surtout en cas de violation des droits fondamentaux, qu'ils soient individuels ou collectifs. Sur le même principe d'égalité d'accès aux emplois publics, le juge administratif a annulé un arrêté interministériel violant ledit principe123.

Le juge administratif s'est prononcé également sur la rupture de l'égalité des citoyens devant la loi dans un arrêt n°008/CS/CJ/SS/11 du 06 septembre 2011 au motif que : « l'organisme habilité à organiser les élections communales a fixé à moins de six (6) mois la date du scrutin communal en méconnaissance des dispositions législatives en vigueur. Se faisant, la Cour reconnaît que la décision arrêtant la date du scrutin emporte une rupture d'égalité des citoyens devant la loi. Considérant le caractère spécial du contentieux électoral, la Cour a ordonné le sursis à exécution de la décision fixant la date des élections communales ».

Il est donc possible de constater que l'intervention du juge est en parfaite évolution dans la dynamique de protection des droits fondamentaux des citoyens. Dans le même sens, la Chambre Administrative de la Cour Suprême a annulé l'arrêté n°033/PM/MISP/08 du 17 octobre 2008 sur l'illégalité et le non-respect du principe de parallélisme de forme124.

En tout, la finalité ainsi assignée au contentieux administratif en tant que mécanisme de protection des libertés, appelé par ses perfectionnements à exprimer une conception libérale de la société a parfois été discutée ; car le contrôle dévolu à un juge sur l'action administrative ne peut révéler qu'une stratégie politique « susceptible de fournir un exécutoire légal au mécontentement dont tout régime autoritaire redoute la fermentation »125.

Le juge administratif ne contrôle pas seulement les actes administratifs mais protège également les droits fondamentaux à travers les recours spéciaux.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo