1.7.4. Cadre de référence théorique et
recension des écrits pertinents
1.7.4.1. Cadre de référence
théorique
Dans le souci de mieux circonscrire cette étude, il est
nécessaire de la lier à des théories qui en
définissent les grands principes. Aussi avons-nous opté
d'inscrire notre travail dans la théorie des relations humaines pour
faire allusion à la communication interne et à la théorie
de l'agence pour soutenir le concept de l'audit. En effet, l'école des
relations humaines s'est développée en réaction aux
limites du taylorisme qui, dans sa recherche de productivité a
engendré des comportements contraires à ses objectifs
initiaux45. Cette approche met l'accent sur les facteurs
physiologiques et la motivation dans l'activité humaine. Kurt Lewin,
Frederick Herzberg, Abraham Maslow et Elton Mayo sont les principaux tenants de
cette école. Ils ont mis en évidence la dynamique de groupe, les
conditions de travail, la hiérarchisation des besoins humains, les
facteurs de satisfaction et d'insatisfaction au travail et l'influence du
leadership exercé sur les groupes. La motivation psychologique des
salariés dans l'entreprise est donc aussi importante que la motivation
matérielle. Leurs travaux ont montré que l'individu réagi
aux situations surtout de façon subjective. La perception qu'ont les
personnels dans les administrations de leurs conditions de travail est
influencée par l'affectivité mais aussi et surtout par les
normes, les forces et le climat du groupe de travail.
L'école des relations humaines a également
permis de mieux comprendre que le rendement d'un travailleur ne relève
pas tant de sa capacité physique mais plutôt de son
intégration au groupe et l'épanouissement qu'il en tire. C'est
d'ailleurs ce qui va permettre de comprendre que le travailleur n'attend pas
forcement une rémunération pécuniaire à la suite de
son effort, mais cette rémunération peut se traduire sous forme
de motivation et d'esprit d'appartenance au groupe d'où la mise en cause
de la taylorisation qui préconisait l'organisation scientifique du
travail sans vraiment tenir compte de la subjectivité qui peut animer
l'être humain et qu'il faut prendre en compte pour tirer meilleur profit
de lui. Les salariés envoient des messages à la
45 Kacou Goa, Rendre l'entreprise compétente en Côte
d'Ivoire, Quel management ? Édition l'harmattan Côte d'ivoire,
2016, p.53.
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hiérarchie non pas en tant qu'individu mais
plutôt en tant que membre d'un groupe. Les ressentiments que peut avoir
cet individu traduit le ressentiment général provenant du groupe
dont il est issu et les supérieurs hiérarchiques devront tenir
compte de cette dimension.
En quoi la théorie des relations humaines peut-elle
être importante dans le cadre de notre thématique ? Quels
rapprochements peut-on établir entre cette théorie et la pratique
communicationnelle qui a cours au sein de l'administration centrale du MESRS
?
La théorie des relations humaines permet d'envisager
l'organisation dans une dimension plus large. L'objet de cette étude
étant l'audit des pratiques communicationnelles, il nous paraît
convenable de nous intéresser aux différents actes posés
par l'organisation, lesquels actes peuvent avoir un impact sur les acteurs en
interne mais également sur leurs perceptions de certaines
réalités qu'ils vivent.
Le choix des relations humaines comme une des approches
théoriques de notre travail se justifie alors à plus d'un
titre.
Dans un premier temps et comme nous l'avons vu dans la
problématique, l'administration centrale du MESRS est confrontée
à de nombreuses difficultés en termes de circulation de
l'information. Il en résulte des répercussions négatives
sur le niveau d'engagement et sur le rendement du personnel. Cet état de
fait entraîne surtout des coûts cachés liés aux
retards et absences des agents. Il semble donc impérieux, face à
un tel constat, de déceler à travers la pratique d'audit, les
différentes causes d'insatisfaction liées au système de
communication interne actuel afin de les prendre en compte dans le cadre des
recherches de solutions. Ces problèmes de communication sont très
souvent minimisés dans nos administrations publiques s'ils ne sont pas
tout simplement banalisés. C'est d'ailleurs ce qui a fait dire à
certains auteurs46 que la communication interne demeure le parent
pauvre de la communication d'entreprise. L'accent est très souvent mis
sur la communication externe (au détriment de la communication interne)
pour promouvoir l'image et les activités de l'organisation. La non prise
en compte de la communication interne ou du moins son mauvais management peut
être source de mécontentement du personnel et peut entrainer la
prise de mauvaise décision de la part des cadres
dirigeants47. Cette vision matérialise toute l'importance de
la théorie des relations humaines.
46 Nicole D'Almeida et Thierry Libaert dans
leur ouvrage « la communication interne des entreprises » partent du
postulat selon lequel la communication interne n'a pas d'autonomie. Elle est
étroitement liée à d'autres formes de la communication
d'entreprise. P.5
47 Conf.p.14. Cette situation s'est produite au MESRS avec la
grève déclenchée par les agents. En réponse
à cette situation de mécontentement, une ponction sur les
salaires a été opérée sur instruction de la
Direction des ressources humaines.
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Dans un second temps, la théorie des relations
humaines, par les structures plus flexibles et plus organiques qu'elle peut
engendrer, privilégie une communication verticale bidirectionnelle.
Cette communication repose sur la qualité de la relation entre le
travailleur et son supérieur. La communication dans l'organisation
devient autant ascendante que descendante. Elle n'est plus unilatérale
(descendante). Elle devient interpersonnelle. Sa principale fonction devient
relationnelle. Kacou GOA rappelle que « les informations attendues
par le personnel sont d'ordre professionnel, économique et social. Or
les employés de nombreux groupes n'ont pas d'accès convenable
à
ces données nécessaires. Alors que ces
informations peuvent les aider à mieux se situer et à comprendre
clairement la marche de leur organisation48. » Malheureusement,
cette dimension n'est pas suffisamment prise en compte au niveau de
l'administration centrale du MESRS vu que la communication est essentiellement
linéaire. Comme nous l'avons déjà vu, la théorie
des relations humaines nous apprend que le comportement des agents peut
être influencé par le groupe auquel ils appartiennent. Ce constat
s'observe également au niveau de l'administration centrale du MESRS. Les
agents prennent part à la vie du Ministère grâce à
leur travail. L'agent en dehors de son service est un individu qui fait face
aux contingences de la vie. De ce fait, son rendement peut être
influencé par des évènements qui surviennent dans son
vécu quotidien (maladie, naissance, mariage, décès...).
Comme nous l'avons vu, on doit à Kurt Lewin la notion
de « dynamique de groupe ». Celle-ci est la combinaison de l'ensemble
des énergies et processus conscients ou inconscients qui se
déroulent au sein d'une organisation et qui permettent de
l'appréhender comme une seule entité. Elle fait ressortir
l'idée de cohésion et d'esprit d'appartenance.
L'administration centrale du MESRS organisée en
plusieurs Directions et services rattachés au Cabinet du Ministre semble
ramer à contre-courant de cette dynamique. En effet, chacune des
Directions de l'administration centrale donne l'impression de travailler en
autarcie. Très peu d'actions en synergie entre les différentes
Directions, ce qui entraine des distances entre les agents et crée des
agents issus de Directions nanties et d'autres issus de directions
`'désoeuvrées». Des actions de coordination s'avèrent
donc nécessaires en usant d'outils de communication adaptés pour
maintenir chez les agents la motivation et accroitre leur niveau
d'implication.
Pour bien fonctionner, le système a donc besoin d'une
information et d'une communication optimale pour assurer un véritable
feed-back. C'est dans cet esprit que Wieman J. M. et
48 GOA Kacou, La communication de crise au port autonome
d'Abidjan, Paris, L'Harmattan Cote d'Ivoire, 2013. 230p
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Harisson R.P déclarent ceci : « La communication,
en particulier la communication directe inter personnelle est l'âme des
organisations. Quand des employés se trouvent engagés dans un
processus de communication inter personnelle efficace, ils augmentent leur
propre sentiment de bien -être et d'efficacité ». Cette
communication interpersonnelle peut alors aider à la satisfaction des
besoins en information des agents et contribuer aussi à améliorer
la perception qu'ils peuvent avoir de leurs supérieurs
hiérarchiques.
Cette étude évoque l'audit de la communication.
En d'autres termes, il s'agit de procéder à une évaluation
de la communication interne à travers notamment l'outil appelé
audit. Dans la littérature et comme nous le partage Jacques
RENARD49, l'audit interne a finalement trouvé son fondement
théorique pour asseoir sa légitimité. Il s'agit de la
théorie de l'agence. La théorie de l'agence prend ses origines
dans le modèle d'A. Berle et G. Means50. Elle tend
effectivement à approfondir les réflexions de ces
économistes concernant les problématiques issues de la divergence
d'intérêts entre celui qui dirige et celui qui possède
l'entreprise. En vertu de cette théorie, la complexité des
organisations modernes a transformé les relations de pouvoir. On peut
ainsi constater que le propriétaire de l'entreprise perd peu à
peu le contact avec le management de son organisation. Ainsi, il se retrouve
être l'actionnaire qui n'a plus ni les moyens, ni les capacités
pour gérer personnellement son affaire et perd peu à peu la
capacité à contrôler ce qui s'y passe. Les
tenants51 de cette théorie soulignent que pour
remédier à cette situation « de perte de main », il
convient de lier l'Agent au Principal par la relation d'agence définie
comme un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage
une autre personne (l'agent) pour exécuter en son nom une tâche
quelconque qui implique une délégation d'un certain pouvoir de
décision à l'agent». Au terme de contrat, le mandataire
(l'agent) doit respecter méthodes et objectifs et s'engager à
fournir des informations sur la marche des affaires. Cependant, la relation
d'agence peut poser problème dans le sens où elle
générera non seulement des coûts supplémentaires,
mais aussi il peut naître un problème de feed-back où
l'agent sera toujours le mieux informé des deux. Certains vont
même jusqu'à affirmer que parfois l'agent développe des
politiques qui ne vont pas dans l'intérêt bien compris du
Principal. Et c'est ici que l'audit interne trouve son fondement
théorique:
49 Jacques RENARD, Théorie et pratique de l'audit interne,
7ème édition, Éditions d'Organisation Groupe
Eyrolles, Paris, 2010,P. 70
50 Ce modèle développé en 1932 tendait
à approfondir les problématiques dues à la divergence
d'intérêt entre celui qui dirige et celui qui possède
l'entreprise. C'est ainsi que naîtra le premier cas de relation
principal/agent, à travers l'étude des rapports entre managers et
actionnaires.
51 Cette théorie a été
développée par Jensen et Meckling en 1976 à travers leur
célèbre article « Theory of the firm: Managerial Behavior,
Agency Costs, and Ownership Structure » paru dans le Journal of Financial
Economics.
représentant du Principal, l'auditeur permet, avec les
informations qu'il apporte, de redonner à celui-ci la possibilité
d'agir en connaissance de cause. L'audit amène alors à donner une
information sur la bonne application par l'agent des règles qui lui sont
imposées. On parle ici d'audit de conformité. Mieux, l'auditeur
dans le cadre de sa mission peut procéder à un audit
d'efficacité dans lequel il a toute latitude pour suggérer des
règles nouvelles. C'est pourquoi, à la théorie de
l'agence, on y ajoute la théorie de la connaissance commune laquelle
implique collaboration et concertation entre tous les acteurs pour faire face
aux situations nouvelles et imprévues et définir de nouvelles
règles. Le rôle de proposition de l'auditeur interne est alors
justifié et expliqué. Il va de soi que cette nouvelle assise
théorique implique des structures de concertation et d'information, mais
elle rend mieux compte de la fonction d'audit interne tant dans ses travaux que
dans son rattachement.
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