1.1.2 La théorie Keynésienne de la
préférence pour la liquidité
Malgré son argumentation qui paraissait
évidente, la théorie quantitative de la monnaie dite
traditionnelle (classique) a été remise en cause. Car, elle
reposait sur des hypothèses très critiquables.
Dans la théorie générale de
l'intérêt, de la monnaie et de l'emploi (1936), John MAYNARD
Keynes renonce à l'approche classique où la vitesse de
circulation de la monnaie est supposée constante pour développer
une théorie de demande de monnaie centrée sur l'im-portance du
taux d'intérêt. Il intitule sa théorie de demande de
monnaie « théorie de préférence pour la
liquidité ». Elle a pour point de départ la question
suivante : pourquoi les agents économiques détiennent-ils de la
monnaie? Pour Keynes, trois raisons majeurs justifient cette détention:
un motif de transaction, de précaution et de spéculation.
RABIOU [2003], expose la remise en cause par Keynes de la
stabilité des fonctions de demande de monnaie (version Fisher et Pigou).
Opportunément, l'hypothèse de la stabilité de la vitesse
est battue en brèche, l'auteur soutenant que
l'hétérogénéité des taux
d'inté-rêt individuels consécutive à la
variabilité des motifs de spéculation rend instable toute
fonction d'agrégation qui leur est appliquée.
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1.1.3 La réhabilitation de la théorie
quantitative de la monnaie (Milton Friedman)
Dans les développements d'H. Hakim et M. Feteh (2013),
Milton FRIEDMAN, dans La théorie quantitative de la monnaie, une
nouvelle présentation de 1956, est la référence actuelle
pour cette théorie de la circulation monétaire.
L'objectif de l'auteur est double. Il fait à la fois
prendre des distances avec la version traditionnelle de la théorie
quantitative de la monnaie et de contrer les positions anti quanti-tativistes
des keynésiens orthodoxes. La réhabilitation qu'entreprend Milton
FRIEDMAN consiste à concilier plusieurs contraintes.
Tout d'abord, se départir du caractère
mécanique de ces explications. Ensuite théoriser une
hypothèse empirique: la stabilité de la demande de monnaie et de
la vitesse de circulation, conçues comme des fonctions et non comme des
constantes. Enfin, ne pas négliger l'explication du niveau des prix.
Pour cela, il présente la théorie quantitative comme une
théorie de la demande de monnaie.
La monnaie est un actif parmi d'autres, une manière de
détenir de la richesse, que l'on peut traiter formellement comme la
demande de n'importe quel bien, à condition d'in-troduire une dimension
inter temporelle. La demande d'encaisses réelles d'un agent (demande de
monnaie exprimée en valeur réelle) est une fonction qui
dépend de la contrainte de richesse, la richesse étant
assimilée au revenu permanent (valeur actualisée des revenus
présents et futurs des agents), du rendement relatif de la monnaie par
rapport aux autres actifs financiers (actions, obligations), des anticipations
d'inflation et des préférences des ménages. Finalement,
à la différence de la version traditionnelle, la quantité
moyenne de monnaie détenue à des fins de transactions est
elle-même considérée comme résultant d'un processus
économique d'équilibrage (entre l'offre et la demande de monnaie)
et non comme une donnée physique.
La synthèse de notre revue de littérature se
présente de la manière qui suit: L'origine du concept de la
vitesse de circulation de la monnaie remonte au XVIIe siècle,
dans l'analyse de l'inflation en Espagne par Jean Bodin.
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Un siècle après les explications que donnait
Jean Bodin sur les raisons de la hausse des prix en Europe, John LOCKE par ses
explications sur l'inflation, appuyant ses travaux sur la loi des proportions.
Il introduit d'abord un concept nouveau: l'idée de vitesse de
circulation de la monnaie. Ce qui compte ce n'est pas simplement la
quantité de monnaie qui est en cause, mais sa vitesse de circulation.
Formellement, la loi des proportions dit: « La vitesse de circulation
étant donnée, la valeur de la monnaie varie de façon
inversement proportionnelle à sa quantité ». C'est à
ce moment qu'on peut fixer la première formulation cohérente de
la Théorie Quantitative de la Monnaie (TQM).
Fisher (1911), dans une formalisation de la théorie
quantitative réduite à l'équation des échanges,
développe davantage le cadre d'analyse de la demande de monnaie et de sa
vitesse de circulation. La monnaie est alors considérée dans sa
fonction principale d'in-termédiaire des échanges et sa vitesse
de circulation supposée constante et assurant la stabilité de la
demande de monnaie, est qualifiée de vitesse-transaction. L'analyse de
Fisher sera approfondie en 1917 par Pigou qui, en remplaçant le volume
des transactions par le revenu national, introduit le concept de
vitesse-revenu.
Partant du concept de "préférence pour la
liquidité", dans "la Théorie Générale de
l'In-térêt de la Monnaie et de l'Emploi" parue en 1936, Keynes
remet en cause la stabilité des fonctions de demande de monnaie (version
Fisher et Pigou). Opportunément, l'hy-pothèse de la
stabilité de la vitesse est battue en brèche, l'auteur soutenant
que l'hétéro-généité des taux
d'intérêt individuels consécutive à la
variabilité des motifs de spéculation rend instable toute
fonction d'agrégation qui leur est appliquée.
Par la suite, Tobin (1956) introduit une approche de la
demande de monnaie basée sur la gestion du portefeuille en termes
d'arbitrage rendement-risque des actifs.
Prolongeant les développements de Tobin, Friedman
(1959) essaie de réhabiliter la théorie quantitative avec une
vitesse constante en proposant une fonction de demande de monnaie (stable)
accordant un rôle déterminant au revenu permanent, les variables
de prix notamment l'inflation anticipée et le taux
d'intérêt nominal ne jouant qu'un rôle d'appoint.
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Il sied de dire ici que théoriquement, la
vitesse-transaction, valable pour une période donnée, est un
paramètre et peut à ce titre être considérée
comme stable ou même constante. A l'opposé, la vitesse-revenu est
une fonction de comportement et se rapporte à un instant donné.
Cette discontinuité dans le temps, du domaine de définition de la
vitesse-revenu, est en soi un facteur d'instabilité en fonction des
chocs temporels ponctuels. Il existe donc une différence conceptuelle
entre la vitesse-transaction et la vitesse-revenu et l'écart entre les
deux concepts est fortement lié à la fiabilité de
l'approximation de la valeur des transactions par le revenu. Lorsqu'une part
significative du PIB ne donne pas lieu à des transactions
monétaires, le calcul de la vélocité nécessiterait
des ajustements, faute de quoi les propriétés attendues de la
vitesse ne pourraient être garanties.
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