La carrière du fonctionnaire au Tchad.par NDONAYE KOINGAR ALLANGOMBAYE Université de Dschang Cameroun - Master en droit public 2019 |
Paragraphe 2 : La contestation de la notationIl convient d'examiner le fondement de la contestation (A) et son implémentation (B) au Tchad. A. Le fondement de la contestation de la décision de notation du fonctionnairePendant longtemps, la décision de notation n'est pas communiquée à l'agent noté. Ainsi, Laurent BADO disait que : « Le refus de communiquer la note crée l'arbitraire chez le notateur »179(*). Il était également impossible aux fonctionnaires de déférer une décision de notation devant le juge administratif par voie du recours pour excès de pouvoir. La raison était que le Conseil d'Etat l'assimilait à une simple mesure d'ordre intérieur180(*) ou encore une simple mesure préparatoire dépourvue d'effet direct sur la situation de l'agent181(*). Mais en 1962, il a fini par admettre qu'un recours pour excès de pouvoir soit recevable contre une décision de notation en considération des conséquences qu'elle induit sur la promotion de l'agent concerné182(*). C'est ainsi qu'au Tchad, l'article 5 du Décret n° 143/PR/1962 du 16 juillet 1962 fixant les modalités de notation et les éléments entrant en ligne de compte pour le calcul de la note chiffrée attribuée aux fonctionnaires et agents administratifs pose le principe de la communication de la note à l'agent. Il en est de même de l'article 64 de la loi n° 017 précitée, qui dispose clairement que : « la note chiffrée annuelle et l'appréciation, portées sur le bulletin individuel de note sont communiquées à l'agent concerné qui dispose d'un droit de recours devant la commission administrative paritaire ». En dépit de la consécration textuelle, la décision de notation est rarement contestée en pratique au Tchad. B. L'implémentation de la contestation de la décision de notation au TchadAu Tchad, la contestation de la décision de notation par le fonctionnaire est loin d'être une réalité en raison de la complaisance poussée. Laquelle empêche une évaluation objective des fonctionnaires. Une certaine affinité est entretenue entre les fonctionnaires et leurs supérieurs hiérarchiques chargés de les noter. Dès lors, ils ne pourront recevoir que des notes satisfaisantes. C'est ce qui fait dire Toussaint ABLAYE ROASNGAR que : « Dans la pratique ce sont quelques fois des éléments subjectifs qui guident la notation. Ceci est l'effet des pesanteurs socioculturelles. Il y'a souvent des notes très élevées n'ayant aucun rapport avec le rendement des agents »183(*). Et puisque tout marche comme sur les roulettes, les voies de recours sont restées inopérantes. Cette dérive inflationniste des notes justifie l'appauvrissement de la jurisprudence tchadienne en la matière. La seconde explication reste liée à l'environnement politique qui ne donne pas le courage aux fonctionnaires ayant subi des mesures administratives illégales d'oser attaquer l'administration, que ce soit devant la Commission administrative paritaire ou devant la justice. Car, comme le souligne Toussaint ABLAYE ROASNGAR : « Certains d'entre eux qui l'ont fait ont appris à leurs dépens »184(*). * 179 BADO (L.), Le nouveau Statut général des agents publics du Burkina Faso, Ecole supérieure de droit, Ouagadougou, mars 1988, p. 49. * 180 CE, 20 décembre 1937, Morel, Rec. Lebon, p. 833. * 181 CE, 06 mai 1960, BIAGE, RDP 1961, p. 313, note WALINE. * 182 CE, 23 novembre 1962, CAMARA, AJDA 1962, p. 687. * 183 ABLAYE ROASNGAR (T.), Le droit de la Fonction Publique au Tchad, op.cit. , p. 58. * 184 Ibidem. , p. 11. |
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