A- Les obstacles liés au Système judiciaire
ivoirien
247. La Cote d'Ivoire ne semble pas disposer des ressources
humaines adéquates pour contrer la cybercriminalité, comme du
reste toutes les infractions classiques. Par inadéquation des ressources
humaines au service de la justice ivoirienne, nous entendons appréhender
la double question de la quantité et de la qualité du personnel
judiciaire, trop inférieur aux besoins réels pour une justice
même minimale. Et les cours et tribunaux, même organisés par
de meilleurs textes de loi, ne fonctionnent que s'il y a du personnel
judiciaire en nombre requis.
248. L'amélioration de l'administration judiciaire
passe par une meilleure formation des magistrats en général et
des juges en particulier. Pourtant, la Cote d'Ivoire semble avoir
créé de processus de formation des magistrats. S'il est vrai que
le décret du 3 février 2005 a créé l'INFJ en le
détachant de l'ENA, encore faut-il relever que son directeur est
lui-même nommé par le Ministre de la fonction publique et non par
le Garde des Sceaux.
249. La formation et la documentation juridique qui
étaient censées accompagner la carrière du magistrat et
qui devaient assurer la connaissance régulière non seulement de
la jurisprudence mais encore de nouvelles techniques, de l'évolution de
la science du droit dans le monde font défaut.
250. La pauvreté de la justice ivoirienne crève
les yeux à tout visiteur. Tout, mais absolument tout manque. Le
manque d'équipements et de moyens matériels est criant.
L'état des équipements existants est insatisfaisant. Toutes les
juridictions en souffrent puisqu'elles ne disposent pas d'outils de travail
performants.
251.
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A l'ère des autoroutes de l'information, l'on a
constaté que la plupart des juridictions ne sont pas dotées
d'outils informatiques performants. Les rares ordinateurs mis à la
disposition des juridictions les plus chanceuses sont tombés en
désuétude, soit par faute d'entretien, soit parce que leurs
utilisateurs n'ont pas la formation requise pour les utiliser à bon
escient. Les acteurs de la justice, qu'il s'agisse des magistrats, des
greffiers et des secrétaires dactylographes doivent être
initiés aux techniques d'utilisation de l'outil informatique et
bénéficier de recyclages réguliers ensuite. Il appartient
principalement à l'Etat et accessoirement aux bailleurs de fonds,
d'équiper les juridictions et parquets ivoiriens d'outils informatiques
afin de rendre plus performant l'appareil judiciaire.
252. Ce faisant, il importe aussi de mettre en place un
système de sauvegarde des données qui soit efficace. En effet,
la poussière, le mauvais usage, les virus informatiques, la foudre et
les variations de tension électrique sont de nature à endommager
irrémédiablement les appareils.
253. C'est ainsi que parallèlement à la
sauvegarde des données informatiques, il serait judicieux de
conserver une méthode de classement manuelle confiée à des
professionnels de la conservation.
254. Pour toutes ces causes, le système judiciaire
dans le contexte de l'Internet n'est pas efficace et ne peut effectuer
pleinement sa mission de régulation sociale. Face à un tel
dysfonctionnement, le pays doit prendre des mesures efficaces pour sauvegarder
sa légitimité car les comportements antisociaux qu'autorise
l'Internet apportent un gain immédiat et sans contrepartie à
leurs auteurs tout en déstabilisant le marché et le bon
fonctionnement de l'économie. Il n'existe quasiment pas de documentation
juridique et encore moins de bibliothèque dans les juridictions.
255. Les magistrats soucieux de maintenir le niveau de leurs
connaissances juridiques sont contraints de se procurer, à leurs
frais, la documentation qui les intéresse. Ils n'ont pas de ligne de
crédit qui leur permettrait de répondre à leurs besoins en
codes et lois, revues juridiques, ouvrages de doctrine ou recueils de
jurisprudence. Le résultat de cette absence de documentation est que les
magistrats, censés mieux que quiconque maîtriser le droit, ne sont
dans certains cas plus en mesure de rendre des décisions qui y soient
conformes, faute d'informations suffisantes, parfois même faute de codes
à jour. La qualité des décisions de justice en
pâtit.
256. Surtout dans les sections détachées, ces
magistrats se sentent isolés des autres et cette situation favorise
des écarts importants dans l'application du droit par les
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différentes juridictions du pays Soulignons aussi que
le fonctionnement de la justice ivoirienne repose aussi sur un certain nombre
de personnes volontaires payées directement (et très mal
payées) par les juridictions, en raison de l'absence de moyens de
l'Etat. Il s'agit des secrétaires dactylographes, des interprètes
et parfois du personnel de gardiennage ou d'entretien.
257. Ces personnes ne disposent d'aucun cadre légal ou
d'aucun statut pour l'exercice de leurs fonctions, ce qui est
particulièrement inconfortable et insécurisant pour elles. Ainsi
les secrétaires ne sont pas tenues au secret professionnel ni à
aucune déontologie. Leur utilisation est dès lors
extrêmement périlleuse, surtout en raison de leur grande
vulnérabilité.
258. Si l'on souhaite que la justice ivoirienne gagne en
efficacité, des moyens supplémentaires doivent être
consacrés à la formation des acteurs judiciaires, notamment des
magistrats, compte tenu de la délicatesse de la mission de juger. Une
bonne formation initiale, sous la tutelle du Ministère de la justice,
ainsi que l'assurance d'une formation continue de qualité,
contribueraient non seulement à l'amélioration des conditions de
travail de ces acteurs, mais surtout à l'émergence d'une justice
de meilleure qualité.
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