IV. « Notre corps, nous-mêmes »
A. Réinvestir le corps
Le corps de la femme a toujours été assujetti au
regard de l'homme, ce dernier représentant les attributs féminins
selon sa propre idée de la femme, tantôt vierge tantôt
putain. A partir des années soixante-dix, les femmes vont se
réapproprier leurs corps, selon le slogan « notre corps, nous
même », et cette réappropriation trouve un véhicule
important dans la création artistique. Il s'agissait alors de faire
tomber la vision hégémonique masculine sur les attributs
féminins
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jours
pour développer le regard féminin, comme
l'exprime Emmanuel Grez88 « l'art dit féministe,
ça peut être également la construction d'un regard de femme
sur le corps de la femme, des femmes plutôt, traditionnellement
propriété du regard masculin. Il s'agit ici simplement d'affirmer
que le corps de la femme existe aussi sans le regard de l'homme. » Une
nouvelle iconographie du corps au féminin, ainsi qu'une iconographie de
l'expérience féminine, largement fondées sur la dimension
biographique, vont être développées, en lien évident
avec la maternité, car comme l'indique Yvonne Knibieler, «
l'émancipation des femmes ne peut se faire contre la maternité ni
sans elle89.»
1. Le sexe
Le sexe féminin est un organe ambigu : lieu de la
reproduction, c'est par cet orifice que s'effectue l'accouplement mais c'est
également par cette voie que les femmes donnent naissance aux enfants ;
et lieu de plaisir charnel. La figuration du sexe féminin au fil des
siècles va donc osciller entre ces deux pôles. La notion
reproductive du sexe va être représentée de manière
positive, alors que l'aspect tout à fait sexuel va être
connoté négativement. Tour à tour porte du divin ou porte
de l'enfer représentée dentée dans les
représentations surtout religieuses du Moyen-âge, elle trouve son
paroxysme d'ambigüité dans l'oeuvre de Gustave Courbet,
L'origine du Monde (figure 27). En effet, cette oeuvre
commandée par Khalil-Bey, un diplomate turc, montre le sexe d'une femme
allongée, nue, cadrée des cuisses largement ouvertes et des
seins, dont un se dévoile. L'aspect très réaliste et le
fait que l'ambassadeur était connu pour sa collection de peintures
érotiques porte d'abord vers le sens de l'érotisation du sexe
féminin. Mais le titre peut jouer des tours. En effet, on peut penser
à l'origine du monde qui se rapporterait à l'épisode de la
Bible d'Adam et Eve chassés du paradis, conférant alors à
la femme sa fécondité -dans la douleur- pour sa rémission.
C'est alors le début de l'humanité.
88 Grez, Emmanuel, « Mon oeil, regard masculin
sur quelques liens entre art et féminisme », in Art à
contre corps, Quasimodo, n°5, printemps 1998, Montpellier p.78
89 Knibiehler Yvonne, La révolution
maternelle : Femmes, maternité, citoyenneté depuis 1945,
Perrin, Paris, 1997, p.12
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Figure 27 : Gustave Courbet, L'origine du
monde, 1866, Huile sur toile, 46 x55 cm, Paris, musée
d'Orsay
Dans les années soixante-dix, soit presque un
siècle après la réalisation de L'origine du
monde, les artistes vont montrer que cette ambivalence du sexe
féminin n'a pas disparu, mais qu'elle se confond et ils vont amorcer une
scission entre ces deux entités : maternité et
féminité. Seulement, des notions nouvelles apparaissent, comme la
culpabilité de la sexualité ou même l'ignorance. En effet,
si le sexe est ce qui différencie biologiquement la femme de l'homme,
c'est également un tabou puissant de la société. En
1960/1970, les jeunes filles ne bénéficiaient pas
d'éducation sexuelle, certaines ne sont pas prévenues de
l'apparition des règles. Pour ce qui est de la notion de plaisir, il est
occulté. Des jeunes filles pensaient ne pas pouvoir tomber enceintes si
elles n'éprouvaient pas de plaisir pendant l'acte sexuel, car la
religion catholique affirmait que la jouissance donnait la vie, toujours dans
cette optique d'indistinction entre la maternité et la sexualité.
Ce discours était là pour culpabiliser au maximum les jeunes
filles et les femmes qui avaient des rapports sans vouloir d'enfants. La
sexualité était alors perçue comme une faiblesse, car la
femme n'avait pas su résister aux plaisirs de la chair.
La confusion se fait également entre la fonction
physiologique du sexe, celui d'uriner, et le sexe du plaisir. Le clitoris est
occulté des discours, et la masturbation féminine
diabolisée. Dès le plus jeune âge, la mauvaise conscience
s'abat sur cette partie du corps de la femme qui est sale, honteuse. Il faut
cacher ce sexe, faire attention aux garçons. Il y a donc un climat
pesant sur le sexe féminin. Les artistes vont se réapproprier
cette partie du corps si importante pour l'identité de la femme en y
mêlant la notion de plaisir. Le plaisir sexuel ira même
jusqu'à une certaine pornographie, qui s'explique par la
rébellion violente envers un monde régit par des hommes
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et la domination masculine, l'oppression masculine
exercée sur le corps -et le sexe de surcroit-féminin. C'est le
cas de la performance d'Annie Sprinkle, une militante porno-féministe,
qui dans Public Cervix Anouncement, offre en toute complaisance, son
col de l'utérus au regard du spectateur par le moyen d'un speculum
(figure 28). Valie EXPORT offrira également la vue de son entre-jambe
dans une performance ayant eu lieu dans un cinéma pornographique de
Munich et immortalisée par une photographie dans Gential Panic
(figure 29). Le sexe devient alors un médium à part
entière. Il symbolise la revendication féministe et montre que le
sexe n'est pas qu'un instrument de maternité, en faisant l'apologie
d'une pornographie féminine. Sur ce mode, les artistes féministes
vont développer des démarches artistiques autour de la figure du
vagin, de l'utérus, du sexe féminin. C'est ce que l'on a
qualifié de « Cunt art », l'art con en français, et qui
fait donc l'apologie du sexe féminin.
Figure 28 : Annie Sprinkle, Public Cervix
Announcement, 1990, performance
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Figure 29: VALIE EXPORT, Action Pants: Genital
Panic, 1969, photographies, The Museum of Modern Art, New-York
Le sexe est également « celui qui gardera toujours
le souvenir de la gestation et de la maternité90. » En
effet, les représentations d'accouchement montrent un sexe
boursouflé, où les lèvres semblent prêtent à
éclater. Un exemple masculin qui apparait avant la période que
nous traitons semble à propos. Il s'agit de Gaston Lachaise avec
Dynamo Mother (figure 30). La forme féminine de cette sculpture
disparait derrière ce sexe qui s'offre au regard dans la violence de
l'accouchement. Judy Chicago montre également ce sexe, porte de vie
déchirant le corps féminin et le partageant, dans Birth
Tear (figure 31).
90 Les Chimères, Maternité
esclave, Union générale d'éditions, Paris, 1975,
p.161
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Figure 30: Gaston Lachaise Dynamo Mother, 1933,
Bronze, 26 x 44 x 17 cm, Lachaise foundation, Boston
Figure 31: Judy Chicago, Birth Tear, 1982,
broderie sur soie, 50,8 x 69 cm, The Albuquerque Museum
2. Le sein
Symbole même de la féminité, le sein est
l'organe équivoque par excellence. A la fois érotique et source
de nutrition, il représente les deux notions présentes chez la
femme : sa fonction reproductive et son caractère sexuel. Ce n'est pas
par hasard si le mythe veut qu'un groupe de
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La représentation de la maternité dans la
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féministes brûle leur soutien-gorge en place
publique91. Par ce geste fort et symbolique, elles
dénonçaient la domination masculine, leur féminité
prisonnière des carcans institutionnels représentés par ce
vêtement féminin par excellence.
i. Maternité - animalité: le corps
nourriture
Des seins coule le lait, première nourriture du
nouveau-né, vitale de surcroit avant l'apparition des biberons et autres
substituts de laits artificiels. Il ramène donc la femme à un
état animal, dans ce corps à corps avec l'enfant pour le besoin
de la nutrition, comme le font les autres mammifères. L'analogie de cet
attribut maternel est très fréquente : dans le langage courant,
ne dit-on pas « attacher à ses mamelles » lorsque l'on parle
d'un enfant trop proche de sa mère ?
Les artistes de la révolution sexuelle vont mettre
à mal la représentation de la femme en tant qu'allaitante, qui
était jusque là la plus fréquente représentation de
la maternité, en attestent les nombreuses oeuvres d'Eugène
Carrière sur ce sujet, mais également Renoir ou Mary Cassatt. La
raison en est que par l'image de la femme allaitant sont toujours
véhiculés les idées de tendresse mais surtout de
dévouement maternel. Il va être question alors de montrer le
rapport de corps nourriture, dans cette optique d'animalité, avec un
aspect dépréciatif évident, afin de témoigner de
l'aspect réducteur de la maternité. L'artiste allemande Judith
Samen, que l'on rattache au groupe du Food Art ou Eat art, fait état de
cette vocation nourricière en présentant sa poitrine, qu'elle
presse de ses deux mains sur chaque sein, pour, pense-t-on, y faire jaillir le
lait nourricier. Dans ses photographies, elle met en scène son corps,
celui de son enfant ainsi que de la nourriture, offrant un triptyque
dégradant de la maternité, ne tournant qu'autour des besoins
nutritionnels de l'enfant. L'aspect grotesque des mises en scène tend
à esquisser l'aspect aliénant de la maternité.
Un des rares hommes à traiter de cette question de
l'allaitement autrement que par le biais de l'image de la tendre mère,
c'est Michel Journiac. Ce dernier, dans sa série photographique des
24 heures dans la vie d'une femme ordinaire en 1974, se travestit en
femme donnant le sein à un enfant (figure 32). La scène est
banale bien que la poitrine soit totalement plate et « vide »
91 Les Archives du Féminisme indique qu'en
septembre 1968, un groupe de féministes américaines avait
prévu de bruler leur soutien-gorge lors de la perturbation du concours
de beauté Miss America à Atlantic City. N'ayant pas obtenu
l'autorisation de faire du feu sur le voie public, elles ont alors jeté
leur soutien-gorge, symbole de domination masculine et d'aliénation
féminine pour le regard masculin, à la poubelle.
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et abondamment poilue. Ce qui est intéressant, c'est
que Michel Journiac place cette photographie dans la section des
Fantasmes, avec la naissance et l'avortement. De plus, cette
série photographique dénonce le quotidien des femmes, se
positionnant comme féministe.
|
Figure 32: Michel Journiac, 24 heures dans la vie
d'une femme ordinaire, Réalités/Fantasmes,
l'allaitement, série des fantasmes, 1974,
photographie noire et blanc
|
78
Le corps de la mère traité comme nourriture, sur
le mode de l'aliénation, se retrouve également dans une
perspective cannibalisée par l'oeuvre de Bettina Rheims où l'on
trouve une vierge voilée de noir présentant un sein d'où
perle une goutte de sang (figure 33). Ce Lait Miraculeux de la Vierge,
fait référence à l'incarnation du Christ et à
l'image de la Vierge allaitante, mais sa participation à l'exposition
Tous cannibales lui confère un caractère
dénonciateur du rôle maternel. On y voit alors une
référence à l'exigence dévorante du
nouveau-né, qui mange littéralement le corps de sa mère.
Le rapport cannibale entre la mère et l'enfant ne s'arrête plus
à l'allaitement aujourd'hui, comme on le constate avec l'essor d'une
nouvelle pratique, la placentophagie92, qui consiste à
ingérer son placenta, afin de mieux récupérer de son
accouchement et de minimiser les risques de dépression post-partum.
92 Pham, Laura, Des mères consomment leur
placenta en gélule, L'Express, 26 aout 2011
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Figure 33: Bettina Rheims, Le Lait miraculeux de la
Vierge, Série: I.N.R.I., Photographie, 1997,
Ville Evrard
Ana Mendieta traitera le thème de la maternité
comme obligation sociale et aliénante avec Source en 1975,
où elle se filme en gros plan en train de presser son sein pour en faire
sortir du lait.
L'idée du sein nourricier et vital, va symboliser
l'abondance de la Terre, la fertilité. De beaux seins ronds et pleins
indiquent la possibilité de fécondité, l'appel à la
vie, tandis que des seins flétris représentent la
stérilité dans cette idée de corps aride. C'est la
différence exprimée dans l'oeuvre du Maître de Soubise,
entre la richesse du corps féminin des Amoureux du Musée
de Cleveland et l'aridité du corps des Amants
trépassés du Musée de l'OEuvre-Notre-Dame à
Strasbourg (figure 34 et 35).
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La représentation de la maternité dans la
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Figure 34 : Les Amants trépassés,
Revers d'un panneau peint, Souabe ou Rhin supérieur, vers
1470, Musée de l'oeuvre Notre-Dame, Strasbourg Figure 35
: Couple d'amoureux, Avers du panneau adjacent, Souabe ou Rhin
supérieur, vers 1470, Musée de Cleveland
Certaines artistes vont développer la notion
d'abondance qu'insinue cet organe. Louise Bourgeois démultipliera des
seins, en sculpture, jouant sur l'aspect érotique mais également
de mamelles nourricières. En effet, par Mamelles,
sculpture-paysage qui fait partie de la série des Cumuls datant de
1991, elle allie animalité et sexualité (figure 36).
Animalité car elle demande au spectateur « imaginer une chienne ou
une vache ; vous la retournez sur le dos et vous avez un paysage très
intéressant, mobile, vivant et souple93.»
Sexualité car le sillon que forme les seize mamelles semblent former un
vagin.
93 Citée par Marie-Laure Bernadac, dans
Louise Bourgeois, Flammarion, Paris, 1995, p.194
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La représentation de la maternité dans la
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Figure 36: Louise Bourgeois, Mamelles, 1991,
caoutchouc, fibre de verre et bois (oeuvre murale), 48,2 x 340,8 x 48,2 cm,
Tate, Londres
ii. Le corps plaisir
Les notions de maternité et de plaisir vont être
abordés par les artistes, afin de montrer que l'on peut être
mère ET femme. En effet, il est révélé ce que de
nombreuses mères ont éprouvé un sentiment de plaisir
durant l'allaitement, mais ce sentiment est vite rabroué. Cette notion
s'éloigne considérablement du rôle nourricier, mais a
cependant un effet bénéfique et une explication scientifique.
Hélène Deutsch évoque elle-même l'allaitement comme
une source de jouissance pour la mère : « Dans l'allaitement, le
sein de la femme joue aussi le rôle d'un organe de satisfaction sexuelle.
Le grand plaisir de la mère ne réside pas seulement dans le fait
de nourrir son enfant, c'est aussi un acte de jouissance sexuelle, au coeur
duquel la glande mammaire joue le rôle d'une zone érogène.
» Cependant il ne faudrait pas se méprendre sur le rapprochement de
l'allaitement et d'un sentiment incestueux car elle continue « dès
que le rôle sexuel de l'appareil de succion prend trop d'importance, le
refoulement intervient et l'impossibilité d'allaiter apparait
aussi94. » Maternité et plaisir se voient
réconciliés, après des siècles de
séparation, voire de négation du plaisir féminin au profit
exclusif de la maternité, comme on le remarqua avec cette interdiction
d'avoir des relations sexuelles pendant l'allaitement sous peine de gâter
le lait.
94Hélène Deutsch, Psychanalyse
des fonctions sexuelles de la femme, 1994, p.72 dans Danielle Bastien,
Le plaisir et les mères, féminité et
maternité, p.80
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La représentation de la maternité dans la
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jours
Parlant de sa propre expérience de l'allaitement, Milan
Kundera fige ce plaisir maternel au-delà du plaisir sexuel, en faisant
une expérience presque mystique. « Après l'accouchement, le
corps de la mère entra dans une nouvelle période. Quand elle
sentit pour la première fois la bouche tâtonnante de son fils
téter son sein, un doux frisson explosa au milieu de sa poitrine ; cela
ressemblait à la caresse de l'amant, mais il y avait quelque chose de
plus : un grand bonheur paisible, une grande quiétude heureuse. Cela,
elle ne l'avait jamais connu auparavant ; quand l'amant baisait son sein,
c'était une seconde qui devait racheter des heures de doutes et de
méfiances, mais maintenant elle savait que la bouche qui se pressait
contre son sein lui apportait la preuve d'un attachement ininterrompu dont elle
pouvait être certaine. Mais il y avait autre chose... jamais elle ne
s'était abandonnée pareillement à un autre corps, et
jamais un autre corps ne s'était abandonné à elle
pareillement. L'amant pouvait jouir dans son ventre, mais il n'y avait pas
habité, il pouvait toucher son sein, mais il n'y avait pas
bu95. »
La psychanalyse qui explose dès les années 1960
va permettre aux mères de ne plus se sentir coupables du plaisir
ressenti par la maternité, et va réussir à allier plaisir
et maternité, pour ne plus avoir à choisir entre les deux.
Chez les artistes, les seins vont retrouver une place
érotique. Valie EXPORT propose aux passants de glisser leurs mains dans
une boîte placée sur sa poitrine et dissimulant cette
dernière. Aveuglement, ils rencontrent de leur caresse les seins de
l'artiste, créant un théâtre érotique96.
Elle dit « en permettant à tout le monde de toucher ce que l'on
peut appeler en langage cinématographique « l'écran de mon
corps », ma poitrine, j'ai dépassé les limites de la
communication sociale communément admise. Ma poitrine échappait
à la « société du spectacle » responsable de la
transformation des femmes en objets. De plus, les seins n'appartiennent plus
à un seul homme, et la femme qui dispose librement de son corps tente de
se donner une identité indépendante. C'est le premier pas pour
passer du statut d'objet à celui de sujet97. »
95 Milan Kundera, La vie est ailleurs, p.20,
dans Danielle Bastien, Le plaisir et les mères,
féminité et maternité, p.82
96 Dans cette performance Tapp und Tastkino
(cinéma tactile), 1968 à Vienne lors d'un festival de
cinéma.
97 Valie Export, Citée par Peter Nesweda,
dans « In her own image : Valie Export, artist and feminist », Arts
Magazine, 1991, cité dans Phelan, Peggy, Art et
féminisme, Phaidon, Paris, 2005, p.64
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La représentation de la maternité dans la
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3. Le ventre
Le ventre, la partie située entre le sexe
féminin et la poitrine, est une partie du corps peu
représenté. C'est pourtant le lieu du développement de la
vie, du foetus, c'est la matrice par excellence. Le ventre est le
réceptacle, car la femme a longtemps été
considérée comme un contenant, une matière inerte
animée par le sperme. A l'heure de la révolution sexuelle
féminine, les artistes ne vont plus évoquer mais exposer le
ventre, tour à tour symbole de l'aliénation ou de la
liberté de choix.
L'Espoir de Gustave Klimt, faisant apparaitre sous
son pinceau une femme très avancée dans la grossesse et
voluptueuse. Cette représentation d'une femme enceinte fit scandale, par
le fait qu'elle fut nue entre autre. Son caractère sexuel, avec la
dimension érotique indéniable, désacralisait l'image
maternelle. Dans cette veine, les artistes de la libération sexuelle
vont développer l'imagerie du ventre maternel non plus en
négation de la sexualité, mais au contraire pour montrer
l'exaltation du corps fécond. Les femmes enceintes peintes par Alice
Neel dans les années soixante-dix traduisent l'épanouissement
sexuel de ces femmes. Par exemple Pregnant Maria présente une
femme enceinte nue, allongée lascivement sur un lit défait
(figure 37). Le corps enceint n'est plus dissimulé derrière de
lourds vêtements mais s'exhibe fièrement. Par ces nus s'expriment
la conquête du corps, la fierté de pouvoir choisir la
maternité plutôt que de la subir, dans ce contexte de
libération sexuelle.
Figure 37: Alice Neel, Pregnant Maria, 1964,
huile sur toile, 81.3 x 119.4 cm, Collection privée
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La représentation de la maternité dans la
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En parallèle, le ventre va également devenir un
médium pour revendiquer le droit à disposer librement de son
corps, et dénoncer l'aliénation de la maternité, notamment
pendant la lutte pour obtenir le droit à l'avortement et l'accession
à la pilule. C'est le cas de Claude Cehes qui dans
Maternité, montre le ventre d'une femme encerclée de
grosses chaînes.
Susan Hiller montre dans une série photographique
intitulée Ten Months (figure 38), l'évolution de son
ventre durant toute sa grossesse. Les dix blocs comprenant chacun vingt-huit
photographies sont accompagnés d'extraits de son journal, qu'elle tenait
en parallèle. L'évocation très poétique de paysages
presque lunaires est contrebalancée par l'anxiété qui se
joue au sein de ses notes. Le ventre grossit en même temps que l'angoisse
face à la future rencontre avec l'enfant et le nouveau statut de
mère monte.
Figure 38: Susan Hiller, Ten Month, 1977-1979,
Installation à la Hayward Gallery, 1980,
Londres
Mary Kelly réalisera une vidéo en prologue de
son travail The Post-Partum Document, avec Antepartum,
où l'on voit son ventre enceint en gros plan et elle nous montre
l'interaction avec son enfant in utéro par les mouvements qu'il fait sur
son ventre.
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La représentation de la maternité dans la
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jours
Plus tard, Kiki Smith développera également la
réappropriation du corps de la femme, mais au sein du processus de
maternité qu'elle considère spoliée par la
médecine, par sa série Shields, des moulages de ventres
de femmes enceintes (figure 39).
Figure 39: Kiki Smith, Shield, 1988,
plâtre, 19 x 18 x 14 cm, collection de David McKee,
New York
Enfin, le ventre est la partie du corps qui conserve
l'empreinte de notre vie utérine et de notre attachement à notre
mère. Marie-Ange Guilleminot fait référence à la
maternité comme origine de notre identité par sa série
Moulage de nombril, point commun et vues de l'intérieur en
19911992 (figure 40).
Figure 40: Marie-Ange Guilleminot, Point Commun.
Vues de l'intérieur, 1992, 3 moulages de nombril en
plâtre, 14,5 x 14,5 cm (chacun)
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La représentation de la maternité dans la
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4. Fluides féminins : le sang et
les menstruations
i. Les menstruations
« De tous les écoulements celui du sang est le
plus terrifiant » affirme Jean-Paul Roux98. De tout temps, le
sang des femmes a été une source de questionnement, dont en
résultait la discrimination des femmes par la valeur négative de
ce fluide corporel. Jusqu'au XXe siècle en France, on
attribuait encore au sang des menstrues des propriétés
malfaisantes, comme faire tourner le lait de vache, d'émousser les lames
de couteaux ou même de troubler le vin. Terrifiant, le mot n'est pas un
euphémisme. On accorde au sang les vertus de l'hystérie. Par
exemple, Yves Klein, qui avait voulu faire une anthropométrie avec le
sang menstruel d'une prostituée qu'il avait payé pour se
barbouiller de son sang et s'allonger sur une feuille de papier pour y imprimer
son corps, a vu la jeune femme devenir hystérique lorsqu'elle se rendit
compte de son état. L'hystérie par ailleurs, a une base toute
féminine. Etymologiquement, l'hystérie est empruntée au
grec qui veut dire « la matrice », et la matrice fait directement
référence à la femme et sa fonction biologique de
procréation.
Figure 41: Kiki Smith, Train, 1993, collection
of Mandy and Cliff Einstein
98 Roux, Jean-Paul, Le sang : Mythes, symboles et
réalités, collection Les nouvelles études
historiques, Paris, Fayard, 1988, p.57
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La représentation de la maternité dans la
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Certains artistes vont dénoncer cette analogie
négative du sang féminin en accentuant l'aspect avilissant de
cette humeur. Kiki Smith développe l'ambigüité entre sang et
souillure dans Train (figure 41), une sculpture de femme
trainant derrière elle de longs filets de perles rouges sang. On ne
distingue pas bien s'il s'agit de sang ou d'excréments, la
proximité de leur provenance, vagin et anus, marque également la
possible indistinction et renforce l'assimilation des deux.
Valie EXPORT effectuera également ce rapprochement, par
le biais du contenant : dans Menstruations99, elle montre
une cuvette de toilettes où stagne une eau sanglante. La destination
première des toilettes, qui est de recevoir les excréments, est
ici rapprochée du sang souillure.
L'angoisse face au sang des femmes, loin de l'image du sang
rédempteur ou du sang glorieux livré au champ de bataille, a
entrainé les hommes à conduire les femmes vers des rites
d'isolement, enfermant ces écoulements divers- que ce soient les
menstruations, mais également le sang de la déflorée, le
sang abondant de l'accouchée ou celui des lochies et des retours de
couches- dans des tabous. Encore aujourd'hui dans certaines tribus, les femmes
doivent se cacher pendant la durée de leurs règles, n'ayant aucun
rapport avec les hommes. A ce propos, Le Lévitique condamne à
mort les hommes et femmes qui auraient eu des rapports sexuels pendant cette
période de souillure, alors qu'Ambroise Paré, lui, affirmait que
de ces ébats naitront des monstres, « Les femmes souillées
de sang menstruel engendreront des monstres [É]. C'est chose sale et
bestiale d'avoir affaire à une femme pendant qu'elle se
purge100. »
Les artistes femmes vont se servir de l'image de leur sang, le
plus souvent le sang des menstruations, afin de revaloriser ce fluide
féminin, dans une optique de réappropriation de l'image du corps.
Car ces périodes de sang correspondent à des périodes
heureuses, sinon importantes de la vie d'une femme, et toujours en rapport avec
la maternité : les premières règles marquent
l'entrée de la fillette dans la vie de femme et annoncent la
fertilité du corps; le
99 Réalisé en 1967/1968
100 Ambroise Paré, Des monstres et prodiges,
p.157, dans Roux, Jean-Paul, Le sang : Mythes, symboles et
réalités, collection Les nouvelles études
historiques, Paris, Fayard, 1988, p.66
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La représentation de la maternité dans la
création contemporaine: de la libération sexuelle à nos
jours
sang de la défloration marque l'entrée vers la
vie sexuelle ; le sang de l'accouchement marque l'accueil de la vie.
En faisant cette démarche, elles tendaient
également à dénoncer le phallocentrisme à l'oeuvre
au sein du monde artistique. Par exemple, pour dénoncer l'isolement de
la femme indisposée et son statut négatif durant cette
période du mois, Catherines Elwes transforme son cycle en outil de
communication. Dans Menstruations 1 et 2 (figure 42), l'artiste
s'enferme dans une sorte de boîte transparente avec au sol une feuille.
Elle habite cet endroit le temps de sa période de règles et
laisse couler son flux librement. Cet enfermement renvoie à l'isolement
des femmes dans des habitats spécialisés de certaines tribus. Par
les parois de plexiglas, elle dialogue avec le public, en écrivant sur
les parois transparentes. Cette période de réclusion, l'artiste
en fait une période d'ouverture, de dialogue, de rapport avec l'autre.
Ce qui était perçu comme négatif, c'est-à-dire les
règles comme signe de non fécondation, devient fertile par la
rencontre avec le public et le dialogue qui s'instaure entre ce dernier et
l'artiste.
Figure 42: Catherine Elwes, Menstruation II,
1979, performance, White Room, Slade School of Art
Dans l'idée de montrer ce qui n'était pas
visible socialement, ce qui est tabou, Judy Chicago montre, même
surexpose, ce qu'est le rituel féminin lors de la période de
menstruations. Dans Red Flag (figure 43), elle montre en gros plan le
sexe et les cuisses d'une femme, debout, qui d'une main retire de son vagin un
tampon usagé. Violence de l'image et humour se mêlent.
Red
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flag, traduit par « drapeau rouge », fait
penser à tous ces surnoms donnés aux menstruations pour ne les
citer sans vraiment le faire.
Figure 43: Judy Chicago, Red Flag, 1971,
Photolithographie, 20 x 24 cm, ACA Galleries,
New York
On retrouve également des tampons, en nombre
conséquent, dans la poubelle de la salle de bain de la
Womanhouse101 (figure 44). Ce lieu d'exposition exclusivement
féminin traite un sujet typiquement féminin, puisque
physiologique, dans une pièce de la maison traditionnellement
dévolu à la femme, surtout à sa frivolité, et
renvoyant à l'image de la femme passant des heures dans la salle de
bain. Cette oeuvre traite de la notion de cycle qui est associée aux
menstrues, et le fait que lorsque des femmes sont amenées à vivre
en collectivité, au bout d'un certain nombre de cycles, leurs
périodes de menstruations coïncident. D'où cette poubelle
maculée qui déborde de tampons.
101 Menstruation Bathroom, 1972
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Figure 44: Judy Chicago, Menstruation Bathroom,
1972, Womanhouse, Hollywood
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Figure 45: Joana Vasconcelos, Novia, 2001, 600 x
350 x 350 cm, acier inoxydable, tampons OB, fils de coton et câbles en
acier, Collection Antonio Cachola, Campo Maior
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On constate que l'univers domestique envahit la
création artistique au féminin avec l'utilisation de la couture,
du tricot ou de la broderie, mais il englobe également les ustensiles du
quotidien féminin, comme les tampons hygiéniques, qui
s'assimilent à un nouveau médium. Plus récemment et dans
cet héritage de l'utilisation de produits féminins, Joana
Vasconcelos a érigé un immense lustre royal uniquement
constitué de tampons hygiéniques, dans cette démarche de
redonner une valeur positive à ce qui était
déprécié auparavant (figure 45).
Au fur et à mesure que l'Histoire avance, avec les
découvertes scientifiques, le sang est mieux compris, mais pas moins
tabou. Il faut regarder du côté de nos publicités du
XXe siècle qui, pour vanter les mérites et
l'efficacité des produits hygiéniques féminins, utilisent
un produit de couleur bleue, et non un produit coloré rouge. D'ailleurs,
Rachel Lachowitz dans son oeuvre Red not blue en 1992, revient sur les
anthropométries d'Yves Klein, mais en utilisant la couleur rouge, et non
pas une femme comme pinceau mais un homme, cela dans un processus de
réappropriation du corps et de la place des femmes dans l'art (figure
46). Elle effectue une critique de la domination de l'homme sur le corps
féminin mais également la domination masculine du monde de
l'art.
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Figure 46: Rachel Lachowicz, Red not blue, 1992,
performance
Newport Harbor Art Museum, Newport Beach
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La connotation négative du sang des menstrues vient
également du fait qu'il signifie qu'il n'est pas porteur de vie, et donc
qu'il y a eu un échec de fécondation. Si le sang correspond la
plupart du temps à des passages importants dans la vie d'une femme, il
est aussi signe de violence mais également d'une sorte de perte de soi
« C'est dans cette période (les règles), qu'elle
éprouve (la femme) le plus péniblement son corps comme une chose
opaque aliénée ; il est la proie d'une vie têtue et
étrangère qui en lui chaque mois fait et défait un berceau
; chaque mois un enfant se prépare à naître et avorte dans
l'écoulement des dentelles rouges102. » Il est signe de
mort lors d'une fausse-couche, et signe de violence lors d'un viol.
Ce que l'on constate, c'est que par ce fluide corporel
naturel, les hommes ont appuyé leur domination sur les femmes. Les
artistes des années soixante-dix, féministes de surcroit, vont se
réapproprier ce symbole de la féminité, de la
fécondité, pour lever le tabou et la main mise des hommes.
Si certains artistes ont travaillé avec l'idée
du sang comme notion universelle de féminité, dans le sens d'une
certaine sororité, ou de symbole de l'oppression masculine, d'autres
vont faire valoir cet écoulement comme partie intégrante de leur
identité de femme. Gina Pane réalise un autoportrait avec des
cotons imbibés de son propre sang menstruel. De cette oeuvre,
Autoportrait, une semaine de mon sang menstruel, en 1977, elle
témoigne « dans cette performance, Autoportrait, le tampon faisait
partie de mon portrait, une semaine de mes règles était pour moi
aussi signifiante que de montrer l'image dans sa totalité de mon corps,
c'était aussi une sorte de graffiti féminin. [É] La
symbolique du sang est positive, d'ailleurs en même temps que le signe du
sang, j'ai apporté le signe du lait103. »
Le lait et le sang en effet, vont être repris par
certaines artistes, pour être mis en parallèle afin d'en montrer
le dénominateur commun qu'est le rapport à la
maternité.
102 Beauvoir, Simone de, Le deuxième sexe I, Les faits
et les mythes, Gallimard, Paris, 1949, p.68
103 Gina Pane, Sorcières, n°9, mai 1977,
p.44-47
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ii. Le lait
Jusqu'au début du XXe siècle, la
représentation de la mère la plus privilégiée
était la mère allaitante. Le sein perdait alors toute connotation
érotique et retrouvait sa fonction physiologique et vitale. Le liquide
qui en sort, le lait, n'eut pas une histoire moins ambig·e que l'organe
d'où il sort, et dès l'époque d'Hippocrate et de Pline
l'Ancien, sa constitution et ses vertus furent discutées. Pour Ambroise
Paré, selon la tradition hippocratique et aristotélicienne, le
lait n'était que du sang de couleur blanche, du « sang blanchi
». En effet, le lait serait une transformation du sang des menstrues,
utilisé par le foetus pour se nourrir le temps de la gestation. Sa
couleur blanche, qui lui confère une notion de pureté, serait
venue d'une coction et du fait de la proximité d'un organe noble, le
coeur, et de la chaleur de ce dernier.
Il n'est pas étonnant de voir les artistes mêler
sang et lait au sein de leurs oeuvres. La plupart du temps, cette rencontre de
semences féminines se fait avec une certaine violence. C'est le cas de
Valie EXPORT, qui n'hésite pas à se mutiler les doigts jusqu'au
sang avec une lame de rasoir avant de plonger ses mains dans un bol de lait
(figure 47). Ce film RemoteÉRemote traite de l'enfance dans la
dénonciation du rôle des parents, car les deux jeunes enfants
présentés sur la photographie ont été abusés
par leurs parents. Ici se mêlent sang de la filiation, parentale et
fraternelle, mais aussi le symbole du sang dans sa dimension de menace, de
violence, de souffrance. Ce sang est lié au lait, qui connote
habituellement un aspect positif de douceur et de protection, qui fait
défaut par ce mélange, et prend un aspect inquiétant.
Figure 47: Valie EXPORT, RemoteÉRemote,
1973, video16 mm en couleur, durée 10 minutes
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