B. Déesses-mères
Pour les artistes, la recherche des origines est très
souvent passée par l'analogie avec une déesse-mère. En
effet, le parallèle entre le corps fécond d'une femme et la
nature, que ce soit la Terre ou le cosmos, fut largement
développé.
1. Déesse et terre-mère : le retour
à l'origine
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La représentation de la maternité dans la
création contemporaine: de la libération sexuelle à nos
jours
Un courant de pensée se développa dans les
années soixante-dix et influença les artistes pour l'approche
artistique des déesses : l'écoféminisme. Il mettait en
rapport les idées féministes et l'écologie, en rapprochant
la Terre et l'idée des Grandes Déesses, et en créant une
généalogie des femmes en lien avec la nature.
La maternité est alors perçue de manière
symbolique sous le signe de la fécondité, de l'énergie
maternelle de la Terre. Cette idée ancestrale du parallèle entre
femme et terre tient en plusieurs images. Tout d'abord, la femme, tout comme la
terre, participe à la survie de l'espèce. La femme met au monde
pour la perpétuation de l'espèce tandis que la terre offre aux
hommes la nourriture consubstantielle à leur survie. De plus, ce rapport
à la terre féconde et nourricière va être
laissé aux femmes : les hommes partiront chasser quand les femmes auront
comme tâche l'agriculture. Il faut également penser à ces
déesses symbolisant la vie et la fécondité
nourricière liées à des rites agraires telles que la
déesse grecque Ga ·a, la Magna mater Cybèle ou
Isis. En dernier lieu, la femme et la terre partagent un triste dessein : leur
soumission par les hommes. Susan Griffin souligne le fait que l'homme a
signifié une même volonté de dompter la nature et la
femme77.
Dès le début de sa carrière artistique et
avant son rapprochement avec le groupe féministe de la A.I.R Gallery,
Ana Mendieta met en oeuvre une démarche s'articulant autour du corps et
du paysage qui renvoie à des figures de fécondité. Ainsi
avec ses Siluetas (figure 18), une série commencée en
1973, elle inscrit son propre corps dans le paysage, représentant
l'union de la forme féminine et de la terre. « J'ai poursuivi un
dialogue entre le paysage et le corps féminin (à partir de ma
propre silhouette). Je pense que c'est la conséquence directe d'avoir
été séparée de ma terre natale à
l'adolescence. Je suis submergée par le sentiment d'avoir
été chassée du sein maternel (la nature). Mon art est ce
qui me permet de rétablir les liens qui m'unissent à
l'univers78. » Ce parallèle entre corps féminin
de l'artiste et force vitale de la terre s'ajoute à ce besoin de
retrouver la terre dite maternelle. Le lien entre la nature et
l'identité est alors important. On peut remarquer l'analogie du corps
féminin à la matrice par cette démarche de trace au sein
de la nature. Dans le catalogue de l'exposition L'Empreinte, il y a le
rapprochement
77 Griffin, Susan, Woman and nature : the roaring
inside her, Women's Press, Londres, 1978
78 Viso, Olga, « Ana Mendieta, Earth Body
:Sculpture and Performance, 1972-1985 », p.35, cité dans Ana
Mendieta: blood & fire, texte de Abigail Solomon-Godeau, Linda
Montano, Nancy Princenthal, ouvrage publié à l'occasion de
l'exposition à la Galerie Lelong, du 8 septembre au 8 octobre 2011,
Galerie Lelong, New-York, 2011, p.57
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La représentation de la maternité dans la
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entre l'art procédant d'un moule et la reproduction
humaine utilisant une matrice, le corps de la femme79.
Figure 18 : Ana Mendieta, Imagen de Yagul,
série des Siluetas, 1973, photographie couleur, 48,3x 31,8
cm, Collection Glenstone
En 1981, avec la série sculpturale des
Earthworks dans le parc national de Jaruco, le lien avec l'univers des
déesses est évident, car les neuf sculptures d'aspect rupestre
portent des noms de déesses amérindiennes (de la lune, du vent,
des menstruations et de l'eau).
Cette insertion du corps de la femme dans la nature et au sein
d'une lignée de grandes déesses marque également la notion
de renaissance. La nature est le lieu de toute vie, mais la terre
représente également la dernière demeure du corps.
L'ambivalence équivoque entre la vie et la mort qui s'exprime au sein du
travail d'Ana Mendieta par ces silhouettes disparaissant, s'inscrit
79 L'empreinte, exposition
organisée par le Musée national d'art moderne-Centre de
création industrielle, Paris, du 19 février au 19 mai 1997 /
direction. Georges Didi-Huberman, Ed. du Centre Georges Pompidou, Paris, 1997,
p.38
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La représentation de la maternité dans la
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littéralement dans cette veine des
Déesses-mère. En effet, Carl Jung80 explique que
très souvent, les déesses sont porteuses de deux énergies
: une créatrice et l'autre destructrice, qui s'inscrit dans
l'idée du cycle de la vie, de la renaissance. Les grandes déesses
sont affublées d'un aspect archaïque phallique, leur puissance
féminine renverrait à un aspect viril. Kâlî,
déesse hindoue, est une déesse de vie mais également de
mort, mais nous pouvons également penser à Lilith,
première épouse d'Adam, déesse-mère pour les
Sumériens, qui se trouve être l'emblème du matriarcat au
même titre qu'une tueuse de nouveau-nés. Les déesses ont
donc des qualités doubles, qui s'apparentent au masculin et au
féminin. Cet androgynéité se retrouve dans les Fragile
Goddess de Louise Bourgeois, où elle mêle les attributs
mâles, avec cette pointe phallique qui se dresse en guise de tête,
et femelles par ce ventre proéminent et ces deux seins (figure 19). Les
sculptures de l'artiste Elsa Sahal, que nous retrouveront dans le prochain
point, incarnent en quelque sorte de nouvelles déesses de la
fertilité en jouant sur l'ambigüité du masculin avec ces
formes phalliques surgissant de la glaise, mais aussi du féminin, par
les formes pleines comme dans l'exemple Autoportrait à l'enfant
I.
80 Cité dans l'article de Gloria Feman
Orenstein, « Une vision gynocentrique dans la littérature et l'art
féministes contemporains », Études
littéraires, Volume 17, numéro 1, avril 1984, p. 143-160
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Figure 19 : Louise Bourgeois, Fragile Goddess,
1970, bronze et patine dorée, 26 x 14, 3 x 13,7 cm, Collection
privée, New-York
2. Créatrice cosmogonique
Les artistes pouvaient s'appuyer sur certains textes anciens
pour développer cette imagerie, comme le texte de Cicéron, le
Somnium Scipionis, où l'espace est investi d'un sens maternel
puisqu'il serait le lieu des origines. En effet, la création du monde et
de l'univers est à l'origine de la vie, le mythe cosmogonique va
être rapproché de la vision procréatrice de la femme. La
créatrice cosmogonique est source de fécondité, de
fertilité et de création. Otto Dix par exemple expose sa vision
de la maternité en faisant se confondre cosmos et femme enceinte par des
jeux de courbes qui se superposent aux spires d'une constellation
d'étoiles dans Schwaugeres Weib (figure 20).
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Figure 20: Otto Dix, Femme enceinte (Schwangeres
Weib), 1919
Monica Sjöö reprend cette idée avec God
Giving Birth en 1968 (figure 21). Le dieu indiqué dans le titre se
révèle être une déesse, représentée en
train de donner naissance. Une figure féminine imposante emplit tout
l'espace du tableau. Sa monumentalité n'a d'égale que la froideur
de son exécution, la palette employée étant faite de bleu
et de gris. D'entre ses jambes écartées et à demie
fléchies sort une tête, ni masculine ni féminine. Le fond
est neutre, on aperçoit seulement deux planètes de part et
d'autre du visage impassible du « dieu ».
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Figure 21: Monica Sjoo, God Giving Birth, 1968,
huile sur aggloméré, 183 x 122 cm, Museum Anna Nordlander,
Skelleftea, Suède.
Dans cette démarche de développement artistique
autour de l'origine du monde, les artistes vont tendre à
développer une iconographie autour de la caverne notamment. « Cette
évocation de la grotte, lieu humide et sombre, incarne dans l'imaginaire
artistique l'espace où la création s'identifie à une
activité démiurgique et cosmique81. » L'analogie
au sexe féminin, à l'utérus lieu de vie par les mots
« humide et sombre » est évidente, et nous pensons
également à la caverne comme premier lieu d'habitation de nos
ancêtres, comme le souligne Platon avec le mythe de la caverne.
Amédée Ozenfant avait déjà
exposé le thème de la maternité et d'un âge d'or
primitif situé dans l'espace matriciel de la caverne. Mary Beth Edelson
rassemblera ces idées de grotte et de déesse-mère dans ses
performances, comme Grapceva Cave See For Yourself : Neolithic cave
serie, en 1977 (figure 22). Le symbole de la grotte est expliqué
par Judy Chicago et Miriam Schapiro dans Female Imagery « les
femmes artistes ont utilisé la cavité centrale, qui les
définit
81Da Costa, Valérie, Fondation d'entreprise
Ricard, Elsa Sahal, Catalogue édité à l'occasion
de l'exposition d'Elsa Sahal "Sculptures", à la fondation d'entreprise
Ricard, 10 mars - 5 avril 2008, avec le concours de la Galerie Claudine
Papillon, Editions Particules, Paris, 2008, p.27
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La représentation de la maternité dans la
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comme des femmes, en tant que structure d'une
représentation qui permet de renverser totalement la manière dont
les femmes sont considérées par la culture82.
»
Figure 22: Mary Beth Edelson, See for Yourself,
série Grapceva Neolithic cave, 1977, performance on the island of
Hvar
L'artiste Elsa Sahal développe dans ses travaux
l'idée de la grotte comme révélation de son
intériorité. Ces travaux, explicitement en rapport avec son
expérience de la maternité, jouent également sur des
matériaux qui renvoient aux origines de l'art avec le mythe de Dibutade,
avec ses superpositions de couches de terre travaillées dans un rapport
plus que charnel. Son oeuvre Autoportrait en forme de grotte ou encore
Grotte Généalogique renvoie explicitement à ce
82Femal Imagery, p.11, cité dans
Dumont, Fabienne, La rébellion du Deuxième Sexe. L'Histoire
de l'art au crible des théories féministes
anglo-américaines (1970-2000), Presses du Réel, 2011,
p.117
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rapport à l'identité et cette
intériorité (figures 23 et 24). La grotte fait écho
à son expérience de la maternité, ce qui lui aura
inspiré ces séries réalisées pour le musée
de Sèvre.
Figure 23: Elsa Sahal, Autoportrait en forme de
grotte III, 2005 Céramique, 60 x 50 x 45 cm
Figure 24: Elsa Sahal, Grotte
généalogique, 2006 Céramique (5
éléments) sur table en métal 100 x 244 x 122 cm
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3. Parallèle mythe créateur et
artiste-femme
Le recours à l'image de la déesse va mettre en
évidence la volonté de renaissance de l'art, au sens de la
culture féminine, mais de manière plus recentrée sur les
artistes elles-mêmes. En effet, il s'agit de ne plus être femme,
c'est-à-dire corps, mais se révéler artiste. Le recours
à cette image de la déesse revient à chercher et trouver
une identité, une certaine généalogie dans la culture
féminine, comme une sorte de passage entre le statut de femme-artiste
à celui d'artiste-femme.
L'artiste Niki de Saint Phalle en fera l'expérience
avec la Hon, cette monumentale sculpture présentée au
Moderna Museet de Stockholm en 1966 (figure 25). Cette grande Nana enceinte,
réalisée en collaboration avec Jean Tinguely et Per Olof Ultvedt,
représente pour l'artiste « une grande Déesse de la
fertilité, accueillante et confortable dans son immensité et sa
générosité83.» Dans cette grande
déesse par laquelle on pouvait pénétrer par le vagin, on
trouvait, entre autre, un bar à lait dans le sein gauche, un
planétarium dans le droit, une salle de cinéma, une exposition de
faux chefs-d'oeuvre, une terrasse sur le ventre. Par cette oeuvre, on remarque
un changement chez l'artiste : les formes deviennent plus douces et la violence
des tirs de peinture s'estompe pour aller vers une démarche en
adéquation avec une certaine acceptation de sa féminité.
Ainsi, l'élan vers le retour à la Mère s'effectuera avec
son autre sculpture monumentale située au Jardin des Tarots,
l'Impératrice.
83 Lettre de Niki de Saint Phalle à Clarice,
in Niki de Saint Phalle, Kunst und Ausstellungshalle, Bonn, 19 juin- 1er
novembre 1992 ; MacLellan >Galleries, Glasgow, 22 janvier-4 avril 1993 ;
Musée d'Art Moderne, Paris, Juin-septembre 1993, p.168, Schmutz, Lydie,
l'art et la vie confondus : la production artistique de Niki de
Saint-Phalle de 1961 à 1966, Mémoire de Maitrise Histoire de
l'art, Strasbourg, 2004, p.41
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La représentation de la maternité dans la
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Figure 25: Niki de Saint-Phalle, La Hon, 1966,
matériaux divers, 28 mètre, Moderna Museet
de Stockholm
Par l'image de la déesse et la revendication d'une
descendance de celle-ci, les artistes revendiquent une culture féminine.
Auparavant, les artistes se sentaient prisonnières entre la
volonté de faire référence à leur identité
féminine et celle d'être reconnue, ce qui impliquait de pratiquer
dans la veine des artistes masculins.
4. Le matriarcat comme héritage
féminin
En abordant les cultures matriarcales au sein de leur
démarche artistique, les artistes désiraient se créer une
filiation, et montrer que le génie créateur n'est pas seulement
masculin. En effet, jusqu'au début du XXe siècle, la
place des femmes dans la communauté artistique était restreinte.
Les premières femmes artistes ont du faire le choix de la
féminité ou de la création, en changeant de noms, comme
par exemple Georges Sand, ou en se masculinisant comme Rosa Bonheur et il
fallait le plus souvent un mentor masculin pour accéder aux cimaises.
Les femmes étaient jusqu'alors considérées comme les
modèles, accentuant la passivité de leur corps et soumises au
regard des hommes.
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La représentation de la maternité dans la
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C'est la question du genre dans l'histoire de l'art qui se
développe dans les années soixante-dix et qui doit être mis
en parallèle de ce développement de la recherche des origines
matriarcales. Linda Nochlin pose la question fondamentale de savoir «
Pourquoi nÕy a-t-il pas eu de grandes artistes femmes ? » et
répond en montrant que l'homme était considéré
comme l'action, le génie créateur, quand la femme est du
côté du sexe. Il s'agissait alors de remettre en question le
système patriarcal en recentrant sur des mythes fondateurs comme la
déesse-mère, afin de destituer le Dieu patriarcal.
L'engouement révélé pour la thèse
évolutionniste d'un matriarcat primitif exposée entre autre par
l'allemand Bachofen, l'anglais Lewis Henry Morgan ou encore Friedriech Engels
(considérant que les familles primitives auraient été des
matriarcats) fut une base de cette recherche féministe. Dans cette
veine, certains comme Evelyn Reed vont vouloir prétendre à la
supériorité morale originelle des femmes, ainsi que leur
supériorité technique. Mais comme le dit Aline Dallier-Poper
« le féminisme n'est pas, comme on le croit souvent, une lutte
contre les hommes mais contre des comportements phallocratiques et
phallocentriques en vigueur dans notre société jusqu'il n'y a pas
longtemps. C'est une lutte pour l'obtention de l'égalité des
droits entre les hommes et les femmes84. » Ainsi Kay Turner
précise dans un article paru dans la revue Heresies sous le
titre « Contemporary Feminist Rituals85 », qu'il ne faut
pas voir dans ces références récurrentes au matriarcat
« un désir de revenir à l'âge d'or matriarcal, comme
certains critiques l'ont prétendu86. Il est beaucoup plus
crucial pour [É] toutes les femmes de dégager et de retrouver
leur imaginaire héréditaire (tel qu'il se manifeste dans les
pouvoirs et les fables des déesses) et de créer de nouvelles
images qui représentent la récente résurgence des femmes
[É] que de prouver l'existence absolue et historique d'un matriarcat
généralisé [É]. » Il s'agissait donc pour les
artistes de créer leur propre univers mythique afin de légitimer
leurs expressions artistiques, et de montrer que l'apparition des femmes dans
la sphère artistique n'était pas une nouveauté, mais que
leur importance et leur talent avaient été dissimulés par
la société patriarcale.
84Dallier, Aline, Art, féminisme,
post-féminisme : un parcours de critique d'art, entretien avec
Claudine Roméo, L'Harmattan, Paris, 2009, p.18
85Kay Turner, « Contemporary Feminist Rituals
», in Heresies :The Great Goddess issue, n°3, Sp. 1978,
p.24, repris dans l'article de Gloria Feman Orenstein, « Une vision
gynocentrique dans la literature et l'art féministe contemporains
», Etudes Littéraires, vol.17, n°1, 1984,
p.143-160
86 E. Gould Davis et Evelyn Reed sont de cette veine
radicalisante.
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C'est ce qu'entend dénoncer Mary Beth Edelson, qui
réalisa une série intitulée Great Goddesses en
1975 : « les symboles archétypaux ascendant au féminin se
déploient aujourd'hui dans le psyché de la femme moderne. Ils
englobent les formes multiples de la Grandes Déesse. Traversant les
siècles, nous prenons la main de nos soeurs ancestrales. La Grande
Déesse, bien vivante, se lève pour annoncer aux patriarches que
leurs 5000 ans de domination arrivent à leur fin. Alléluia !nous
voici87. »
Judy Chicago, qui a réalisé l'oeuvre très
controversée The Dinner Party, croyait en une culture
pré-patriarcale dominée par les femmes (figure 26). On retrouve
dans son travail la volonté de retracer une généalogie de
la création au féminin, en nommant et représentant
visuellement mille trente-huit femmes artistes. A cela s'ajoute une
volonté de faire référence aux techniques féminines
qui procèdent également de l'héritage, avec notamment les
chemins de tables brodés ou la peinture sur porcelaine. Les artistes des
années soixante-dix vont très souvent employer ces techniques
artisanales féminines pour les intégrer dans leur démarche
artistique, toujours dans cette recherche identitaire et cette volonté
de montrer un mode de transmission artistique différent des codes
institués par le marché de l'art phallocrate. Les artistes
utilisent les techniques comme la couture, le tricot, comme l'a
démontré Aline Dallier-Popper avec son travail sur l'art textile.
Certaines artistes vont utiliser des techniques féminines très
fortement connotées de l'univers domestique, mais en utilisant des
matériaux plus conventionnels au regard de la pratique artistique
dominante. Ainsi, Raymonde Arcier crochetait du laiton. Elle allia travail
féminin du crochet et matériau masculin pour fabriquer ses
gigantesques sculptures, comme une éponge à récurer
inutilisable de un mètre de diamètre au fil de fer au point
mousse.
87Archer, Michael, L'art depuis 1960, traduit
de l'anglais par Anne Michel, Thames & Hudson, Paris, 1997, p.118
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La représentation de la maternité dans la
création contemporaine: de la libération sexuelle à nos
jours
Figure 26: Judy Chicago, The Dinner Party,
1974-79, céramique porcelain et textile, 1463 x 1463 cm. Brooklyn
Museum.
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