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La maternité dans la création contemporaine, de la révolution sexuelle à nos jours


par Jennifer FEVRIER
UFR des Sciences Historiques, Université de Strasbourg - Master 2 Histoire de l'Art 2012
  

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III. Maternités divines

A. Désacralisation du symbole de la Vierge Marie

La plus représentée des mères est sans équivoque la Vierge Marie, dont l'iconographie fut florissante jusqu'au Concile de Trente. Le mot « maternité » est très fortement associé à la religion catholique puisque sa racine Maternitas, n'apparait que vers 1122 pour désigner la maternité de l'Eglise catholique. Ce terme de maternité ne désigne alors qu'une qualité ou une vertu et fait donc référence à une fonction purement spirituelle. Son application à la Vierge par la suite, à celle par qui s'incarnera le Fils, donnera une version plus charnelle de la maternité, c'est-à-dire au sens « de celle qui enfante », même si ce qui est développé par la religion sont les vertus maternelles comme la tendresse, la patience ou le dévouement. La vierge doit apparaitre comme le modèle à suivre par toutes les femmes.

La vocation spirituelle de la maternité de la Vierge apparait nettement à la lecture de la bible : de charnel, il n'y aura que le sein que Marie offrira à son fils. La spiritualité de cette maternité se trouve également dès le début car l'enfantement de Marie n'est pas le résultat d'un acte sexuel mais d'une relation divine.

Mais cette image de maternité sacralisée va être mise à mal par les artistes contemporains afin de rétablir une certaine vérité au sujet de la maternité, en ébranlant toutes les phases de maternité, de l'annonce à l'éducation, afin de replacer le Vierge dans la lignée d'Eve.

Master 2 Histoire de l'Art et Architecture Sous la direction de M. Valérie Da Costa

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1. Le Verbe : véritable incarnation

Le premier épisode biblique qui introduit la maternité de la Vierge est l'annonciation. C'est alors que l'ange Gabriel vient signifier à Marie qu'elle est choisie pour recevoir en elle le fils de Dieu. On remarque que le récit de cet événement qui figure dans le livre de Saint Luc64 est un dialogue pour l'essentiel. La parole va avoir un rôle décisif dans cet échange, car il amène l'acceptation de la Vierge pour cette mission divine. Grâce à l'acceptation de Marie sous forme de parole, elle transforme le projet divin en projet terrestre de maternité. En effet, à cet instant, le Verbe se fait chair. L'idée se réalise concrètement par le mot, la parole. Cependant, il faut y voir également l'incarnation au sens propre dans « faire chair ». En effet, Dieu va s'incarner en son fils Jésus, par le biais de Marie, pour révéler la bonne parole et la transmettre. La transmission se fera par la parole.

D'ailleurs le Verbe est le commencement du tout, comme l'indique Saint Jean : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu.65 » Le rôle de la Vierge et sa maternité ne put être effective sans sa parole d'acceptation et sans ce dialogue. Cette importance de la parole dans la révélation d'une maternité est expliquée par Françoise Dolto. Pour la pédo-psychanalyste66, ce qui donne tout d'abord une existence au foetus c'est sa révélation par le langage. L'exemple le plus probant et qui fait l'actualité depuis quelques années, c'est le déni de grossesse. En effet, se savoir enceinte ne donne pas d'existence au foetus, au contraire de le révéler à son entourage ou de partager la nouvelle avec son conjoint, ce qui rend la grossesse concrète par la parole.

64 LUC, 1, 26-38.

65 Jean, 1,1

66 Dolto, Françoise, Le Féminin, édition établie, annotée et présentée par Muriel Djéribi-Valentin et Elisabeth Kouki, collection Françoise Dolto, Gallimard, Paris, 1998

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A l'opposé, la chair fait le verbe dans la performance de Carolee Scheemann, Interior Scroll (figure 10). Totalement nue, debout sur une table, elle retire lentement de son vagin un long parchemin et lis ce qui est inscrit dessus67. Ici, le schisme est évident. D'une part, la Vierge, qui ne montrera de son intimité que son pudique sein nourricier, et l'artiste complètement nue. Mais également l'action : l'artiste est active, elle se meut et retire elle-même ce corps étranger de son sexe. Marie elle, est passive de son état, elle ne fait qu'accepter que tout se joue en elle. Son corps n'est que le réceptacle, parfaitement symbolisé par le vase.

Figure10: Carolee Scheemann, Interior Scroll, 1975, Performance, East Hampton,NY and at the
Telluride Film Festival, Colorado

La pensée phallocrate a souvent opposé spiritualité, donc pensée, et corps. Le spirituel était masculin, le charnel féminin. Par ce travail sur et par le corps, intégrant le langage avec « ce texte sortant de son vagin comme un cordon ombilical « crypté » 68 », Carolee Schneemann tend à démontrer que le corps est le langage. On peut rapprocher cette performance et les paroles de Julia Kristeva en réponses à des questions de Catherine Francblin, « l'expérience vraie du corps se désigne par le meurtre de la langue qui s'appelle texte, et ce texte est un corps refait.

67 Cezanne, She Was A Great Painter, 1976

68Phelan, Peggy, Art et féminisme, Phaidon, Paris, 2005, p.30

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Corps vrai et texte, c'est le Même d'une transsubstantiation69. ». Ici, l'artiste offre une renaissance du langage au sens du texte par l'expérience du corps.

2. Faire la lumière sur la parturition de la Vierge

L'iconographie mariale s'est rapidement développée jusqu'au Concile de Trente en 1563 où ses représentations reprenant les différents épisodes de sa vie furent restreintes. Auparavant, on pouvait trouver des Vierges parturientes (Virgo paritura) aux côtés des Vierge de tendresse, des Vierge à l'Enfant ou encore des Vierges allaitantes (Virgo Lactans). Malgré ces restrictions iconologiques, la grossesse de la Vierge était une des seules à pouvoir être représentée en art, avec celle d'Elisabeth70 lors de leur rencontre. Cela s'explique par le fait que ces grossesses n'étaient en rien charnelles, elles excluaient le péché de chair puisque de volonté divine. Plus tard dans les portraits d'apparat, les grossesses des modèles étaient suggérées par des vêtements amples à la taille, mais les différentes modes de l'époque laissaient planer le doute. Il s'agissait alors de révéler la future naissance par des signes renvoyant le plus souvent à l'iconographie de la maternité de la Vierge, comme un vase transparent ou un rayon de lumière traversant ce dernier ou se dirigeant imperceptiblement sur la jeune femme. Dans la Bible, la grossesse de la Vierge est passée sous silence, tout comme son accouchement. Il est seulement écrit « [É] le jour où elle devait accoucher arriva ; elle accoucha de son fils premier-né, l'emmaillota et le déposa dans une mangeoire [É]71. »

B.M Morineau parle ainsi de l'accouchement de la Vierge dans son ouvrage La Sainte Vierge72 : « A cause de la spiritualité pénétrante de sa chair virginale, l'Enfant Dieu naîtra sans briser la virginité maternelle. La foi de l'Eglise est ferme sur ce point et les Pères ont cherchés les plus riches formules pour exprimer cette naissance qu'ils ont comparée au rayon de lumière qui traverse le cristal sans lui porter atteinte. »

69 Julia Kristeva, « Femme/mère/pensée », Art press n5, mars 1977, p.6-8

70 Luc, 1, 5

71 Luc, 2, 6

72 Morineau, B.M, La Sainte Vierge, Bloud et Gay, Paris, 1929

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Si la fécondation de la Vierge a souvent été représentée également par un rayon lumineux se posant sur elle, la « traversant », et que le vase est un de ses emblèmes, les artistes des années soixante-dix se posent la question de l'accouchement de la Vierge dans une perspective plus charnelle que spirituelle, comme pour rétablir une certaine vérité. De plus, les femmes étaient invitées à prendre exemple sur la Vierge, notamment pour les vertus de tendresse et d'éducation que l'on développera plus loin. Cependant, en matière de maternité, en tant que processus allant de la fécondation jusqu'à l'accouchement, les femmes ne pouvaient prendre exemple sur la Vierge tant l'expérience de Marie était éloignée des maternités terrestres.

Michel Journiac reconsidère la naissance du Christ et la réinterprète dans son oeuvre La Vierge Mère. Il s'agit de dix clichés photographiques en couleurs. Sur le premier, on y voit l'artiste en Madone (figure11). Puis un rituel d'accouchement se produit, plus proche d'un accouchement terrestre que spirituel, à en considérer par la présence de sang, matière corporelle, qui y abonde. Tout de blanc vêtu, le fond de l'image et tous les accessoires étant blancs également, le sang surgit dans l'image comme l'élément de violence qui manquait à l'épisode de l'évangile selon saint Luc. Ce sang, c'est la douleur terrestre, la douleur d'enfantement, que Dieu inflige à la femme dès l'expulsion du jardin d'Eden « je ferai qu'enceinte, tu sois dans de grandes souffrances ; c'est péniblement que tu enfanteras des fils73. » La douleur conclue d'ailleurs cette série avec l'ensevelissement du corps, en référence au sacrifice du Christ. Sur le petit monticule de terre, Michel Journiac est en train d'y déposer un crucifix blanc.

73 Genèse 3, 16-17

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Figure 11 : Michel Journiac, La Vierge Mère. 1982-1983, Photos de l'action. Reliques.
Ensemble complet de 11 photos en couleurs (tirage argentique sur papier) de l'action "Le Vierge Mère"
créée en 1982 au Musée d'Art Moderne de Paris et une feuille en carton blanc avec texte de
présentation manuscrit au feutre noir au recto, La feuille de texte, 32x24 cm, est datée 1983 et signée
au feutre noir par M. Journiac. Texte de présentation manuscrit:
"Cette formulation unique de l'action: Le Vierge Mère en témoignage d'amitié, à tous ceux qui
collaborent avec passion, à l'édification de ce Centre National d'Art Contemporain à Nice. 31 Août
1983, Villa Arson, Nice. Michel Journiac".

Le doute sur l'absence de sexualité de la Vierge va être un point auquel les artistes vont s'attaquer. La photographie de 2006 de Vanessa Beecroft, Pregnant Madonna, ose le blasphème, en présentant une none noire, vêtue de blanc et se trouvant enceinte (figure 12). La dichotomie entre l'ébène de la peau de cette femme et l'immaculé de son vêtement renforce le sacrilège de mettre à jour une religieuse ayant explicitement fauté. Le caractère sexuel se révèle ici, et c'est une dimension de doute que l'on peut mettre en parallèle de l'histoire de la Vierge qui n'aurait pas connu d'homme et serait donc tombée enceinte par la volonté du Très Haut. L'artiste ici montre la faiblesse de la chair, qui succombe au plaisir malgré la spiritualité et met en doute la virginité de la Vierge Marie.

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Figure 12: Vanessa Beecroft, Pregnant Madonna, 2006, Rumbek, Soudan

Dans un registre beaucoup plus contemporain, l'artiste Soasig Chamaillard replace la Vierge dans le XXIe siècle avec son oeuvre Nouvelle Bible de 2008 appartenant à sa série Apparition (figure 13). Cette petite statuette représente une Vierge à un stade avancé de sa grossesse, lisant attentivement la « bible » des femmes enceintes et futures mères, J'attends un enfant de Laurence Pernoud. Ainsi, sur un ton quelque peu humoristique, elle affuble la Vierge de préoccupations maternelles terrestres, bien loin des inquiétudes de la mission rédemptrice de son fils à venir. Cependant, on peut voir explicitement le regard critique porté sur la femme enceinte -et la femme en général à travers ses autres travaux- dans la société actuelle par ce détournement.

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Figure 13: Soasig Chamaillard, Nouvelle bible, série Apparitions, 2008, plâtre résine et peinture, 40

cm

3. Si Marie était une mère comme les autres

Marie relève de la « mère idéale » pour ses vertus et son modèle d'éducation. L'exemple de la Vierge, c'est la maternité dévouée entièrement à son enfant, comme le dit P.R Bernard dans Le mystère de Marie, « il est très visible qu'à partir de l'annonciation Marie ne s'appartient plus du tout : elle appartient à son enfant 74 » et B.M Morineau de rajouter « il faudra qu'elle le nourrisse de son lait. Elle l'aidera heure par heure, avec ce dévouement que comprennent les mères75.» La vierge est cette mère idéale qui est présente, qui console, sourit, caresse, prend soin de l'enfant, et va aider ce dernier à aller vers sa voie, sans jamais se montrer possessive. C'est contre quoi les féministes vont se battre, ce modèle idéal silencieux de la femme-mère

74 Bernard, P. R, Le mystère de Marie : les origines et les grands actes de la maternité de grâce de la sainte Vierge, Desclée de Brouwer, Paris, 1933, p.173

75Morineau, B.M, La Sainte Vierge, Bloud et Gay, Paris, 1929, p.88

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totalement dévouée à son enfant jusqu'à s'oublier elle-même, jusqu'à ne plus être sujet indépendant, mais toujours référent : la mère de quelqu'un.

Le manque d'humanité dans ses valeurs chrétiennes sera très justement repris dans un tableau de Max Ernst, La Vierge corrigeant l'Enfant Jésus devant trois témoins, André Breton, Paul Eluard et le peintre, de 1926 (figure 14). Cette oeuvre montre la Vierge fessant le Christ, notamment après l'épisode du temple. Dans la Bible, il est rapporté que lorsque Jésus avait douze ans, il ne rentra pas avec ses parents à Jérusalem mais resta au temple, où il était venu avec eux pour la Pâques. Ses parents le cherchèrent partout, pour le trouver trois jours après au temple. Marie lui demanda seulement pourquoi il avait agi de la sorte, en lui faisant remarquer qu'ils s'étaient inquiétés pour lui. Plus humainement, les surréalistes pensent alors que cet enfant, moins âgé dans le tableau qu'au sein du récit, méritait une correction. Evidemment, la fessée a le sens le plus charnel des punitions, mais c'est aussi la transcription d'un sentiment humain : la fessée est davantage un soulagement pour les parents, sorte de défouloir après une frayeur effectuée par l'enfant.

Figure 14: Max Ernst, La vierge corrigeant l'Enfant Jésus devant trois témoins : André
Breton, Paul Eluard et le peintre,
1926, Huile sur toile, 196 x 130 cm, Museum Ludwig,

Cologne.

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Bernadette Genée met en parallèle également les vertus maternelles et le sacré dans sa série de Sainte Bernadette. Elle fait notamment des lingeries sentimentales, comme le Coeur reliquaire de 1981, où l'on voit une Vierge occupant le centre d'un autel, entourée de trois nourrissons en langes. La Vierge est habillée de dessous affriolant et d'un chapelet. Le blasphème est sans appel : par les dessous, la connotation sexuelle de la Vierge est équivoque, surtout rehaussé d'un chapelet, objet pieux par excellence. Le caractère maternel de la Vierge est appuyé par ces bébés, au nombre de trois, ce qui renvoie à la Trinité. Cette duplicité du nombre d'enfants de la Vierge fait également référence aux maternités mortelles non uniques et aux préceptes catholiques d'accueillir autant d'enfants que Dieu voudra leur donner. Il y a donc une mise en doute de la chasteté de la Vierge sur toute la durée de sa vie, et l'idée de se dire que si elle était LE modèle maternel, pourquoi n'en a-t-elle eu qu'un ?

4. Redonner corps à l'Immaculée Conception

Plus récemment, les artistes contemporains traitent le rapport à la Vierge et sa maternité en parallèle de la science. En effet, pour beaucoup, la science est ce qui a remplacé la religion. Auparavant, les avancées scientifiques se faisaient en regard de la religion, il fallait une certaine adéquation entre les deux. L'Eglise a du s'adapter aux découvertes sur la conception pour que cela aille dans le sens du dogme. Et il faut également penser que les scientifiques de l'époque sont croyants, ainsi les théoriciens sont influencés par leur idéologie. Par exemple, lors du débat entre la théorie de l'épigénèse, qui pense que toutes les parties sont présentes dans la semence mais se développent progressivement, et la théorie du germe, qui voyait des petits hommes déjà formés, le dogme a rejoint la théorie des germes qui s'adaptait au discours disant que Eve aurait eu dans son sein tous les oeufs, donc toute sa descendance, s'emboitant à l'infini. De nos jours, la science et la religion sont diamétralement opposées, surtout lorsqu'entrent en jeu les questions de l'éthique, mais ce sera le sujet d'un autre point.

L'opacité appliquée à la Vierge, et notamment au traitement de son corps si lourdement vêtu, a amené les artistes contemporains à appuyer encore plus leurs démarches sur la corporéité de la Vierge, quitte à la désincarner, afin de dévoiler le corps du Mystère.

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Par exemple, Damien Hirst nous donne à voir, en deux lieux différents -la Royal Academy of Arts de Londres et la place Lever House à New-York- une Vierge de plusieurs mètres de haut. Cette Virgin Mother nue, empruntant les traits à la petite danseuse de Degas, est représentée écorchée sur presque la moitié de son corps (figure 15). L'Incarnation porte ici tout son sens, c'est-à-dire dans la chair. Cependant, cette géante se révèle très, voir trop humaine, avec sa main posée sur son ventre dans un élan de bienveillance universelle. Le « fruit de [ses] entrailles » s'offre à la vue de tous quand des siècles de créations artistiques ont simplement symbolisé cette incarnation. Mais cette incarnation est aussi poussée à son paroxysme, devenant alors désincarnation. Le corps symbole laisse place au corps presque anonyme d'une femme enceinte, à rapprocher de la célèbre La femme écorchée enceinte avec foetus tirée de l'Anatomie des parties de la génération de l'homme et de la femme de Jacques Fabien Gautier d'Agoty en 1773 (figure 16). Ce décharnement partiel tend presque à l'idée d'un cadavre d'autopsie.

Figure 15: Damien Hirst, Virgin Mother, 1994, Plaza of Lever House, New-York

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Figure 16: Jacques Fabien Gautier d'Agoty, La femme écorchée enceinte avec foetus, tirée de
l'Anatomie des parties de la génération de l'homme et de la femme, 1773

Kiki Smith portera un regard quelque peu semblable avec sa sculpture Virgin Mary (figure 17). Le corps dans cette oeuvre est totalement écorché, anonyme. En 1992, Virgin Mary présente un corps de femme écorchée de 1mètre 80 en cire. Elle se tient les pieds joints, bras ouverts et paumes dirigées vers le ciel en posture d'orante. Le titre renvoie évidemment à l'iconographie religieuse de celle par qui Dieu s'est fait chair. Elle met en rapport la religion et la science en dirigeant son travail vers un intérêt « à l'intégrité du corps humain et au fait que différentes factions, de la religion à la loi à l'implantation de la médecine, rivalisent pour son contrôle76

76Solomon, Deborah, « Body and Soul », Bazaar, novembre 1992, p.193, cité dans Désordres : Nan Goldin, Mike Kelley, Kiki Smith, Jana Sterbak, Tunga, exposition Paris, Galerie nationale du Jeu de Paume, 12 septembre - 8 novembre 1992, Editions du jeu de Paume : réunion des musées nationaux, Paris, 1992, p.98

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Pour Kiki Smith, la science comme la religion tendent à s'approprier le corps et à l'annihiler. Pour elle, la science serait un remplaçant de la religion, dans le sens qu'elle s'immisce dans chaque parcelle de la vie et qu'elle vise à prendre le contrôle du corps. Mais remplaçant aussi dans le sens que, malgré les doutes et les interrogations qu'elle fait naître, l'Homme a besoin de chimères auxquelles croire. Mais ces deux notions se retrouvent sur un autre point, l'anonymat. La religion ne voyait dans les dévots que des âmes, la science ne voit que des cas cliniques. Il y a la même négation du corps et de l'altérité.

Figure 17: Kiki Smith, Virgin Mary, 1992, bois et cire, 171 x 63 x 36 cm,
Courtesy PaceWildenstein, New York

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon