C. L'après 2nde Guerre Mondiale : la
deuxième vague du féminisme
1. La libre disposition de son corps
Après la seconde guerre mondiale, les femmes avaient
acquis une certaine clairvoyance par rapport à la différence
entre les hommes et les femmes. Elles avaient remplacé les hommes dans
de nombreux domaines lorsque ces derniers se trouvaient au front, et se sont
même illustrées dans les rangs de la résistance. Cette
guerre n'arrêta en rien le développement des idées
d'égalitarisme, mais il fallut attendre les années 1960 pour que
ces principes aient publicité. Entre temps, le baby-boom fit retourner
les femmes dans leurs maisons. La politique nataliste des années
d'avant-guerre était toujours tenace, la propagande anti-nataliste avait
été interdite, la loi anti-avortement avait continué
à être sévèrement appliquée, comme le cas de
Marie-Louise Giraud10 qui fut guillotinée en 1943 pour avoir
pratiqué des avortements.
En 1949, un pavé est jeté dans la mare avec
l'ouvrage de Simone De Beauvoir, Le Deuxième Sexe. En effet,
l'auteur revient longuement sur la maternité comme principe même
de la domination masculine. Pour elle, l'émancipation des femmes ne peut
se faire sans le refus de la maternité.
9 Op.Cit, p.393
10 Une affaire de femme, film de Claude
Chabrol, MK2 Diffusion, 21 septembre 1988
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La représentation de la maternité dans la
création contemporaine: de la libération sexuelle à nos
jours
C'est par la revendication du droit à avoir des
enfants, et non plus selon le hasard de la nature, que va se mettre en place la
révolution sexuelle des années soixante. Ces revendications
allaient dans le prolongement des demandes des feministes maternalistes,
puisqu'il s'agissait d'avoir droit à la dignité en étant
mère, et de ne plus vivre cette expérience au même titre
que des animaux au gré des cycles. La lutte pour avoir le choix d'avoir
des enfants va émerger de la lutte pour l'avortement. Car même si
la loi de 1920, qui sera renforcée sous le gouvernement du
maréchal Pétain en devenant un crime contre la
sûreté de l'État, l'avortement était une pratique
répandue, et cela dans toutes les couches sociales. Les conditions dans
lesquelles étaient réalisées ses interruptions de
grossesses étaient archaïques, s'apparentant à du «
bricolage11 », et beaucoup de femmes mourraient des suites d'un
avortement. Aux avortements s'ajoutent également une détresse des
familles de plus en plus grande, et qui est évoquée par le
docteur Lagroua Weill-Hallé12. C'est l'infanticide faute de
soins.
Par ce double constat, Marie-Andrée Lagroua
Weill-Hallé créa, le 8 mars 1956, l'association Maternité
Heureuse dans la quasi-clandestinité, mais aidée par Evelyne
Sullerot. Le mouvement devait s'appeler Maternité Volontaire, ce que Mme
Lagroua Weill-Hallé trouva trop révolutionnaire voire même
trop provocateur, surtout que la loi de 1920 était
réaffirmée par le décret du 11 mai 1955.
« Maternité Heureuse » : accolés, ces
deux mots supposaient que la maternité n'était pas toujours
heureuse, contrairement aux idées reçues ou
véhiculées. C'était alors déjà revendiquer
implicitement le droit à accéder à une maternité
heureuse, avec l'idée de la choisir. L'idée de cette association
ne vint pas spontanément à cette jeune gynécologue.
Pendant son internat, elle fut scandalisée du sort réservé
aux femmes qui s'étaient provoqué des avortements. Elles
recevaient comme punition des curetages à vif. Les médecins les
insultaient pendant les soins pour « leur passer l'envie de
recommencer13. » En 1947, elle fit un voyage aux Etats-Unis
pendant lequel elle rencontra Margaret Sanger et visita les cliniques de
birth-control14. A son
11 Selon les propos d'Anna'r
12 Dans une communication faite le 5 mars 1955
devant les membres de l'Académie des sciences morales et politiques,
parlant d'un procés d'assises ayant condamné un couple attendant
leur cinquième enfant et ayant laissé mourir leur
quatrième enfant faute de soins.
13Gauthier Xavière, Paroles
d'avortées : quand l'avortement était clandestin,
préface de Gilles Perrault, La Martinière, Paris, 2004, p.26
14 Qui avaient ouvert depuis 1916 aux Etats-Unis
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création contemporaine: de la libération sexuelle à nos
jours
retour, elle entama son combat afin de faire avancer la cause
des femmes. A partir de ce moment, ce qui était une affaire
privée, la maternité, devint une affaire publique.
Alors que dans les pays du nord de l'Europe, le «
birth-control » est d'actualité avant la guerre, comme en
Suède où l'avortement est légalisé, le birth
control ainsi que l'éducation sexuelle largement diffusés, il
faudra attendre la fin des années cinquante pour que s'éveille
une prise de conscience en France. Au Danemark, c'est en 1878 que le premier
dispensaire fut ouvert et où des sages-femmes enseignaient l'usage des
contraceptifs. A New-York, Margaret Sanger fonda la National Birth Control
League en 1915. En Angleterre, il fallut attendre 1921.
En parallèle de l'apparition de l'association
Maternité Heureuse, Jacques Derogy fit paraitre Des enfants
malgrè nous en 1956 dans lequel il reprend les
éléments de l'enquête qu'il entreprit en tant que
journaliste. Dans cet ouvrage, il dénonçait avec d'horrifiantes
précisions les avortements clandestins, comme un fléau silencieux
touchant toute la population.
La France, par sa forte empreinte catholique et sa loi de
1920, sera en retard dans les programmes de planification des naissances.
Après la seconde guerre mondiale, les hommes politiques appliquent
encore la politique nataliste du général Pétain.
Celui-même qui avait instauré la « fête des
mères » pour valoriser la destinée procréatrice de la
femme.
2. Histoire de la contraception
Au début du XXe siècle, après
les différentes guerres et les poussées démographiques qui
les suivent, les craintes énoncées par Thomas
Malthus15 en 1798 se font plus fortes, notamment concernant le
développement économique et la peur du chômage. Seulement,
le néo-malthusianisme qui se développe ne prône nullement
le mariage tardif ou la chasteté, mais de nouveaux principes tels que
l'épanouissement des femmes, la réduction des avortements
dangereux et l'épanouissement des couples. Il y a donc l'apparition
d'une volonté d'une
15 Thomas Malthus, An Essay on the Principle of
Population (Essai sur le principe de population), 1798,
préconisait le mariage tardif ou l'abstinence afin de réduire
l'excédent de population et la surpopulation qui entrainerait la perte
des pays
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La représentation de la maternité dans la
création contemporaine: de la libération sexuelle à nos
jours
sexualité épanouie et non d'une sexualité
reproductive. Certains politiciens se rattachent ainsi aux idées de
l'économiste britannique Thomas Malthus.
Le néo-malthusianisme qui se développe alors
rejoint les revendications de certains théoriciens anarchistes comme
Paul Robin16 ou le journaliste Octave Mirbeau. Il ne faut pas
produire de la chair à canon pour les différentes guerres ou
encore de la main d'oeuvre peu chère en abondance exploitée par
les patrons ni même de la « chair à plaisir » qui
alimente la prostitution. Ils demandent alors « la grève des
ventres ». Dans cette lutte, on peut nommer une femme, Jeanne Humbert, qui
militera pour la contraception et l'avortement en créant
Génération Consciente avec son mari. Ces revendications seront
freinées par la loi de 1920 réprimant la complicité et la
provocation à l'avortement ainsi que toute propagande
anticonceptionnelle, et assimile entre autre l'avortement à la
contraception.
La commercialisation de la pilule contraceptive datant des
années 1960, les recherches pour parvenir à un contrôle
hormonal de la reproduction datent elles, du début du XXe
siècle. C'est tout d'abord en Allemagne, dans les années vingt
que naissent les premiers essais, mais c'est aux Etats-Unis que la pilule fut
mise au point. En effet, Grégory Pincus, biochimiste à la
Worcester Foundation, travaillait à l'époque sur la
fécondation des mammifères. Il fut quelque peu poussé par
deux femmes, Elisabeth McCormick ainsi que Margaret Sanger, présidente
de l'international Planned Parenhood Foundation, qui lui octroient cinquante
milles dollars pour ses recherches. C'est en 1955 qu'il reussira à
synthétiser la progesterone, dont on connaissait le pouvoir inhibiteur
d'implantation des oeufs dans l'utérus. Il faudra attendre
l'année 1960 pour que la Food and Drug Administration autorise
officiellement l'utilisation de ce « contraceptif », avec cependant
une restriction : ne pas l'utiliser pendant une période
supérieure à deux ans, en raison des zones d'ombres sur les
possibles effets secondaires (stérilité, cancer...).
Par ailleurs, une polémique enfla par la suite sur la
manière dont cette première pilule fut testée. Ce sont des
femmes portoricaines qui ont constitué le panel de cette étude,
une population pauvre dont on voulait, pense-t-on, limiter les naissances.
16 Pédagogue français, il Fonda la Ligue
française pour la régénération humaine
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création contemporaine: de la libération sexuelle à nos
jours
La pilule fait son apparition en Europe très
discrètement en 1961. Elle ne sera autorisée en France
qu'à partir de 1967 avec la loi Neuwirth, mais avec parcimonie et
seulement aux femmes mariées ayant déjà eu des enfants et
ayant des problèmes menstruels.
Cependant, en parallèle de la pilule, la Mouvement
Français pour le Planning Familial informe également sur la
possibilité de l'usage du diaphragme et du stérilet notamment.
3. Maternité : affaire privée, affaire
publique.
Les médias ont joué un rôle
considérable dans l'exposition de ce problème de la
maternité. C'est surtout la presse de gauche qui accordera une grande
importance à la sensibilisation au contrôle des naissances dans
ses pages. Libération, par exemple, publia l'enquête de Jacques
Derogy mais on peut citer l'Express également. C'est d'ailleurs un
journal, le Nouvel Observateur, qui publiera dans ses colonnes le
célèbre Manifeste des 343 le 5 avril 1971. Il s'agissait, par
l'intermédiaire des médias, de faciliter le passage de ces divers
questionnements sur la condition féminine de la sphère
privée à la sphère publique. Le but étant de les
faire accéder aux sphères sociales qui amèneront le
féminisme. Et il ne s'agissait pas de se cantonner au milieu bourgeois
des grandes villes, mais bien de sensibiliser toute la population, sur tout le
territoire. En témoignent les Etats généraux de la femme
qui ont eu lieu les 20, 21 et 22 novembre 1970 dans dix-neuf villes de
provinces et organisés par le magazine Elle. La presse traduira
également la position des hommes politiques lorsque le thème du
contrôle des naissances s'invita au sein de la campagne
présidentielle de 1965. C'est le cas par exemple de l'interview de
François Mitterrand par Colette Audry le 25 novembre 1965 dans les
colonnes du journal Le Combat Républicain. Entretien au cours duquel le
candidat s'exprima en faveur de l'émancipation des femmes sous ces mots
« la femme a le droit de disposer des moyens modernes qui permettent de
n'avoir des enfants que lorsqu'elle le désire. »
Le but était de faire prendre conscience aux politiques
mais aussi à toute la population de ce mal qui rongeait les femmes. Il
fallait parler de ces femmes qui mourraient, de celles qui ne voulaient pas
d'enfants et la radio ne fut pas en reste. L'émission de Ménie
Grégoire sur RTL dès 1967 eut un franc succès. Les
auditeurs étaient invités à s'exprimer sur leur vie,
à exposer leur intimité. Par là, les femmes ont pu
découvrir que leur souffrance était loin d'être
singulière
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La représentation de la maternité dans la
création contemporaine: de la libération sexuelle à nos
jours
et se trouvait partagée par la plupart des femmes.
Forte de son succès, l'émission de Ménie Grégoire
ne s'acheva qu'en 1981. C'est par le biais de la radio que Françoise
Dolto répondait aux questionnements des parents, souvent en
désarrois, dans son émission Lorsque l'enfant parait sur
France Inter entre 1977 et 1978 quotidiennement.
4. Les opposants
La France, malgré la séparation de l'Eglise et
de l'Etat, est dominée par des valeurs et principes catholiques qui
influencent implicitement la politique. Il n'est pas étonnant que les
premiers à s'ériger contre la libéralisation de la
contraception et la légalisation de l'avortement soit l'Eglise
Catholique elle-même. Le problème se situe antérieurement
aux années 1960. Comme le montre l'encyclique Casti Connubii de Pie II
datant de 1930, on y rappelle que « même avec la femme
légitime, l'acte conjugal devient illicite et honteux dès que la
conception de l'enfant y est évitée17. » Pour
l'Eglise, l'accouplement ne doit avoir de but final que de procréer,
excluant ainsi toutes notions de plaisirs. Cette encyclique sera
renforcée en 1968 par l'encyclique Humanae Vitae de Paul VI qui condamne
« toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans
son déroulement, soit dans le développement de ses
conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de
rendre impossible la procréation18. » Dans une
même phrase, le pape condamne la contraception du type pilule, car il
suppose une prévision de l'acte sexuel, mais également le
diaphragme et le stérilet. Il condamne également la
méthode du « coït interrompu » pendant le rapport sexuel,
mais enfin, et implicitement, condamne également les différentes
méthodes employées par les femmes après un rapport afin de
réduire les « chances » de fécondation, comme la douche
vaginale au savon, voire au vinaigre. Contraception et avortement
étaient alors indifférenciés. La seule méthode que
l'Eglise admettait était la méthode dite Ogino. Cette
méthode repose sur l'observation du cycle féminin, avec notamment
la prise de température le matin au réveil avant de faire le
moindre effort.
17Casti connubii, lettre encyclique du
souverain pontife pie xi sur le mariage chrétien considéré
au point de vue de la condition présente, des nécessités,
des erreurs et des vices de la famille et de la société, Rome, le
31 décembre de l'année 1930
18Humanae vitae, lettre encyclique de sa
sainteté le pape paul vi sur le mariage et la régulation des
naissances, Rome, le 25 juillet 1968
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La représentation de la maternité dans la
création contemporaine: de la libération sexuelle à nos
jours
Lorsqu'un changement s'effectuait, la méthode
Ogino19 préconisait de s'abstenir de rapports sexuels.
En face, l'Eglise réformée, elle, était
pour la libre contraception et le libre choix d'avoir des enfants, mais
n'approuvait pas l'interruption de grossesse.
Aux raisons idéologiques (accouplement égal
accueil de la vie, avortement perçu comme des assassinats...)
s'ajoutèrent les raisons politiques. Les politiciens étaient
désireux de continuer une politique nataliste, à l'image du
général De Gaulle qui rêvait d'une France de « cent
millions de français ». La plupart des politiciens, se cachant
derrière des conceptions pseudo-humanistes et religieuses, voire
ouvertement natalistes pour la grandeur de la Nation comme l'évoqua
Michèle Debré à la séance de l'Assemblée
Nationale le 12 juillet 1963, cachaient pour certains des raisons bien moins
avouables. Selon Les Chimères20, il s'agissait,
au-delà d'avoir de la chair à canon, de raisons
démographiques à caractères racistes. Il fallait conserver
la supériorité du peuple blanc face au surnombre des peuples
africains et arabes. C'est pour cela que les moyens contraceptifs
étaient autorisés en territoires d'outre-mer.21
Le Parti Communiste fut un des partis politique les plus
antagonistes de prime abord. En effet, pour ce dernier, plus nombreux seraient
les ouvriers et plus facile serait le combat contre le prolétariat.
L'opposition au contrôle des naissances fut exprimé dans une
lettre envoyée à l'intention de Jacques Dérogy le
1er mai 1956, en réponse au livre de ce dernier, et qui
s'exprimait en ces termes « les communistes condamnent les conceptions
réactionnaires de ceux qui préconisent la limitation des
naissances et cherchent ainsi à détourner les travailleurs de
leur bataille pour le pain et le socialisme. » Cependant, le Parti
atténuera ses positions en demandant l'abrogation de la loi de 1920 dans
une proposition de loi du 25 mai 1956 ainsi que l'amnistie des femmes ayant
été condamnées pour avoir pratiqué des avortements,
et sera finalement favorable à l'avortement thérapeutique.
19 Gynécologue japonais du XXe
siècle, il est parti du principe qu'une femme ovulait une fois par cycle
menstruel. En prenant en compte que la période ovulatoire s'étend
du 12e au 16e jour après le début des
règles, mais aussi qu'un ovocyte avait une durée de vie de une
journée après l'ovulation, et que les spermatozoïdes
survivent jusqu'à quatre jours après l'éjaculation, il
préconisait de s'abstenir de rapports sexuels entre le 8e et
le 17e jour après le début des règles.
20 Groupement de féministes
21 Les Chimères, Maternité
esclave, Union générale d'éditions, Paris, 1975,
p.75
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La représentation de la maternité dans la
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jours
Enfin, l'Ordre des médecins s'y opposera fermement
dès le début des débats, en avançant des arguments
d'inspirations catholiques, et en brandissant le principe de déontologie
de leur profession. Malgré tout, des médecins étaient
favorables à l'avortement, car en mai 1971, deux cent cinquante deux
d'entres-eux publièrent une déclaration de principe en faveur de
l'avortement.
5. Une lutte de femmes pour les femmes
Devant le succès du planning familial mis en place par
Marie-Andrée Lagroua ainsi qu'aux vues de la sensibilisation
grandissante de l'opinion publique, le gouvernement commanda plusieurs
commissions sur le sujet du contrôle des naissances et de la
contraception. Mais en 1972, arriva ce qui restera connu sous le nom de «
l'affaire de Bobigny » et qui fera accélérer le
débat. Ce procès, qui visait une jeune fille de seize ans ayant
avorté après avoir été violée, ainsi que sa
mère et trois autres femmes l'ayant aidé, a défrayé
la chronique et enflammé le débat en France. L'avocate
Gisèle Halimi, qui avait fondé en 1971 l'association
féministe Choisir la cause des femmes, défendit avec vigueur les
accusées. Elle mit en cause, non pas les femmes obligées
d'avorter, mais une loi injuste et inhumaine, aux vues des conditions dans
lesquelles sont réalisées les interruptions de grossesse. Ces
dernières plaçant les femmes dans la clandestinité et la
honte. L'aboutissement de ce procès politique retentissant fut la
promulgation de la loi Veil en janvier 1975. Nouvellement ministre de la
santé, Simone Veil défendra pendant trois jours et deux nuits,
sous des nuées d'injures la loi sur l'interruption volontaire de
grossesse : « Parce que si des médecins, si des personnels sociaux,
si même un certain nombre de citoyens participent à ces actions
illégales, c'est bien qu'ils s'y sentent contraints ; en opposition
parfois avec leurs convictions personnelles, ils se trouvent confrontés
à des situations de fait qu'ils ne peuvent méconnaître.
Parce qu'en face d'une femme décidée à interrompre sa
grossesse, ils savent qu'en refusant leur conseil et leur soutien ils la
rejettent dans la solitude et l'angoisse d'un acte perpétré dans
les pires conditions, qui risque de la laisser mutilée à jamais.
Ils savent que la même femme, si elle a de l'argent, si elle sait
s'informer, se rendra dans un pays voisin ou même en France dans
certaines cliniques et pourra, sans encourir aucun risque ni aucune
pénalité, mettre fin à sa grossesse. Et ces femmes, ce ne
sont pas nécessairement les plus immorales ou les plus inconscientes.
Elles sont 300 000 chaque année.
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La représentation de la maternité dans la
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jours
Ce sont celles que nous côtoyons chaque jour et dont
nous ignorons la plupart du temps la détresse et les drames. C'est
à ce désordre qu'il faut mettre fin. C'est cette injustice qu'il
convient de faire cesser. » Au matin du 29 novembre 1974, la loi est
votée, elle sera ensuite promulguée le 17 janvier 1975, marquant
ainsi la plus grande avancée pour l'émancipation et la
dignité des femmes.
Grâce à deux lois, la loi Newirth ainsi que la
loi Veil, le destin maternel revient désormais aux mains des femmes. La
dissociation entre maternité et féminité a entrainé
l'individuation des femmes et a montré le chemin vers leur autonomie.
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