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L' apport de l'arbitrage à  la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA


par BIKOI Jacques delor
Université de Yaoundé 2 - Master professionnel en Droit privé/option Droit, pratiques juridiques et judiciaires  2016
  

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Paragraphe 1 : Les difficultés liées à la reconnaissance des sentences

Par reconnaissance de la sentence arbitrale, il faut entendre l'admission à la suite ou non d'une procédure, des effets de celle-ci dans un État384. Considéré comme étant une justice autonome, l'arbitrage n'est pas rattaché à l'ordre judiciaire des États. Il s'agit d'une justice privée qui ne se réalise que parce que les parties l'ont voulu et dont les sentences qui tranchent les différends sont semblables aux décisions de justice étrangères. Par conséquent, elles ne peuvent être exécutées qu'en vertu d'une décision d'exequatur rendue par le juge étatique.

Dans l'espace OHADA, l'exequatur est rendu soit par le juge étatique385, soit par le juge communautaire386 selon qu'on soit dans un arbitrage classique où spécifique CCJA. Dans ce dernier cas, la reconnaissance est systématique, la formule exécutoire devant tout simplement être apposée sur la sentence après présentation de la copie certifiée conforme à l'original de la sentence exequaturée à l'autorité national compétente387. Malheureusement, les choses ne se déroulent pas toujours comme le veut la loi dans la mesure où, dans certains cas,

384 Pour une définition similaire V. G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., p.772.

385Article 30 NAUA : « La sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une décision d'exequatur rendue par la juridiction compétente dans l'État Partie ».

386 Article 30.1 NRA/ CCJA : « La sentence est susceptible d'exequatur dès son prononcé. L'exequatur est demandé par une requête adressée au Président de la Cour, avec copie au Secrétaire Général. Ce dernier transmet immédiatement à la Cour les documents permettant d'établir l'existence de la sentence arbitrale et de la convention d'arbitrage ».

30.2 « L'exequatur est accordé, dans les quinze (15) jours du dépôt de la requête, par une ordonnance du Président de la Cour ou du juge délégué à cet effet et confère à la sentence un caractère exécutoire dans les Etats Parties. Cette procédure n'est pas contradictoire ».

387Article 31.1 NRA/ CCJA : « Le Secrétaire Général délivre à la partie qui lui en fait la demande, une copie de la sentence certifiée conforme à l'original déposé conformément à l'article 28 du présent Règlement, sur laquelle figure une attestation d'exequatur. Cette attestation mentionne que l'exequatur a été accordé à la sentence, selon le cas, soit par une ordonnance du Président de la Cour régulièrement notifiée, soit par un arrêt de la Cour rejetant un recours en annulation, soit par un arrêt de la Cour infirmant un refus d'exequatur ».

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 107

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des difficultés se présentent et font obstruction à la reconnaissance de la sentence arbitrale. Ces difficultés sont parfois relatives aux parties elles-mêmes (A), parfois aux autorités étatiques (B).

A. Les difficultés relatives aux parties

Une fois la sentence arbitrale rendue, la logique est que suive sa reconnaissance et son exécution. Tel n'est pas toujours le cas, la pratique révélant que cette phase ultime est souvent entravée par la partie perdante parfois de mauvaise foi, qui multiplie les recours dilatoires en vue de gagner du temps, pour tenter de négocier un accord transactionnel avec la partie gagnante. Cette pratique est monnaie courante dans les entreprises, qui cherchent toujours à retarder autant que faire se peut l'exécution des décisions de justice ou de minorer les créances qui en découlent. La restriction des voies de recours opérée par le législateur africain ne suffit pas à faciliter l'exécution des sentences arbitrales dans l'OHADA, car l'examen du contentieux arbitral témoigne bien souvent des effets dilatoires des voies de recours autorisées qui sont d'ailleurs dotées d'un effet suspensif. Il en est de même pour l'exécution provisoire qui n'est qu'une possibilité et qui même si elle est accordée peut faire l'objet d'une défense à exécution, c'est pourquoi un auteur388suggérait que soit supprimé l'effet suspensif afin d'assurer l'exécution rapide des sentences. Toutefois, de manière exceptionnelle, ce dernier pense que le juge chargé du contentieux de l'exécution des sentences arbitrales ou l'arbitre devrait avoir la possibilité d'apprécier l'opportunité de suspendre ou d'aménager l'exécution de la sentence. Ainsi, il pourra suspendre l'exécution de la sentence tout en ordonnant des mesures provisoires ou conservatoires en vue d'éviter toute éventuelle fraude du débiteur de l'exécution et donc de protéger l'objet du litige. Il suggère également que soit instituée la possibilité d'exiger du débiteur de l'exécution une caution bancaire en vue de garantir l'exécution de la sentence en cas d'échec du recours. Enfin il propose la médiation ou la conciliation post-arbitrale, le tout dans le but de concilier la suppression de l'effet suspensif aux droits de la défense389.

À notre avis, bien qu'il soit juste de protéger toutes les parties dans un contentieux arbitral, il n'est pas nécessaire de supprimer l'effet suspensif des voies de recours dans la mesure où, cela pourrait entraîner des conséquences désastreuses sur la partie condamnée. Nous pensons que la solution se trouverait dans un meilleur encadrement de l'exercice des

388 Ab. DIALLO, op.cit., p.198.

389 Ibid.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 108

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voies de recours. C'est pourquoi nous suggérons au législateur africain de faire de la présentation d'une caution bancaire une condition de recevabilité du recours en annulation de la sentence arbitrale. S'agissant du recours en révision et de la tierce opposition, nous pensons que l'effet suspensif devrait être accompagné des mesures provisoires ou conservatoires. De telles mesures si elles sont consacrées auront le mérite non seulement de dissuader toute partie désirant verser dans les recours dilatoires, mais aussi et surtout d'assurer la conservation de l'objet du litige.

En tout état de cause, on peut retenir que parfois, les parties sont responsables des difficultés d'exécution des sentences arbitrales. Ce qui ne permet pas au système d'arbitrage OHADA de contribuer suffisamment à la sécurité judiciaire des activités économiques dans l'espace communautaire. Cependant, les difficultés décriées ne sont pas l'apanage des parties, les autorités étatiques ayant souvent leur part de responsabilité dans l'inexécution des sentences.

B. Les difficultés relatives aux autorités étatiques

Plusieurs soupçons, à tort ou à raison, sont jetés sur les autorités étatiques comme pouvant être responsables d'éventuels des blocages susceptibles de se présenter lors de la phase de la reconnaissance des sentences, et plus précisément celles émanant de la CCJA.

En effet, l'une des spécificités de l'arbitrage CCJA réside dans le fait que l'exéquatur des sentences y découlant est rendu par la Cour. Toutefois, l'exéquatur communautaire ne fait pas obstruction à la formule exécutoire qui reste de la compétence des États parties. Ces derniers devant designer chacun l'autorité compétente chargée d'accomplir cette formalité postérieurement à la simple vérification de l'authenticité du titre exécutoire390. Cette « domestication » de la formule exécutoire a donné lieu à une controverse doctrinale. Ainsi selon le Professeur Jean-Marie TCHAKOUA, la domestication de la formule exécutoire au profit de chaque État partie n'est non seulement pas justifiée mais également constitue une véritable entrave à l'efficacité des sentences issues des arbitrages CCJA dans la mesure où, si l'autorité chargée de l'apposer exerce la fonction de juge, il pourrait alors arriver que sous le

390 Cf. article 46 du règlement de procédure CCJA qui prévoit : « La formule exécutoire est apposée, sans autre contrôle que celui de la vérification de l'authenticité du titre, par l'autorité nationale que le Gouvernement de chacun des Etats Parties désignera à cet effet et dont il donnera connaissance à la Cour ». V. aussi l'article 31.2 du règlement d'arbitrage de la Cour communautaire qui stipule qu'« Au vu de la copie conforme de la sentence revêtue de l'attestation du Secrétaire Général de la Cour, l'autorité nationale désignée par l'État Partie pour lequel l'exequatur a été demandé, appose la formule exécutoire telle qu'elle est en vigueur dans ledit État ».

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 109

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couvert de la souveraineté de l'État dont il se dit être le défenseur naturel, elle prête attention à la nationalité de la partie condamnée. Ce qui pourrait l'amener à procéder au contrôle de la sentence et même à refuser l'exequatur si cette dernière était un État. Pour cet auteur, l'idéal serait l'adoption d'une formule exécutoire communautaire rendue non pas au nom du peuple d'un État membre, mais au nom de tous les peuples des États parties391. Solution qui n'est pas du tout partagée par Marie-Andrée NGWE car selon elle, la formule exécutoire n'est qu'un instrumentum permettant aux huissiers de procéder à son exécution, par conséquent il parait difficile de là communautariser étant entendu qu'elle relève de l'ordre judiciaire des pays392.

Nous pensons que les inquiétudes relatives à la domestication de la formule exécutoire sont fondées dans la mesure où, une telle domestication peut être source d'insécurité judiciaire découlant de l'inefficacité des sentences arbitrales au cas où, l'autorité chargée de l'apposer serait un juge393. En revanche, nous ne sommes pas favorables à l'idée d'une communautarisation, non pas en raison du fait que la formule exécutoire relève de l'ordre judiciaire étatique394 comme le pense Madame NGWE, mais plutôt parce qu'il serait à notre sens injuste de renforcer la supériorité de l'arbitrage CCJA vis-à-vis de l'arbitrage ad hoc. Supériorité déjà existante du fait de l'exéquatur communautaire. Nous suggérons donc que soit désigné comme autorité compétente au niveau communautaire le greffier en chef de la Cour suprême ou de la juridiction équivalente de l'État partie où la formule est demandée.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote