Section 2 : L'envahissement du PNVi par les besoins
ménagers et le
bilan de l'exploitation forestière de l'Est de
la RDC
Dans la présente section, il est question pour nous
d'analyser le degré d'envahissement du Parc par les activités
humaines qui, sans pour autant le détruire complètement, font
subir à celui-ci des sérieux dégâts sur ses
écosystèmes.
Ainsi, dans un premier temps, nous analysons les statistiques
de consommation des charbons de bois dit « Makala » des
ménages de la ville de Goma ; ensuite nous ferons un petit commentaire
sur la gouvernance des ressources forestières de l'Est de la RDC.
65 Environnement pour le développement.
Novembre 2012. Evaluating the Prospects of Benefit Sharing Schemes in
Protecting Mountain Gorillas in Central Africa. Série de documents
de travail.
71
Tableau n°4 : Statistique de consommations des
charbons de bois des ménages de la ville de Goma
Catégorie de consom- mation
|
Consommation moyenne par an exprimée en sac
de 35kg/an
|
Nombre des ménages échantillonnés
|
Pourcentage des ménages interviewés
|
Consom- mation totale par an
|
Achat par sac
|
21
|
2 218
|
55%
|
699 300
|
Achat en détail
|
24
|
1 700
|
42%
|
612 960
|
Electricité
|
|
149
|
3%
|
0
|
TOTAL
|
|
4 067
|
100%
|
1 312 260
|
Source : Marc LANGUY, Samuel BOENDI et Walter
DZIEDZIC66.
Il se dégage de ce tableau, que les acteurs ont
menés une enquête qui avait très clairement
épinglé la crise du bois de chauffage autour du PNVi. Ce qui nous
pousse à dire que, outre les conflits armés autour et dans le
PNVi, les bois du parc ainsi que ses ressources sont aussi en danger compte
tenu de la densité de la population autour du site et des grandes
agglomérations qui émergent chaque jour telles les villes de
Goma, Beni ; les Cités de Kasindi, Bulongo, Kyavignonge...
L'évaluation de la consommation de la ville de Goma,
s'est faite selon 3 approches indépendants afin de pouvoir en comparer
les résultats et d'en garantir la valeur. Une première, assez
grossière, a consisté à extrapoler la consommation de la
ville en utilisant les données standards de consommation par personne ou
par famille dans la région, multiplié par le nombre de personnes
ou de ménages à Goma.
Une deuxième a été suivie au niveau d'une
enquête détaillée auprès de 4.067 ménages
mais aussi des hôtels, hôpitaux, pour connaitre non seulement leur
consommation de bois mais aussi les dépenses liées à
l'achat de bois d'énergie.
66 Marc LANGUY et al. La problématique de
l'approvisionnement en bois en zone limitrophe du PNVi in Virunga, la
survie du 1er Parc d'Afrique, 2006.
72
Enfin, une étude menée auprès des
différents centres d'approvisionnement de la ville en Makala.
S'agissant du bilan de l'exploitation illégale des
forets en RDC, une étude a été menée par Chantam
house sur l'énergie, l'environnement et les ressources
forestières de la RDC en avril 2014, qui a abouti aux conclusions qu'un
bilan de la matière bois compare l'approvisionnement en bois
légal(les récoltes légales officielles plus les
importations) avec la consommation effective( les exportations réelles
et l'utilisation domestique réelle). La différence entre la
consommation et l'approvisionnement légal donne une indication de
l'étendue de l'exploitation illégale.
Cette analyse, qui limitée à l'offre et à
la demande de grumes et les sciages, suggère que la récolte
réelle en 2011 en RDC (2.400.000m3) correspond à plus
de huit fois la récolte légal officielle (300.000m3).
La différence (2.100.000m3) est le fruit d'une exploitation
illégale dépassant les volumes de récolte officielle sous
licence et enregistrer. Cela suggère qu'au moins 87% de l'exploitation
forestière en RDC en 2011 est illégale67.
67 Sam LAWSON, l'exploitation illégale
des forets en RDC, in Chantam hause, Avril 2011- version
révisée juillet 2011.
Tableau 5 : Bilan de l'exploitation
forestière sans licence en RDC en 2005-2011 (tous les chiffres en
m3 sauf indication contraire)
|
Production sous
licence
|
Approvisionnement légal
|
|
Consommation totale
|
|
|
|
|
Récolte
|
Importations
|
Total
|
Exportation
|
Utilisation
|
Total B
|
B-A
|
%
|
sans
|
|
|
légale réelle(1)
|
en EBR (2)
|
(A)
|
en EBR(3)
|
domestique en EBR
|
|
(exploitation sans licence)
|
licence
|
|
2005
|
|
169946
|
25000
|
194946
|
|
835796
|
835796
|
640850
|
77
|
|
2006
|
|
155009
|
25000
|
180009
|
471604
|
1042106
|
1513710
|
1333701
|
88
|
|
2007
|
334942
|
310000
|
25000
|
335000
|
479645
|
1206141
|
1685786
|
1350786
|
80
|
|
2008
|
804448
|
353247
|
25000
|
378247
|
449983
|
1427684
|
1877667
|
1499420
|
80
|
|
2009
|
555129
|
373284
|
25000
|
398284
|
330401
|
1394618
|
1725019
|
1326735
|
77
|
|
2010
|
672688
|
249539
|
25000
|
274539
|
367679
|
1655272
|
2022951
|
1748412
|
86
|
|
2011
|
842832
|
293096
|
25000
|
318096
|
403400
|
2003293
|
2407393
|
2089297
|
87
|
|
Source : (1) chiffres du gouvernement pour la
production formelle des grumes annoncés par l'OFAC et dans les
forêts du Bassin du Congo : Etat des forets 2010 ; (2) Estimation des
importations de grumes et les sciages basée sur l'analyse des
données d'exportation des pays d'origine sur UNCOMTRADE. La plupart des
importations proviennent de Zambie et d'Afrique du Sud, (3) chiffres du
gouvernement annoncés par l'association Technique Internationale des
Bois Tropicaux (ATIBT), plus estimation des volumes en EBR exportés de
RDC de l'Est vers les pays voisins (200 000m3/an ne figurent pas
dans les statistiques d'exportation officielles) basée sur Forest
Monitor (2007) et WWF-Uganda (2012) ; (4) chiffre de la consommation urbaine
totale, calculé à partir de l'enquête de
68 Sam LAWSON, op.cit.
Consommation 2009 à Kinshasa (MBEMBA M., et al. 2010),
extrapolé à la population urbaine totale et élargie
à d'autres années d'après les variations du PIB et de la
population urbaine.
Ces chiffres comprennent uniquement l'exploitation
illégale des forets qui dépasse la récolte sous licence.
Etant donné que de nombreux types d'illégalité se
produisent dans les limites des récoltes déclarées et ne
sont pas révélés par le bilan de la matière bois,
les estimations de l'exploitation illégale devraient être
considérées comme des valeurs minima pour la proportion de la
production légale qui s'avère illégale d'une
manière ou d'une autre. Vu que d'autres éléments prouvent
la présence d'un grand nombre d'illégalité au sein de la
production déclarée, le montant et la proportion de la production
illégale de bois sont probablement supérieurs68.
La grande majorité de la production illégale
mesurée par le bilan de la matière bois correspond à une
exploitation forestière à petite échelle, qui
approvisionnement les marchés domestiques ou exporte de la RDC de l'Est
vers les pays voisins.
La corruption est un facteur des principaux indicateurs de la
faiblesse dans la gouvernance des ressources forestières de la RDC. Dans
ce contexte, il ne peut être pas surprenant que la gouvernance
forestière soit très mauvaise.
La gouvernance d'autres secteurs est tout aussi
médiocre, voire pire. D'un côté, l'exploitation
industrielle et la conversion des forets en RDC restent relativement
limitées par rapport à l'échelle des forets du pays.
Contrairement à d'autres pays de forêts tropicales, il reste
beaucoup de forets précieux à sauver et ce, parce que la
destruction et la dégradation sont encore lentes, la situation peut
encore être inversée.
75
Le code forestier de 2002 fournit une bonne plateforme sur
laquelle bâtir un système de bonne gouvernance forestière,
et le moratoire sur les nouvelles concessions d'exploitation industrielle
continue d'offrir le temps et l'espace nécessaire pour améliorer
la gouvernance. La réforme du secteur forestière a cependant
ralenti et presque atteint le point mort au cours des dernières
années ; une volonté politique renouvelée est
nécessaire pour redonner de l'élan au processus.
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