II. Le principe de la souveraineté permanente et sa
dynamique : la consécration d'une règle de droit
international.
Au début de la création du principe, on s'est
posé la question de savoir si la souveraineté permanente sur les
ressources naturelles ne constituait pas uniquement une « doctrine »
du droit international, puisque les résolutions de l'Assemblée
générale ne lient pas les États.
Au fil du temps, pourtant, ce principe va se consolider, de
plus en plus, à travers d'autres textes internationaux, comme les deux
pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme de 1967, la Charte des
droits économiques et devoirs des États du 12 décembre
1974, la Convention de Vienne sur les Successions des États en
matière des traités de 1978, la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples de 1981, tout comme ce principe exercera l'influence
considérable sur des tribunaux nationaux et internationaux.
En effet, il faut souligner qu'à présent, le
principe de la souveraineté permanente a sa valeur juridique reconnue
comme norme coutumière du droit international et il doit en effet
être appliqué comme tel.
49
Quant au contenu de ce principe, la doctrine du droit
international a déjà signalé qu'à travers le
principe de la souveraineté permanente, l'État détient une
souveraineté permanente et entière sur ses ressources naturelles,
sur lesquelles il peut exercer son pouvoir de dominum, en même
temps31.
Cela étant, il est possible d'observer que
l'Assemblée générale a utilisé des
éléments du droit international classique, comme la
souveraineté de l'État et le principe de l'égalité
souveraine, puisque tous les États détiennent également
les droits attribués par le principe de la souveraineté
permanente.32
Cela était fondamental pour le support juridique du
nouveau principe dans le contexte international. Pourtant, même si le
principe de la souveraineté permanente utilise des
éléments normatifs empruntés au passé, il inaugure
un nouveau paradigme. Un paradigme de souveraineté qui fut
consacré à la protection du droit des peuples à
l'autodétermination.
Et en gardant cette notion à l'esprit, il demeure la
question : à l'heure actuelle, est-il le principe de la
souveraineté permanente toujours destiné à sauvegarder la
souveraineté des États sur leurs ressources naturelles ou le
principe se rend-il à un droit international plus « humaniste
» ?
III. Le principe de la souveraineté permanente et
son actualité : vers un « droit international humaniste »
En ce moment, il faut relever pourtant la question relative
aux titulaires du droit de souveraineté sur les ressources naturelles
découlant notamment de l'imprécision de langage des Nations
Unies, provoqué notamment par l'Assemblée générale,
organe clé de la formulation du principe.
31 G. FISCHER, op cit, p.518.
32 Idem, p.519
50
Bien que l'on accepte que l'État soit le
détenteur du droit souverain sur les ressources naturelles, les textes
des résolutions qui ont créé et développé le
contenu du principe de la souveraineté permanente emploient parfois le
terme « souveraineté de l'État » et parfois le terme de
« peuples » ou « nations » pour évoquer le titulaire
de la souveraineté sur les ressources naturelles.
De cette manière, la question des titulaires de la
souveraineté permanente sur les ressources naturelles demeure encore :
l'État ou les peuples ? Cette imprécision nous amène
encore à une autre question. S'il est difficile de préciser qui
est le titulaire du droit de la souveraineté permanente, comment
trancher le problème courant de conflits entre les intérêts
de l'État et les intérêts de sa population ? Ces
intérêts sont-ils opposables ou combinés ? Pour mieux
éclaircir cette problématique qu'il soulève, il convient
de citer ici un exemple, parmi plusieurs autres, qui l'illustre bien : le
projet du barrage de « Belo Monte » dans la forêt amazonienne
au Brésil.33
Dans le cas du barrage de « Belo Monte », il est
possible d'observer la présence du conflit d'intérêts entre
l'État, qui veut réaliser la construction du barrage, et les
populations locales, les autochtones américains (les indigènes)
qui y habitent et qui seront considérablement affectés et soumis
à la violation de leur droit de s'autodéterminer, leur droit
à la vie privée et familiale, leurs droits culturels et
même leur droit à la vie.
Dans ce même contexte, il est possible de penser, en
outre, au problème d'épuisement de ressources naturelles
découlant
33 Ce projet est vivement critiqué par son impact
considérable sur l'environnement, par la réduction importante de
la biodiversité et par l'engloutissement de territoires appartenant aux
peuples indigènes qui provoquera le déplacement de plus de 25 000
d'entre eux. La construction du barrage et les problèmes qu'elle va
probablement apporter aux populations locales ont été
jugés, d'abord, dans les tribunaux nationaux brésiliens. Telle
est la gravité du problème qu'à présent, cette
affaire a pris une dimension internationale figurant comme important
préoccupation du Haut-commissariat aux droits de l'homme, comme sujet de
débat au sein du Conseil des droits de l'homme et comme objet de
requête à la Commission interaméricaine des droits de
l'homme depuis avril 2011, puisqu'il risque d'y avoir de sérieuses
violations des droits de l'homme (le droit des peuples autochtones, droit
à la vie familiale et privée, droits culturels et même, le
droit à la vie).
51
de l'exploitation démesurée qui touche les
intérêts et le bien-être de la population du pays (le droit
de l'homme à l'environnement, par exemple), de ses
générations futures ou encore, de toute l'humanité. Par
conséquent, la question antérieure se pose encore : en
matière d'exploitation de ressources naturelles, les
intérêts de l'État et les intérêts des peuples
sont-ils opposables ou sont-ils susceptibles d'être combinés ? Et
encore, qui est le titulaire du droit de contrôler et de décider
de l'exploitation de ressources naturelles ?
En réalité, il semble que la question du
titulaire du droit comprenne justement l'une des particularités du
principe de la souveraineté permanente. Fondé sur le droit
international classique, le principe de la souveraineté permanente
désigne l'État comme le titulaire du droit, parce qu'il est le
seul à détenir « la plénitude de compétences
susceptibles d'être dévolues à un sujet de droit
international »34.
Cependant, la création du principe de la
souveraineté sur les ressources naturelles a eu pour but la tutelle du
droit des peuples.
Ainsi comme l'affirme la Résolution 1803(1962), le
droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles doit
s'exercer dans l'intérêt du bien-être de la population de
l'État intéressé35.
Dès lors, l'État semble être le titulaire
du droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles,
à la condition toutefois qu'il doit exercer ce droit dans
l'intérêt du bien-être de sa population.
À travers cette idée, il serait possible, en
effet, d'envisager une voie de combinaison entre les intérêts de
l'État et les intérêts du peuple et d'accomplir aux
finalités du principe de la
34 P-M. DUPUY. Droit International Public,
Dalloz, 8e éd., Paris, 2006, p. 31.
35 Résolution 1803 du 14 décembre
1962, « le droit de souveraineté permanente des peuples et des
nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles doit s'exercer
dans l'intérêt du développement national et du
bien-être de la population de l'État intéressé
».
52
souveraineté permanente : le respect du droit des
peuples à s'autodéterminer, sa finalité première
ainsi que d'autres droits de l'homme corrélatifs, et le respect au bien
être de la population de l'État.
Cependant, il reste à savoir de quelle manière
cette combinaison d'intérêts pourrait se réaliser? Celle-ci
est une autre question à laquelle la présente recherche se
propose de répondre. Par exemple, dans le cas de conflit
d'intérêts entre l'État et les peuples autochtones, comme
c'est le cas dans l'affaire Belo Monte, l'État devrait
appliquer la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples
autochtones et la Convention 169 de l'OIT.
Par conséquent, il serait considéré le
droit à la consultation et au consentement libre, préalable et
informés des peuples autochtones pour l'exploitation dans leurs
terres.
Dès lors, ici une autre question émerge :
quelles sont les conséquences juridiques résultant de
l'idée de conjugaison d'intérêts accordée par le
principe de la souveraineté permanente ?
En particulier, deux conséquences semblent en
découler. En premier lieu, il est possible d'observer que, selon le
principe de la souveraineté permanente, l'État en exerçant
son droit de contrôler et d'exploiter les ressources naturelles dans son
territoire doit le faire dans l'intérêt de son peuple,
selon la Résolution 1803 (1962). Il semble qu'il y ait ici une
obligation de l'État de contrôler les ressources
naturelles en respectant davantage les droits et le bien-être de son
peuple.
Par ailleurs, les dispositions relatives au principe de la
souveraineté permanente semblent évoquer un devoir de
coopération internationale. Celui-ci appelle les États
à « respecter strictement et consciencieusement la
souveraineté permanente des peuples et des nations sur leurs richesses
et leurs ressources naturelles »36.
36 Résolution 1803 du 14 décembre 1962,
préambule.
53
En effet, d'après le principe de souveraineté
permanente, les États sont appelés à coopérer, et
non intervenir, au respect du droit des peuples de disposer librement de leurs
richesses et leurs ressources naturelles.
Cette coopération pourrait être, par exemple,
à travers l'assistance technique et économique, l'échange
de données pour la gestion de ressources ou encore, le renforcement de
mécanismes de contrôle et protection internationale disponibles
pour garantir le respect au droit des peuples à disposer sur leurs
ressources naturelles ainsi que d'autres droits de l'homme qui y sont
reliés. En bref, Le principe de la souveraineté permanente sur
les ressources naturelles en tant que règle coutumière de droit
international doit être observé par les États et par la
société internationale.
Néanmoins, il a été possible d'observer
qu'à la présente, plusieurs questions se posent sur la
portée du principe de la souveraineté permanente sur les
ressources naturelles ainsi comme son possible « nouveau rôle »
dans le droit international. Spécialement, dans un droit international
qui gagne de plus en plus un « recentrage humaniste ».
Cette section a prétendu contribuer à inciter
des réflexions sur ce sujet et à inviter à un débat
plus approfondi. Vingt-trois ans après la Conférence sur
l'Environnement et le Développement de 1992, les Nations Unies
réalisèrent la Conférence « Rio +20 ». Tenant en
compte la notoriété et la répercussion de la « Rio+20
» dans le monde, il était intéressant d'y discuter
l'exploitation de ressources naturelles par un regard plus conscient des droits
de l'État, mais surtout de leurs devoirs relatifs aux questions sur
l'environnement et sur les droits de l'homme, et ce en entendant la
conférence sur le climat de Paris en 2015.
Plusieurs textes législatifs concourent à la
protection des aires protégées et apparentées en
République Démocratique du
54
CONCLUSION PARTIELLE
La présente partie a consisté à faire une
analyse rétrospective sur le statut juridique des aires
protégées en droit interne ainsi qu'en droit international de
l'environnement.
Dans un premier chapitre, traitant les considérations
générales, il a été d'abord question de cerner le
sens des mots utilisé dans ce travail, tels aires
protégées, exploitation Pétrolière, la conservation
de la nature, la diversité biologique, l'écosystème, le
graben, les peuples autochtones, et les extracteurs des ressources ; ensuite la
présentation du Parc National des Virunga ainsi que son organisation
administrative.
Dans le second chapitre, nous avons présenté le
statut juridique des aires protégées en droit congolais, ainsi
que celui du Parc National des Virunga.
En effet, les aires protégées font partie du
domaine publique de l'Etat, et par conséquent trouvant leur statut dans
un acte de classement pris par une autorité compétente.
Suivant l'article 7 du code forestier congolais, il existe des
forets appartenant aux entités territoriales
décentralisées, ainsi que ceux de la production permanente
pouvant faire objet d'un acte de concession par un particulier. Ce n'est
qu'exceptionnellement qu'une aire protégée est
créée par ordonnance présidentielle pour les
réserves naturelles intégrales conformément à
l'article 15 alinéa 2 de la loi n° 011/2002 du 29
Août 2002 portant code forestier.
La loi a créé les aires protégées
en vue de la conservation des lieux, notamment en interdisant "toute
activité susceptible de nuire au développement naturel de la
faune et de la flore et plus généralement, d'altérer le
caractère naturel du secteur.
55
Congo. D'abord, la loi n°14/003 du 11 Février 2014
relative à la conservation de la nature qui réglemente de
manière générale la question. La loi n° 75-023 du 22
juillet 1975, modifier par le décret n°10/15 du 15Avril2010 portant
création et statut de l'ICCN crée et régit l'organe
chargé de la gestion, de la surveillance et de la protection de ces
aires protégées.
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