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INTRODUCTION GENERALE
1. PROBLEMATIQUE
Au lendemain de la révolution française de 1789,
il s'est développé un esprit entièrement nouveau des
droits de l'homme1. A cet effet, plusieurs conventions
internationales tant africaines, européennes qu'universelles ont
été signées pour en assurer le respect2.
Le droit positif congolais s'est fortement investi dans la
garantie du respect des droits fondamentaux en consacrant tout un titre y
relatif, dans les articulations de la constitution notamment le
deuxième, définissant expressis verbis les droits humains,
libertés fondamentales ainsi que les devoirs du citoyen et de
l'Etat3, dont les droits économiques, sociaux et culturels,
parmi lesquels on trouve le droit d'investissements privés,
équivalant à la liberté d'entreprendre du droit
français, ce droit est le plus indispensable pour le
développement économique d'une société aussi
moderne que la R.D.C organisée en Etat de droit.
Le droit positif congolais a d'ailleurs posé une
obligation de portée constitutionnelle, pour l'Etat d'encourager et de
veiller à la sécurité des investissements privés,
nationaux et étrangers4. Ce qui suppose qu'il doit en
garantir l'exercice, parce que la reconnaissance d'un droit à
l'échèle fondamental dans la constitution au sens de l'article
34, ne suffit pas en elle-même, mais il faut de surcroît en
prévoir des institutions particulières5 pour en
assurer la protection.
Il importe de noter que les droits et libertés
fondamentaux étant nombreux, nous ne pouvons pas prétendre les
analyser tous, et encore moins toutes les atteintes y relatives.
1 Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789.
2 Le 5e alinéa du Préambule de la
Déclaration universelle de décembre 1948 des droit de l'homme ne
s'en tient pas à une seule appellation et vise les « droits
fondamentaux de l'homme », tandis que le 6e alinéa mentionne
l'engagement des États membres des Nations unies en faveur du «
respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés
fondamentales. » (C'est nous qui soulignons). Lire aussi le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, New
York, 16 décembre 1966.
3Lire le deuxième titre de la
Constitution du 18 février 2006, J.O RDC, n°
spécial du 18 février 2006.
4 Lire le 3ème alinéa de
l'article 34 de la constitution du 18 février 2006, J.O RDC,
n° spécial du 18 février 2006.
5 Patrice ROLLAND, Droits fondamentaux, Dijon, EUD,
décembre 2003, p.179.
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Mais, nous focaliserons nos recherches sur le fondement
d'atteintes portées à l'exercice du droit d'investissement
privé ou encore mieux la liberté d'entreprendre dans la ville de
Goma, qui non plus, n'a pas échappé à diverses atteintes
par le pouvoir public.
Le choix de notre thème a été
dicté par l'observation faite sur le problème qui se pose
lorsqu'il s'agit pour le Ministère public d'opérer un choix entre
le respect des droits et libertés fondamentaux des personnes et le
maintien de l'ordre public, alors que juridiquement parlant, la
consécration et le respect des droits et libertés fondamentaux,
nous permettent d'envisager la République Démocratique du Congo
via son texte constitutif, comme un Etat de droit mais alors dans sa dimension
substantielle6.
Les questions que nous formulons en terme de problème
de ce travail, sont celles ayant principalement trait à la collision
entre le respect des droits et libertés fondamentaux et le souci du
maintien de l'ordre public et la sureté de l'Etat qui se
présentent sous deux aspects :
Le premier aspect se rapporte à la question relative
aux garanties de valeur constitutionnelle du droit d'investissement ou de la
liberté d'entreprendre. En effet, compte tenu du fait que les droits
fondamentaux étaient reconnus aux personnes physiques et morales par des
textes et normes supra législatifs comme des "permissions" opposables
aux prérogatives des trois pouvoirs (législatif, exécutif
et judiciaire) et même à celles des institutions
supranationales7. Soulignons qu'à ce sujet, le constituant
congolais en institue un garant incontestable notamment le pouvoir
judiciaire8. De ce qui précède, il y a lieu de
déduire que le droit positif congolais fait figure de garantie
suffisante à l'exercice des droits et libertés fondamentaux en
général, et plus particulièrement du droit
d'investissement privé ou de la liberté d'entreprendre.
Néanmoins nous nous posons alors la question de savoir, ce que serait la
portée de cette garantie vis-à-vis des mesures relatives à
la restriction de l'exercice de ce droit d'investissement privé ou de la
liberté d'entreprendre en droit positif congolais ?
Le second aspect quant à lui, se rapporte à la
question relative à la légitimité d'atteintes
portées à l'exercice du droit d'investissement privé ou
mieux de la liberté d'entreprendre en droit positif congolais.
Aujourd'hui, bien d'États considérés comme
6 Dans son approche approfondie, il
établit deux dimensions pour l'Etat de droit en insistant sur l'Etat de
droit substantiel dans lequel l'accent est mis sur le respect de principes et
valeurs fondamentaux notamment les droits de l'homme et les libertés
publiques. Voir. NTUMBA LUABA LUMU., Droit constitutionnel
général, Kinshasa, P.U.A, 2005, p.58.
7 L. FAVOREU, Droit des
libertés fondamentales, Paris, 2ème
édition, Dalloz, 2002, p. 2.
8 Voir l'alinéa 1èr de
l'article 150 de la constitution du 18 février 2006,
J.O RDC, n° spécial du 18 février 2006.
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démocratiques notamment la République
Démocratique du Congo, n'hésitent pas de mettre en jeu leur
statut d'Etat de droit, en suspendant l'application du droit commun pour des
raisons d'ordre public. Or l'Etat de droit, se définit par deux
éléments fondamentaux : la séparation et
l'équilibre des pouvoirs d'une part, le respect des droits et
libertés fondamentaux9 notamment le droit d'investissement
privé ou la liberté d'entreprendre d'autre part.
Cependant, si ces exigences peuvent être remises en
cause, à la suite des soucis d'ordre public dont l'une de
conséquence majeure sur la vie économique et sociale, est
l'atteinte grave à l'exercice du droit d'investir ou à la
liberté d'entreprendre d'un particulier10, mais aussi le
droit pour la personne d'être entendu aussi tôt par le juge,
qu'est-ce qui justifierait cette atteinte, portée à l'exercice du
droit d'investissement privé ou mieux, qu'en serait-il le fondement en
droit positif congolais?
9 NTUMBA LUABA LUMU.,
Op.cit, p.58.
10 Illustrons à titre d'exemple le cas de la
fermeture de la Société Kivu market sous le R.I.N 11591/R.M.P
5054/P.G 024/TM/012 : notons que cette société est scellée
sous le numéro sus évoqué tout simplement parce que le
gérant est inculpé pour atteintes à la sureté
intérieure de l'Etat, fait prévu et réprimé par
l'article 195 du code pénal livre II. Il relève de ce
numéro de registre d'informations que le sieur BILAL ABDUL BAKRI
gérant de ladite société, appuierait et motiverait sur le
plan financier la rébellion du M23, mais de son arrestation, il s'est
suivi la mesure du scellage de la société. Alors que
juridiquement parlant, Kivu market jouit d'une personnalité juridique
distincte de celle du gérant et même du propriétaire ou de
ses associés et encore que le droit positif congolais consacre le
principe fondamental selon lequel « la responsabilité
pénale est individuelle. Nul ne peut être poursuivi,
arrêté, détenu ou condamné pour fait d'autrui
» tel est l'esprit et la volonté du constituant
congolais exprimés dans le prescrit de l'article 17, alinéa 7 de
la constitution du 18 février 2006. Ainsi, de ce qui
précède, nous pouvons nous interroger sur la
légalité de cet acte de fermeture de la société
depuis le 4 juillet 2013 jusqu'à nos jours ou encore mieux, si ce n'est
pas un abus de pouvoir voilé dans la mission du maintien de l'ordre
public.
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