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Pragmatique, narrativité, illocutoire et délocutivité généralisées.

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par Jean Robert RAKOTOMALALA
Université de Toliara - Doctorat 2004
  

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2.2. LA PRAGMATIQUE ET LA THÉORIE DE L'ACTION.

La communication sur le modèle linguistique implique toujours un destinateur et un destinataire. D'un premier abord, il s'agit de communiquer une information. Cependant, il faut admettre que cette vision n'est qu'une synecdoque croissante. À côté de l'acte de langage qui

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consiste à informer, existe une foule d'autres actes, impossible à énumérer car constituant une liste ouverte dont voici les plus courants, il nous semble: demander, donner une information, expliquer, argumenter, approuver, désapprouver, saluer, se présenter, présenter, décrire, conclure, résumer, introduire, exposer, etc.

Comme le dit KOLMOGOROV et CHAÏTIN, « une série de hasards est une série dans laquelle il n'est d'autre détermination des membres que leur énumération » (SAVAN, 1980, p. 11), il nous faut donc caractériser les actes de langage pour convertir la série de hasards en une suite prévisible. Le premier caractère des actes de langage est qu'ils sont une lecture d'une forme: la forme du contenu.

Certaines formes de contenu sont répertoriées en langue et sont facilement identifiables. Ainsi, par exemple, l'acte de langage qui consiste à informer est pris en charge par une forme que l'on appelle "phrase déclarative", la demande d'information relève d'une phrase interrogative; la manifestation d'un étonnement, par une phrase exclamative; et la mise en relief d'un constituant de phrase par une structure emphatique. On peut appeler ces premières formes de "forme générique" parce que chacune d'elles peut contenir une liste infinie. Cette dernière remarque nous amène à la présentation d'une deuxième forme en étroite relation avec la substance du contenu.

C'est ici que l'analyse de LAFONT sur la forme prend toute sa pertinence: la modification non accidentelle d'une forme est en vue d'une action que cette forme permet d'accomplir. Par ailleurs, il est très instructif de faire remarquer que le verbe anglais "to perform" qui se traduit par "accomplir" en français est à la source de la découverte de la notion de performativité.

Ceci nous permet d'embrayer dans la deuxième caractérisation des actes de langage. Il n'est plus question ici de forme générique mais de forme individualisée dont l'apparition est appelée "token". C'est-à-dire, une occurrence singulière d'énoncé que l'on appelle énonciation. Pour mieux clarifier le "token", il est préférable de reproduire le texte de Peirce, son inventeur, à travers une citation qu'en fait RECANATI:

« Une façon usuelle d'estimer le volume d'un manuscrit ou d'un livre imprimé est de compter le nombre des mots. Il y aura ordinairement à peu près vingt "le" par page, et bien sûr ils comptent comme vingt mots. Dans un autre sens du mot "mot", cependant, il n'y a qu'un seul "le" en français; et il est impossible que ce mot soit visible sur une page, ou audible dans une séquence sonore, pour la raison qu'il n'est pas une chose singulière ou un événement singulier. Il n'existe pas; il détermine seulement des choses qui, elles existent. (...) Je propose de l'appeler un type. Un événement singulier qui n'a lieu qu'une fois et dont l'identité est limitée à cette occurrence, ou un objet singulier (une chose singulière) qui est en un certain point singulier à un moment déterminé (...) comme ce mot-ci ou celui-là, figurant à telle ligne, telle page de tel exemplaire particulier d'un livre, recevra le nom de token2. » (RECANATI, 1979, p. 72)

2 Dans Écrits sur le signe, PEIRCE appelle le token "sinsigne" dans lequel mot la syllabe sin est la première syllabe de semel, simul, singulier, etc.). (PEIRCE, 1979, p. 31)

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Il est indiscutable qu'une action ne peut jamais être un type, mais toujours un token parce qu'elle est toujours localisée singulièrement dans le temps et dans l'espace. Même si l'on accomplit exactement à la manière d'un métronome la même action au même endroit. Chacune de ces actions se distinguent les unes des autres par leur différence dans le temps. C'est le cas par exemple d'un ouvrier dans une chaîne de montage. Il en est exactement de même de l'énonciation. C'est que nous apprend justement Jean-Claude ANSCOMBRE:

« Si on entend par réalisation cet événement historique qu'est la production de l'objet, nous parlerons alors d'énonciation: c'est le fait d'apparition d'une occurrence de l'énoncé type » (ANSCOMBRE, 1980, p. 63)

Dès lors, en articulant l'énonciation et l'énoncé, on s'aperçoit que l'énonciation est une production de forme qui indique ce qu'elle accomplit: une action dans le langage plus connue sous l'expression acte de langage. Maintenant la question qui va nous guider consiste à déterminer ce qu'est une action.

Une action se caractérise par son inscription dans une temporalité close que la sémiotique appelle algorithme narratif dont voici le schéma:

Avant Après

Contenu inversé Contenu posé

C'est ce qu'on appelle algorithme narratif de GREIMAS (GREIMAS, "Eléments pour l'interprétation des récits mythiques", [1966b]1981, p. 30) mais il est trop daté qu'il est préférable de prendre sa version plus neutre chez TODOROV:

« Un récit idéal commence par une situation stable qu'une force quelconque vient perturber. Il en résulte un état de déséquilibre ; par l'action d'une force dirigée en sens inverse, l'équilibre est rétabli ; le second équilibre est semblable au premier mais les deux ne sont jamais identiques. » (TODOROV, 1971-1978, p. 50)

Autrement dit, pour caractériser une forme, il suffit de l'inscrire dans la temporalité close du narratif et de la sorte de mesurer la modification entre le temps initial et le temps final sans qu'il faille par la suite vérifier dans le référent mondain ce changement parce qu'il est accompli ipso facto par l'énonciation de la forme en tenant compte de la fuite du réel discutée plus haut.

Ainsi, pour reprendre le cas du verbe "promettre", verbe présent dans les textes d'AUSTIN et toujours cité en pareil cas. En disant "je promets", j'accomplis une promesse parce que la forme de l'outil linguistique a cette signification et que de la sorte mon intention est de faire passer le destinataire de l'incertitude à la certitude ou de quelque chose de ce genre. L'acte de langage est toujours accompli dans et par l'énonciation comme condition nécessaire et suffisante.

Maintenant en précisant le rapport entre forme et sens nous pouvons illustrer que le même sens peut s'incarner dans plusieurs formes et qu'ainsi chaque forme montre une action précise en dépit de l'identité du sens.

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François RECANATI réalise une application intéressante du pari sur la forme opérée à la fois par HJELMSLEV dans son analyse de la sémiotique et en même temps par LAFONT sous forme d'instrumentalisation du langage.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille