5.3. Lieu et temps de l'enquête
Concernant l'environnement et le temps de chaque entretien, ma
première rencontre a été réalisée chez la
personne interrogée. Un endroit calme où nous avons
échangé pendant vingt minutes et sans aucune interruption pendant
cette discussion. Concernant mon deuxième entretien, il s'est
déroulé sur le lieu d'exercice de la personne, dans un bureau
calme, sans interruption. Cependant, la pièce étant près
de la route, nous avons parfois rencontré des nuisances sonores mais
cela n'a pas altéré la qualité de l'entretien qui a
duré une trentaine de minutes. Ces différents lieux ont
été choisis pour des raisons pratiques et organisationnelles et
en accord avec chaque professionnel.
5.4. Les limites et les difficultés de
l'enquête
Lors de l'enquête, il s'est parfois
révélé compliqué de me faire comprendre par rapport
à mes questions. Certaines subtilités dans le sens des mots
choisis n'ont pas directement été perçues et ont
demandé une explication ou une reformulation. De plus, le fait d'avoir
des questions prédéfinies m'a parfois bloqué dans la
dynamique du discours. En effet, à certains moments dans
l'échange, j'ai eu l'impression de poser des questions plus que de
discuter avec mon interlocuteur. J'écoutais attentivement les
réponses très détaillées et authentiques des
soignants mais il m'est parfois arrivé de ne pas rebondir dessus comme
j'aurai souhaité le faire, car parfois je restais focalisée sur
les questions rédigées au préalable.
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 33
6) L'analyse
L'étude qui va suivre constitue la finalité de
ce mémoire de fin d'études. En effet, cette analyse des
entretiens menés auprès des professionnels a pour objectif de
dégager des axes d'ouverture et des éléments permettant de
comprendre davantage ma question de départ. Afin de m'aider dans cette
analyse, j'ai donc réalisé un tableau reprenant les
éléments du cadre théorique ainsi que les dires des
infirmiers interrogés (Cf. Annexe 4)
1er thème : La
schizophrénie
Par rapport à la schizophrénie, les deux
infirmiers s'accordent sur un même mot pour la caractériser : la
dissociation. Dans la théorie, ce terme est également
présent pour la définir, on parle plus précisément
de dissociation de la pensée et de la personnalité. L'IDE 1
explique que « c'est la déconne ion avec la
réalité, on voit les choses différemment, on capte les
choses différemment » et ajoute que « la
réalité que nous, nous allons vivre chaque jour, cette
réalité-là va être totalement vécue et vue
d'un oeil différent par une personne dissociée. » et
selon les recherches, être schizophrène c'est vivre la
réalité d'une autre façon. L'IDE 1 nous précise que
« son jugement de la réalité, ses sentiments par rapport
à la réalité vont être altérés, ses
pensées et sa perception vont l'être aussi » un aspect
que l'on retrouve dans la définition de David H.Barlow et V. Mark Durand
qui détermine la schizophrénie comme un trouble qui peut «
affecter la perception, la pensée, le discours et les gestes
». D'autre part, l'IDE 2 parle de grandes difficultés et de
grande souffrance, une idée similaire à la théorie qui dit
que cette maladie est une source d'anxiété et de souffrance
terrible qui affecte la vie de la personne. L'IDE 1 souligne également
le caractère difficile de cette maladie. De plus, nous retrouvons une
similitude entre le cadre conceptuel et les dires de l'IDE 1 par rapport au
fait que la schizophrénie s'illustre avec l'idée d'un clivage du
Moi. Enfin, l'IDE 1 insiste sur le fait qu'il ne faut pas confondre la
dissociation avec les troubles dissociatifs de l'identité qui ne
concernent que très peu d'individus. Une chose non abordée dans
mon cadre théorique.
Sous thème : Une maladie chronique
En ce qui concerne la chronicité de la maladie, l'IDE 1
et l'IDE 2 semblent tous deux en accord avec le cadre conceptuel qui explique
que la schizophrénie est une maladie chronique car elle ne se
guérit pas. De plus, selon l'OMS, les maladies chroniques sont des
« affections de longue durée », une chose que
confirme l'IDE 2 en caractérisant la
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 34
schizophrénie comme étant une maladie longue.
Elle parle également d'une maladie qui peut se stabiliser suivant les
rencontres thérapeutiques, ce qui rejoint l'idée de l'IDE 1 qui
nous dit que les soignants sont là pour les aider à vivre leur
vie dans le monde et dans la société c'est à dire à
vivre correctement avec la maladie. De plus, la théorie semble se
rapprocher de ce point de vue, car selon les recherches, les soignants sont
là pour pouvoir aider le patient à vivre avec les symptômes
de la maladie et l'aider à retrouver une vie sociale. Enfin, nous
retrouvons dans les deux entretiens, un lien avec le handicap. En effet, l'IDE
2 semble voir la schizophrénie comme quelque chose qui «
handicape le quotidien » tout comme l'IDE 1 qui pense que les
schizophrènes sont des personnes handicapées. L'IDE 1 utilise
même une métaphore simple pour expliquer son point de vue : «
comme une personne en fauteuil roulant aurait besoin d'une rampe
d'accès pour accéder à une porte et bah ces
personnes-là ont besoin d'une rampe pour accéder à des
activités qu'ils aiment, à du travail qu'ils aiment »
deux idées similaires qui font donc écho au cadre
théorique et plus précisément à la loi du 11
février 2005 relative à l'égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées, qui intègre les conséquences des maladies
chroniques dans la définition du handicap. Ainsi, il semblerait donc que
la schizophrénie soit vue comme un handicap pour la personne.
2ème thème : La qualité de vie
d'un patient schizophrène
Dans un premier temps, il semblerait que les deux infirmiers
interrogés aient une vision différente de ce que peut être
la qualité de vie malgré quelques similarités. En effet,
pour l'IDE 1, la qualité de vie sous-entend de pouvoir être
heureux avec ce que l'on a et ne pas forcément chercher plus, il ajoute
que c'est « arriver à vivre avec notre passé, notre
présent et l'idée qu'on peut se faire de l'avenir ».
Pour l'IDE 2, il s'agit plutôt de vivre avec soi-même et avec ses
difficultés, ce qui pourrait malgré tout se rattacher subtilement
à la notion de vivre avec son passé, son présent et son
futur décrit par l'IDE 1. Par rapport à la théorie, aucun
des deux points de vue n'est réellement similaire aux recherches car
pour B. Baertschi « une vie de qualité doit donc être une
vie inscrite dans l'autonomie, dans l'intégrité et dans la
dignité ». Des termes qui ne sont pas abordés par les
deux infirmiers. Cependant, toutes ces visions divergentes peuvent confirmer ce
qui est inscrit dans le cadre conceptuel. En effet, cette différence
peut consolider le fait que la qualité de vie est un concept vague et
propre à chacun et qu'elle relève de l'unicité de chaque
personne, de ce qui est essentiel pour elle, ainsi qu'à sa
manière de vivre.
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 35
En ce qui concerne l'impact de la schizophrénie sur la
qualité de vie, l'IDE 1, de par sa perception de la qualité de
vie, nous explique que le patient schizophrène « n'a pas
forcément de projection sur l'avenir parce que toutes ses pensées
sont centrées vers le présent et ce qu'il ressent au jour le jour
peut être très mauvais et très triste pour lui voir
très terrifiant » Pour l'IDE 2, il semblerait que la maladie
impacte la vie du patient lorsque les symptômes de la maladie commencent
à handicaper le quotidien du patient et plus précisément
« quand la personne ne peut plus rien faire, ne peut plus être
avec l'autre, ne peut plus être avec lui-même ». L'IDE 1
nous parle plus précisément de ces symptômes et insiste
notamment sur la dissociation. Pour lui, c'est ce qui perturbe la vie du
patient car « ils ne vont pas voir la réalité de la
même manière que nous ». Il nous dit qu'ils vont voir
des choses qui les persécutent et qui les font souffrir. D'ailleurs, C.
Tobin définit les hallucinations comme « des perceptions
vraiment ressenties, mais sans support réel, qui n'e istent que dans la
tête de celui qui les vit. » et caractérise les
délires comme « des constructions mentales fausses, de fausses
interprétations à partir d'observations vraies. ». De
plus, d'après les recherches, le patient schizophrène peut avoir
des doutes sur son appartenance, ce qui peut installer et créer un
climat angoissant au quotidien, ce que l'IDE 1 semble confirmer en nous disant
que les patients « vont avoir l'impression que leur vie n'a pas de
sens, qu'il a des choses qui interrompent leur vie ». Par rapport
à ces symptômes, l'IDE 2 nous parle également de
l'isolement et de la rupture de lien avec l'entourage que peut entrainer la
maladie et qui peut être difficile pour certains schizophrènes. Un
aspect que l'on retrouve dans le cadre conceptuel qui nous dit que les
symptômes affectent le comportement du patient chaque jour et entrainent
un repli sur soi s'accompagnant d'une grande souffrance constante affectant
donc sa qualité de vie. Il est dit également que les
symptômes de la schizophrénie impactent sur les capacités
sociales de la personne, notamment sur la reconnaissance des émotions et
des sentiments ainsi qu'à la capacité à distinguer soi et
autrui. Une notion qui renvoie à la rupture de lien social et à
l'isolement cité par l'IDE 2. Ainsi, l'IDE 2 nous raconte que, selon
elle, pour que le patient puisse avoir une qualité de vie satisfaisante
« il faut pouvoir vivre avec les symptômes et pouvoir garder les
liens avec la famille et les amis », une chose qui reste difficile
chez les patients schizophrènes. Elle nous dit aussi qu'il faut qu'il
« puisse avoir une vie harmonieuse même si elle peut ne pas
l'être ». Par cette phrase, l'IDE 2 veut expliquer qu'une vie
harmonieuse est subjective comme nous l'avons vu dans la théorie. En
d'autres termes, ce qui sera harmonieux pour certains patients sera
peut-être dysharmonieux pour nous soignants car nous aurons un regard
différent. Mais ceci « est une partie de son équilibre
psychique » qu'il faut savoir respecter.
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 36
3ème thème: La relation de soin
infirmier avec un patient schizophrène
Tout d'abord, d'après la théorie, il existerait
deux origines dans la relation de soins. L'une pouvant être fonctionnelle
c'est à dire « qui naît d'un soins à faire » et
l'autre pouvant être selon, W. Hesbeen «une relation d'attention
à la personne, une relation singulière, sensible et subtile et
qui se veut de nature aidante». L'IDE 2 semble être consciente
de ces deux natures et nous parle d'une relation de soins avec plusieurs
significations. Elle explique par exemple qu'une relation peut découler
d'un soin technique mais que celle-ci sera plus courte et différente que
celle en psychiatrie.
Par rapport à la place de la relation de soin dans la
prise en charge d'un patient schizophrène, l'IDE 1 et 2, semblent se
rejoindre sur le fait que cette relation est une chose très importante
et essentielle. L'IDE 2 la place au centre de la prise en charge ainsi que
l'IDE 1 qui recherche cette relation en premier lieu pour établir un
lien avec le patient. La construction de la relation de soin semble donc
être indispensable dans la mise en place du procédé
thérapeutique car c'est aussi ce que l'on retrouve dans la partie
théorique. Pour l'IDE 1 la relation de soins sous-entend de gagner un
lien de confiance, une chose importante pour avancer dans la prise en charge.
La confiance entre soignant et patient permet donc de faire avancer ce dernier
dans sa maladie et ainsi le faire avancer dans sa vie. En théorie, ce
lien dépend également de la confiance que le patient a envers le
soignant et c'est cette relation de confiance qui permet d'identifier avec lui
ses besoins, ses peurs et ses envies. Dans le cadre conceptuel, on parle
notamment d'alliance thérapeutique pour caractériser le lien
permettant un cadre de soin. Un terme non cité par les deux
professionnels.
Ensuite, de par mes recherches j'ai pu constater que les
activités et les entretiens font partie prenante de la relation de soin
et ont toutes les deux pour objectif d'accompagner le patient
schizophrène dans l'acceptation de sa maladie et ainsi lui apprendre
à vivre avec. L'IDE 1 comme l'IDE 2 font vivre cette relation par des
médiations et des activités également. Mais contrairement
à la théorie et à l'IDE 1, l'IDE 2 estime qu'il n'est pas
toujours nécessaire de faire des entretiens cliniques. Elle dit
plutôt favoriser le tiers pour être en lien et pas seulement la
discussion, un lien d'ordre indirect quand le lien direct n'est pas possible.
Mais elle explique que la relation dépendra aussi de chaque situation.
Le plus important étant d'apporter quelque chose au patient, qui l'aide
et qui lui donne envie de continuer la prise en charge. Pour finir, l'IDE 1
apporte deux nouveaux aspects qui n'ont pas été abordé
lors de la partie conceptuelle. La première idée est qu'il
semblerait que le patient puisse
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 37
parfois associer le soignant à la
réalité, une réalité à laquelle il peut se
tenir et se fier, ce qui lui permettra d'avancer dans les périodes de
crise et renforcera la relation de soins. De plus, selon l'IDE 1,
l'hospitalisation favoriserait ce lien également, car le patient est
présent dans une structure et demande de l'aide. Et même si le
patient est dans le refus de soin et qu'il entraine une difficulté, le
cadre hospitalier sous-entend malgré tout une rencontre et une prise en
charge.
Sous thème : Les compétences relationnelles
de l'IDE
Dans le cadre conceptuel, plusieurs compétences sont
abordées. Tout d'abord, l'écoute fait partie de ces
compétences, il est dit que prendre en compte la parole du patient,
c'est tout d'abord le reconnaitre en tant que personne et ne pas seulement
l'assimiler à sa maladie. L'IDE 1 et l'IDE 2 ne parle pas
spécifiquement de cette notion mais l'IDE 1 s'accorde avec la
théorie pour dire que le patient schizophrène a besoin
d'être reconnu en tant que personne et non pas en tant que malade.
Ensuite, le cadre nous parle d'empathie, une attitude qui apparaît comme
un des concepts primordiaux dans la prise en charge de la schizophrénie.
Une chose que l'IDE 2 confirme, en nous disant que le soignant doit être
dans l'empathie. Par rapport à la communication et à la patience
qui sont citées dans la théorie, aucun des deux infirmiers n'a
utilisé ce terme. En ce qui concerne l'authenticité, l'IDE 2 est
en accord avec le cadre pour dire que la subjectivité,
l'authenticité et le fait d'être soi-même, favorise la
relation. Il semblerait donc que l'infirmière doit être capable de
reconnaître et accepter ses propres sentiments. Être authentique
avec une attitude spontanée et naturelle. L'IDE 1 ne désigne
aucune notion particulière pour parler des compétences
relationnelles mais il nous parle de l'attitude aidante que le soignant doit
adopter. L'IDE 1 explique que le soignant doit se montrer aidant envers les
personnes dans le but de créer la relation de soin et le lien de
confiance pour ensuite l'amener à réfléchir sur ses
comportements, sur ses délires, ses sentiments. Une attitude qui peut
sous-entendre de posséder les compétences abordées dans la
théorie car ce sont elles qui permettent d'établir une relation
et de la confiance avec le patient pour lui permettre d'avancer et de faire
face à la maladie.
Enfin, l'IDE 2 nous parle de non jugement de la personne et de
tolérance. Elle explique également que l'humilité est
importante c'est-à-dire, qu'il faut « être convaincu de
ce que l'on fait sans porter de médaille ». Trois notions qui
ne sont pas citées dans la partie théorique mais qui semblent
malgré tout importantes car dans le cadre, les compétences
abordées ne sont pas les seules, les capacités relationnelles
sont multiples.
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 38
Sous thème: Les difficultés dans la
relation de soins
En ce qui concerne les difficultés rencontrées
dans la relation de soins, il semblerait que l'IDE 1 et 2 pensent la même
chose. En effet, les deux professionnels s'accordent sur le fait qu'il existe
une difficulté lorsqu'ils sont face à un patient très
persécuté, délirant et non accessible. En s'appuyant sur
le cadre conceptuel, il semblerait qu'il existe un obstacle dans la relation
lorsque le patient est délirant et affirme n'avoir aucun
problème. Il apparait donc plus compliqué de créer un lien
avec une personne persécutée qui est dans le refus de soin. Dans
la théorie, le contexte d'une hospitalisation sous contrainte est
mentionnée. Cependant, nous pouvons préciser que l'IDE 1 et l'IDE
2 n'abordent pas spécifiquement cette notion lorsqu'ils parlent de cette
difficulté. L'IDE 2 ajoute que : « des gens qui sont
très en crise, qui sont très très très
délirant ce n'est pas facile d'établir une relation ».
De plus, la personne peut également penser que les soignants sont
là pour lui faire du mal, ce que confirme l'IDE 1 : « Ils vont
penser qu'on est là pour leur faire du mal, ils vont avoir
éventuellement des voix qui vont leur dire qu'on est là pour
faire du mal et c'est difficile pour eux. »
Face à ces difficultés, l'IDE 1 nous explique
que quand ces patients sont mieux, il peut essayer de montrer au patient que
les soignants sont là pour lui, pour l'aider. Il utilise les entretiens
et les activités thérapeutiques pour vivre des moments avec eux
et ainsi leur montrer sa bienveillance et établir un lien de confiance.
Un fonctionnement différent de l'IDE 2 qui aborde le travail en
équipe pour y faire face. Elle explique qu'elle transmet à ses
collègues lorsqu'elle est confrontée à une situation
difficile : « J'ai toujours bossé en individuel mais
grâce au collectif (...) je fais toute seule j'ai ma pensée, j'ai
mes idées mais par exemple quand je rencontre des difficultés
avec un patient je me réfère à l'équipe
».
Sous thème : Le travail en
équipe
Dans un premier temps, il semblerait que l'IDE 1 et l'IDE 2
soit d'accord avec le cadre pour dire que le travail en équipe est une
chose très importante pour plusieurs raisons et qu'il est présent
partout et à tout moment dans la prise en charge. Ils semblent tous deux
penser également que les transmissions et la communication en
équipe sont primordiales car les choses vécues par chaque
soignant avec le patient seront transmises entre collègue dans le but de
connaître le patient et d'établir une prise charge de
qualité ainsi qu'une relation de confiance. L'IDE 1 nous dit même
que : « Toutes les informations sont
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 39
importantes donc le fait qu'il y ait une équipe
pluridisciplinaire qui se transmet toutes les infos, ça aide à ce
que tous ensemble on soit dans le sens du patient, qu'on soit là pour
lui et son bien-être. » L `IDE 2 confirme ceci : « Je
ramène l'information à l'équipe pluridisciplinaire pour
partager, avancer et faire une bonne prise en charge ». Il semblerait
donc que le travail en équipe va permettre de continuer, d'avancer avec
le patient et que le fait de transmettre les informations entre professionnels
permet une prise en charge adaptée. Dans la théorie, P. Cauvin
définit le travail en équipe comme étant « le
lieu où se développent les solidarités, où se
renforcent les actions de chacun par le jeu des échanges, où
s'unifie l'activité, où se crée un esprit commun
» Une définition qui représente bien l'idée de
l'IDE 1 et l'IDE 2 avec un but commun qui est ici de mettre en place en
équipe une bonne prise en charge des patients schizophrènes. De
plus, d'après le cadre, travailler ensemble permet de comprendre,
à travers la disparité de ces membres, la complexité des
conflits intérieurs d'un patient schizophrène.
Ensuite, l'IDE 2 nous dit aussi que l'équipe permet de
« passer la main » quand on est en difficulté pour
avancer dans la prise en charge et pour le bien du patient. L'IDE 1 semble
d'accord avec ça et nous explique que « l'équipe
pluridisciplinaire joue un rôle important parce que ce qu'on ne va pas
réussir à faire en tant que soignant peut être qu'un
médecin psychiatre du fait de son statut va réussir à le
faire passer au soignant et inversement ce que le médecin ne va pas
réussir à faire parce que peut-être il sera vu comme le
persécuteur et bah nous soignant on peut travailler dessus.
»
L'IDE 2 est d'accord avec le cadre conceptuel pour dire que
chaque professionnel d'un service est une ressource et peut être
amené à aider l'autre. Elle nous dit qu'une équipe se
serre les coudes, que le fait d'être plusieurs a un côté
rassurant. Il semblerait que l'IDE 1 pense la même chose.
Enfin, contrairement à l'IDE 1 et à la
théorie, l'IDE 2 explique que l'équipe peut être
bénéfique ou non pour le patient schizophrène suivant les
situations. Elle nous dit que « Des fois c'est mieu que ce soit
restreint c'est mieu qu'il y ait qu'une seule personne ». Cependant,
l'IDE 2 rejoint le cadre et l'IDE 1 pour dire qu'il est parfois
bénéfique d'être plusieurs pour qu'il y ait du relais parce
que cela peut être lourd quand la communication est difficile. Dans les
recherches théoriques, l'équipe peut permettre de contenir la
pensée et l'émoi du patient, ce qui rend le caractère
difficile de ses angoisses plus supportable car elles peuvent être
partagées avec les différents soignants. Cela permet à la
personne schizophrène de diriger ses émotions dans plusieurs
directions, et donc d'en atténuer la force. L'IDE 2 souligne
également qu'il n'y a « rien de défini mais des fois il
y a des situations
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 40
où c'est bien que ça se dilue pour la
personne et la distance elle est là aussi c'est une façon de
mettre une distance ». Une idée qui s'apparente à celle
du cadre conceptuel.
4ème thème: La juste
distance
Sur la question de la juste distance, l'IDE 1 et 2 font tous
deux allusion au fait qu'il faut tout d'abord entrer en relation et
créer un lien avec le patient, ce qui prend du temps. Une fois cette
relation installée, la notion de juste distance prend place et c'est
à l'infirmière d'évaluer s'il doit être proche ou
distant ainsi que de poser des limites dans la relation. Dans le cadre
conceptuel, la juste distance sous-entend une évaluation des
circonstances et un travail progressif pour arriver à trouver
l'équilibre idéal, ce qui reprend les dires des deux infirmiers.
Il est dit également que les soignant doivent évaluer
eux-même cette distance et adapter celle-ci pour une bonne prise en
charge et pour que le patient se sente bien. L'IDE 2 est d'accord et ajoute que
« Le but c'est que le patient se sente bien quelques soit cette
distance qu'on a pu mettre avec la personne. »
D'après l'IDE 1 et 2, la juste distance sous-entend de
ne pas être trop proche, ni trop distant, c'est-à-dire qu'il faut
être là pour le patient mais savoir être distant quand cela
est nécessaire. Ce que l'on retrouve dans le cadre conceptuel, car il
est indiqué que la juste distance est une distance qui sépare
tout en gardant une approche suffisante, un équilibre qui se traduit par
une valse entre écartement et rapprochement. Ce n'est pas tant
être distant avec le patient mais plutôt d'être là
pour lui, pour l'accompagner tout au long de la prise en charge sans oublier
que nous sommes soignants. De plus, l'IDE 2 comme dans la théorie, nous
précise que cette distance fluctue en fonction de la personne et des
situations. Il est dit que la juste distance thérapeutique n'est pas
figée, qu'elle est mouvement constant. Elle bouge en fonction de
l'évolution du patient schizophrène, de ses envies et de son
projet de vie mais aussi en fonction des situations et de la relation. Ensuite,
l'IDE 2 finit par préciser que « c'est une chose
compliquée, l'être humain est compliqué 'a pas vraiment de
recette.
»
Par rapport aux bénéfices de cette juste
distance sur le patient schizophrène, l'IDE 2 nous dit que «
Plus tu vas savoir quand il faut être distant avec le patient, plus
ça va être bénéfique pour lui. Si tu arrives et que
tu es proche alors qu'il faut que tu sois distante, ça va être
enfermant pour le patient, tu ne seras pas en train de l'aider. »
L'IDE 1 semble d'accord avec l'IDE 2 mais l'exprime différemment :
« La juste distance thérapeutique est déterminante dans
le prise en charge d'un patient schizophrène car il faut que le patient
soit en confiance (...) et en même temps il faut aussi qu'on le confronte
à la réalité (...) pour trouver des mo ens de contrer ses
phases d'angoisses et ses phases de délire donc il faut
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 41
qu'on soit à la fois soignant, aidant de leur
côté et en même temps qu'on les confronte aussi un petit peu
avec la réalité. ». La théorie parle
également de la confiance et nous dit que plus la distance est juste
dans la relation entre le patient et le soignant, plus la confiance
s'installera et permettra une prise en charge de qualité. De plus, D.
Friard nous explique que « penser la relation seulement à
partir de la distance empêche de penser la proxémie. Qui ose la
relation doit donc savoir la doser pour allier les deux. Doser la relation
implique de considérer la distance comme un traitement en mesurant les
bénéfices qu'elle aura sur le patient », une chose que
confirme donc l'IDE 1 et l'IDE 2.
Dans la théorie, le soignant doit fixer des limites
dans la relation de soins et les maintenir. Ainsi, l'IDE 1 et 2 sont d'accord
et ont pour cela la même façon de faire. Pour les deux infirmiers,
il faut recadrer le patient pour garder cette juste distance lorsque ceci est
nécessaire. L'IDE 1 rappellera au patient qu'il n'est pas son ami et
qu'il est là en tant que soignant, pour l'aider. L'IDE 2 procède
de la même manière que l'IDE 1. Ce dernier nous explique
également qu'il appelle les patients par leur prénom mais que
pour garder la bonne distance, il garde le « vous ». Il nous explique
que cela va permettre « à la fois de rentrer dans leur
intimité (...) et en même temps de garder le vous qui fait qu'on
garde ce statut professionnel. »
Par ailleurs dans la partie théorique, la distance
apparait parfois comme nécessaire dans certaines situations dans le sens
où le soignant ne doit pas être trop proche du patient pour ne pas
entrer dans son délire et mettre en péril la prise en charge.
L'IDE 1 et l'IDE 2 sembleraient penser la même chose. En effet, pour
l'IDE 2, il y a des patients pour lesquels « il ne faut pas trop
être proche parce qu'on rentre dans leur bulle et eux ils nous
incorporent à leur délire ». L'IDE 1 nous explique une
idée similaire : « Je suis dans la juste distance dans le sens
où je suis du côté du patient, des fois j'accepte certains
éléments délirants sans pour autant les confirmer, c'est
à dire que j'acquiesce, mais je ne rentre pas dans son
délire.»
De plus, selon l'IDE 2, par rapport à la notion de
clivage chez le patient schizophrène, le soignant peut parfois devenir
le mauvais objet et il faut l'accepter et respecter ça. Elle nous dit
aussi « qu'il il faut savoir être là et ne pas être
là aussi, déjà pour pas que le patient soit
persécuté ». L'IDE 1 est en accord avec cette
idée car selon lui, la juste distance c'est à la fois être
là dans les bons moments mais aussi dans les mauvais : « quand
ils font des choses qui sont en dehors de la réalité, des fois
les confronter à ça, ça va peut-être nous
positionner pendant un temps en tant que persécuteur ».
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 42
Enfin, dans le cadre conceptuel, il faut être humble
pour passer le relais dans les situations difficiles afin de se protéger
et de protéger le patient et l'IDE 2 est en accord avec ceci. Elle nous
explique que l'humilité est importante car il faut pouvoir passer la
main quand ceci est nécessaire pour garder une juste distance.
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 43
7) La problématique
A l'issue de cette analyse, j'ai donc pu relever plusieurs
éléments de réponse et ainsi en déduire des
hypothèses en lien avec ma question de départ qui est : «
En psychiatrie, en quoi la juste distance dans la relation de soin IDE avec
un patient schizophrène permet-elle d'améliorer sa qualité
de vie ? ».
Globalement, nous pouvons constater que la juste distance peut
apparaitre comme une chose bénéfique pour le patient
schizophrène. En effet, il semblerait que plus la distance est
adaptée à la relation de soins, plus cela permet d'avancer dans
la prise en charge et donc d'aider le patient à progresser dans sa
maladie et ainsi améliorer sa qualité de vie. Comme nous l'avons
vu, la juste distance n'est pas une notion figée et évolue en
fonction de la dynamique de la relation mais aussi en fonction des situations
et de l'évolution du patient. Cet équilibre entre « trop
proche » et « trop distant » semble donc découler de la
relation et du lien de confiance entre le patient et le soignant. Une relation
de soins qui est également une notion importante dans la prise en
charge. Cependant, la confrontation entre la théorie et la pratique,
nous permet de constater une difficulté dans la relation de soins avec
le patient schizophrène délirant et non accessible. En effet, il
apparait plus difficile d'établir un contact avec un patient
persécuté qui est dans le déni de ses symptômes.
Ainsi, étant donné que la relation de soin est primordiale dans
la prise en charge de la personne schizophrène mais qu'il existe une
difficulté lorsque le patient est en phase aigüe de sa maladie
alors nous pouvons nous questionner sur les moyens qui permet une approche
thérapeutique avec le patient délirant. Quels types de
démarche de soins est-il possible de mettre en place ? Comment un
patient délirant en état aigu pourrait-il envisager de collaborer
en toute confiance avec les soignants ? De plus, étant donné que
la juste distance semble bénéfique pour le patient mais qu'elle
fluctue en fonction de la relation de soin et plus précisément en
fonction des situations et de l'état de la personne malade alors nous
pouvons également nous demander comment trouver la juste distance
thérapeutique dans la relation lorsque nous sommes face à une
phase aigüe ?
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 44
8) La question de recherche
Face à ce constat et après plusieurs
réflexions, une nouvelle question m'est donc apparue :
« En quoi, l'IDE peut-elle garder une juste distance
dans une relation de soin fragilisée par l'état de crise
aigüe d'un patient schizophrène ? »
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 45
DESPREZ Chloé | Travail de Fin d'Etudes IFSI de
Lisieux | Mai 2019 46
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