SECTION 3 : ANALYSE DU PHENOMENE DE « DE-RISKING
»
Question1 : Votre banque a-t-elle
connu des changements dans le nombre de relations de correspondance bancaire
avec des correspondants bancaires étrangers depuis 2010 ?
Figure n°34 : Le changement des CBR entre 2010 et 2017
Augmenté de manière significative
Fortement diminué
Diminué de manière significative Pas de changement
significatif
83%
4%0%
13%
Source : Travail personnel
Parmi les 24 banques interrogées, 83% d'entre elles
ont remarqué que le nombre de leurs relations de correspondance bancaire
a diminué d'une manière significative dans la période
allant de 2010 jusqu'au 2017.
L'enquête a révélé que 13% des
banques n'ont connu aucun changement important, alors que 4% ont indiqué
une augmentation significative de leur CBR, et aucune banque n'a
remarqué que ses CBR ont fortement diminué comme indiqué
dans Figure 21.
Question2 : Veuillez indiquer le
nombre de compte Nostro qui ont été résiliés et/ou
les restrictions imposées par des institutions financières
étrangères entre 2010 et 2017 ?
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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Figure n°35 : Le nombre des comptes Nostro
résiliés entre 2010 et 2017
15
10
5
0
Banque 1 Banque 2 Banque 3 Banque 4 Banque 5 Banque 6 Banque 7
Banque 8 Banque 9 Banque 10 Banque 11 Banque 12 Banque 13 Banque 14 Banque 15
Banque 16 Banque 17 Banque 18 Banque 19 Banque 20 Banque 21 Banque 22 Banque 23
Banque 24 Moyenne
Source : Travail personnel
D'après le graphique ci-dessus, nous remarquons
qu'entre 2010 et 2017, le nombre moyen des comptes Nostro52
résiliés est aux alentours de 9 comptes/banque (8.91). Le nombre
le plus grand est celui de la banque 22 avec 15 comptes résiliés,
par contre le nombre le plus petit est celui de la banque 1 avec seulement
trois comptes résiliés.
Il aurai été plus enrichissant que les banques
questionnées nous répondent par année afin de voir
l'impact de chaque année passée après la révolution
sur le nombre des CBR, mais nous n'avons pas pu parvenir à avoir les
détails de chaque année à cause de la non
disponibilité des informations auprès des banques
interrogées.
Question 3 : Veuillez
énumérer jusqu'à cinq juridictions (emplacements)
où les banques correspondantes étrangères ont
résilié et / ou imposé des restrictions sur votre banque
en tant que clients.
52 : Un compte « Nostro » est un compte bancaire
ouvert par une banque locale chez une banque étrangère. Cette
dernière exécute les opérations en devise de la banque
locale et lui comptabilise les frais nécessaires (source FMI)
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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Figure n°36 : Les juridictions où les banques
correspondantes ont résilié /imposé des restrictions
sur les banques tunisiennes.
1
USA Bretagne Allemagne Francçe Italie Espagne Japon
100%
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88%
90%
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80%
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75%
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70%
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58%
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60%
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50%
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40%
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21%
17%
29%
Source : Travail personnel
Les résultats de l'enquête ont indiqué
que les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France, l'Italie,
l'Espagne et le Japon étaient les pays d'origine des banques
étrangères qui ont supprimé / imposé des
restrictions aux banques tunisiennes. Les banques américaines se
trouvent en tête des banques qui ont rompu leurs relations commerciales
avec les banques tunisienne, 88% des banques participantes faisant état
de la perte de CBR auprès de banques américaines.
Il semblerait que les banques tunisiennes ne sont pas
assujetties aux mêmes directives réglementaires que les banques
américaines et n'atteignent pas leurs exigences en termes de mesures
prises pour la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du
terrorisme. Par conséquent, elles peuvent poser un risque
élevé à leurs correspondants respectifs dans les banques
américaines.
Nous revenons avec plus de détails dans ce qui suit
sur les principales causes de résiliations des CBR.
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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Figure n°37 : Les devises affectées
100% 95%
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90%
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85%
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60%
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50%
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40%
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30%
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20%
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10%
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0%
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USD Euro Autre devise
Source : Travail personnel
Sur les 20 banques participantes (sur 24) dont les CBR ont
baissé, 19 banques ont indiqué que les virements internationaux
en USD étaient considérablement affectés ; 17 banques ont
indiqué un impact significatif sur les virements électroniques en
euros et 4 banques en d'autres devises étrangères (Figure 24).
Question 4 : Quelles ont
été les causes / facteurs principaux dans les décisions
des institutions financières étrangères de résilier
ou de restreindre les relations de correspondants bancaires (CBR)
étrangers auprès de votre banque ?
A travers cette question, nous cherchons les causes
principales qui ont mené les banques étrangères à
mettre fin à leurs relations de correspondance bancaire avec les banques
installées sur le territoire tunisien. Pour cela, nous avons
proposé seize causes qui peuvent être la raison principale de
cette restriction.
Après avoir collecté les informations
auprès des banques, nous avons remarqué qu'il existe deux causes
principales qui ont eu 80% des réponses des banques. La première
cause concerne la nature de notre juridiction et sa soumission à des
contre-mesures ou identifiée comme ayant des déficiences
stratégiques en matière de LBC / FT par le GAFI (ou un autre
organisme international). La deuxième cause concerne les
préoccupations en matière de risques de blanchiment d'argent et
de financement du terrorisme dans notre juridiction. En troisième
position nous constatons que les impositions de sanctions internationales sur
notre juridiction
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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constituent également une cause. Ceci nous amène
à conclure que les dernières décisions du GAFI ainsi que
le classement de la Tunisie parmi les paradis-fiscaux et les pays à haut
risque a dû impacter les CBR avec les banques étrangères.
(Figure38).
Toutes ces causes mettent l'accent sur les
défaillances du système bancaire tunisien et le retard qu'il
accuse en termes de réglementations relatives à la lutte contre
le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme qui prennent beaucoup
plus d'importance dans les pays développés.
Ainsi, les solutions à proposer naissent de ces causes
qu'il faut corriger. En effet, les banques tunisiennes doivent renforcer leurs
dispositifs de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du
terrorisme qui n'a pas eu, jusque-là, l'importance nécessaire
auprès des responsables conformité de ces banques. Le manque
d'effectif ainsi que, les ressources nécessaires n'ont pas permis aux
banques de suivre la réglementation internationale et les
recommandations du GAFI. C'est ce qui explique les résultats obtenus de
l'analyse du questionnaire.
De plus, le manque de liquidité dans le système
bancaire et chez les banques, ne leur permet pas de refuser des clients
à cause de leurs risques face au blanchiment d'argent. En effet,
certaines banques peuvent accepter d'ouvrir des comptes à des clients
à haut risque et ne pas suivre la politique KYC pour leurs besoins des
fonds. Cela les expose à des sanctions réglementaires de la part
de la BCT d'une part et à la fuite de leurs correspondants
étrangers d'autre part.
A titre d'exemple, quatre banques tunisiennes se sont
trouvées impliquées, entre 2013 et 2014 dans des transferts
« douteux » d'environ un million de dollars.
« Les documents dont nous disposons, par le biais
d'ARIJ (Arab Reporters For Investigative Journalism), et leur source l'OCCRP
(Organised Crime and Corruption Reporting Project), montrent que 4 banques
tunisiennes, parmi les premières dans le pays, selon le classement
bancaire de 2016, ont reçu, entre 2013 et 2014, des transferts «
douteux » d'argent, d'un montant global estimé à un million
de dollars (2,49 millions de dinars). Quatre transferts en dollars et en euros
ont été effectués au profit d'une société
serbe non résidente en Tunisie. »53
53 Source : espace manager, enquête-explosive des banques
et des sociétés tunisiennes impliquées dans le blanchiment
d'argent
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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Figure n°38 : Les causes / facteurs principaux qui ont
poussé les institutions financières étrangères
à résilier ou restreindre les relations de correspondants
bancaires (CBR) étrangers auprès des banques tunisiennes
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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83,3%83,3%
75,0%
62,5%
33,3%
33,3%33,3%
29,2%
25,0%
41,7%
33,3%
20,0%
10,0%
0,0%
16,7%
8,3%
62,5%66,7%
54,2%
90,0%
80,0%
70,0%
60,0%
50,0%
40,0%
30,0%
79
Imposition de sanctions internationales sur votre juridiction
Imposition de mesures d'exécution par l'autorité
nationale à l'institution financière étrangère
concernée
Votre juridiction est identifiée comme ayant des
déficiences stratégiques en matière de LBC / FT par le
GAFI
Préoccupations concernant les risques de BA/FT dans votre
juridiction
La cote de risque de crédit souverain de votre
juridiction
Coût pour les institutions financières
étrangères d'entreprendre une vérification diligente de la
clientèle auprès des clients de vos institutions
financières
La clientèle à risque élevé de vos
institutions financières
Le non-respect par les institutions financières de la LBC
/ FT ou des sanctions
Insuffisances concernant les contrôles internes de vos
institutions financières en matière de LBC / FT
Impact des réformes de la réglementation
financière convenues au niveau international (autres que la LBC / FT)
Changements apportés aux exigences légales,
réglementaires ou prudentielles dans la juridiction des institutions
financières étrangères qui ont des implications sur le
maintien des RBC (par exemple, les
sanctions américaines et FATCA)
L'appétit global pour le risque de l'institution
financière étrangère
Respect des exigences juridiques / de surveillance /
réglementaires préexistantes par les institutions
financières étrangères
Consolidation de l'industrie dans la juridiction d'une
institution financière étrangère
Changements structurels aux institutions financières
étrangères et / ou réorganisation du portefeuille
d'activités
Manque de rentabilité de certains services / produits CBR
étrangers
Source : Travail personnel
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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Question 5 : Veuillez décrire
l'impact de la baisse des CBR étrangers de votre banque sur votre
capacité à effectuer des opérations en capital et en
compte courant libellées en devises étrangères (en votre
nom ou au nom de vos clients), par région ?
Figure n°39 : Impact de la baisse des CBR sur la
capacité des banques à effectuer des opérations en
capital et en compte courant en devises
100,0%
Afrique Asie de l'est et
pacifique
15,0%
5,0%
87,5%
8,3%4,2%
Important modérément important aucun impact
0,0%
Europe Région arabe Asie du sud Etat Unis Amérique
du
nord hors les états unis
66,7%
33,3%
83,3%
12,5%
4,2%
0,0%
41,7%
58,3%
0,0%0,0%
100,0% 95,8%
4,2% 0,0%
Source : Travail personnel
Les banques interrogées dont les CBR ont baissé
ont indiqué que la région arabe, l'Asie de l'Est et pacifique et
l'Afrique avaient notamment un impact important sur leur capacité
à effectuer des transactions en capital et en compte courant
libellées en devises étrangères (pour leur compte ou pour
le compte de leurs clients) et en second lieu l'Europe avec un impact
modérément important.
Autrement dit, les banques ont eu des difficultés
à maintenir leurs CBR avec les banques de ces régions et par
conséquent elles ne peuvent satisfaire les besoins de leurs clients en
matière des opérations en capital et/ou en compte courant en
devises (le transfert ou bien les virements en devises principalement pour les
fournisseurs étrangers)
Question 6: Veuillez nous indiquer
l'impact de la baisse des CBR étrangers de votre banque sur votre
capacité à accéder aux produits / services suivants ?
Les banques participantes ont indiqué que la baisse de
leurs CBR affecte considérablement leur capacité à
desservir les clients et les segments de clients suivants (Figure 25) :
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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81
Figure n°40 : Impact de la baisse des CBR étrangers
des banques tunisiennes sur leurs capacités à accéder
aux différents produits / services
Compensation et règlement
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Services de changes
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Services d'investissement
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Financement du commerce
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Virements électroniques internationaux
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Prêts
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95,8%
91,7%
91,7%
87,5%
4,2% 0,0%
4,2%
83,3%
12,5%
75,0%
12,5%
8,3%
0,0%
0,0%
16,7%
8,3%
0,0%
8,3%
Important Modérément important aucun impact
Source : Travail personnel
D'après ce graphique, nous remarquons que 91.7% des
banques interrogées ont signalé que l'activité principale
affectée par le phénomène du « De-risking » est
celle qui concerne le transfert des fonds et principalement les virements
électroniques internationaux.
Ces banques ont trouvé que l'impact du «
De-Risking » sur cette activité est très important et
perturbe leurs relations clients. Prenons l'exemple d'un client qui se trouve
bloqué de régler sa facture pour le compte de son fournisseur
à cause d'absence ou de restrictions de la part du correspondant
étranger de sa banque, par conséquent il va changer de banque.
Dans ce même contexte, plusieurs banques tunisiennes ont
du suspendre leurs opérations avec les banques syriennes, depuis que la
Syrie a été classée comme pays à haut risque et que
le FATCA a interdit tout échange avec elle. De ce fait, ces banques ont
perdu des clients qui font des importations de la Syrie.
Question 7: Veuillez nous indiquer
l'impact de la baisse des CBR étrangers de votre banque sur votre
capacité à servir les clients / segments de clientèle
suivants ?
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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Figure n°41 : Impact de la baisse des CBR étrangers
des banques tunisiennes sur leurs capacités à servir leurs
clients / segment client
100,0% 95,8%
0,0% 0,0%
33,3%
4,2%
0,0%
0,0%
66,7%
Transfert d'argent Trasnfert de fonds aux fournisseurs Petits et
moyens exportateurs
Important Modérément important aucun impact
Source : Travail personnel
Comme nous l'avons déjà évoqué
dans la question numéro 6, les clients affectés par la baisse des
CBR étrangers auprès des banques tunisiennes sont principalement
les commerçants. 95.8% des banques interviewées ont
répondu que ces derniers qui font de l'importation qui ont besoin des
devises pour régler leurs factures pour le compte de leurs fournisseurs
sont les plus touchés par les décisions de résiliation des
CBR étrangers. 66.7% ont trouvé que les petits et moyens
exportateurs sont modérément impactés.
En effet, d'après les responsables interviewés,
les clients les plus touchés par la baisse ou les restrictions sur les
CBR étrangers sont les importateurs auprès des pays à
risque élevé avec lesquels les organes de contrôle ont
interdit tout échange.
Avec de telles restrictions, certains clients des banques ont
fait faillite car ils ne peuvent plus continuer leurs activités et les
banques ont perdu, de ce fait, des clients.
Question 8: Lorsque votre CBR a
été résilié ou restreint à
l'étranger, a-t-il été en mesure de trouver des
remplaçants ou d'établir une solution de rechange pour chaque
relation résiliée (c.-à-d. Maintenir le nombre de CBR)
?
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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Figure n°42 : Solution trouvée pour la
résiliation / restriction des CBR
Oui
Non
12,5%
87,5%
Source : Travail personnel
Près de 88% des banques dont les CBR ont
été fermées ou restreintes ont été capables
de trouver des CBR de remplacement. 12.5% seulement, n'ont toujours pas pu
trouver de remplaçants ni d'arrangements alternatifs (Figure 29).
Ce pourcentage de 12.5% correspond à trois banques qui
n'ont pas encore trouvé de remplacements. Ceci est le cas des banques
qui ont traité auparavant avec des Shell bank ou avec des clients
douteux et qui ont été sanctionnées ou averties par les
organismes de contrôle. Parmi ces trois banques, deux sont publiques.
Sur les quatre banques publiques, deux sont menacées
dans leur rentabilité à cause des difficultés qu'elles
affrontent à trouver des correspondants étrangers nouveaux. En
effet, ce blocage incite leurs clients à changer de banque pour
accomplir leurs opérations internationales.
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Le « De-Risking », Comment combattre ce
phénomène ?
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85
Figure n°43 : Comment avez-vous trouvé la
solution
Extrêmement difficile
Difficile
Pas difficile
0,0%
34,8%
65,2%
Série1
70,0%
60,0%
50,0%
40,0%
30,0%
20,0%
10,0%
0,0%
Source : Travail personnel
Parmi les banques qui ont pu trouver des remplaçants
ou des solutions de remplacement, 65.2% d'entre elles ont répondu
qu'elles ont facilement trouvé un CBR de remplacement ou des
arrangements alternatifs. Tandis que plus de 34% ont déclaré
qu'il était extrêmement difficile d'obtenir un CBR de remplacement
ou de trouver un autre moyen. Certaines banques ont évoqué un
coût important en temps et en argent, en plus des conditions qui ne sont
plus comparables à celles de leurs CBR antérieures.
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