Le Comité a examiné le quatrième rapport
périodique du Maroc4(*)1 à sa session d'octobre 1999. Le rapport
renferme, entre autres, des renseignements sur l'adoption de la Constitution de
1996, qui souscrit aux principes, droits et obligations découlant du
Pacte; le projet de code du travail qui édicte des règles
interdisant toute discrimination entre les travailleurs, notamment sur la base
du sexe; l'adhésion à la Convention sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes; la
stratégie d'action du Ministère chargé des droits de
l'homme visant à promouvoir les droits de la femme dans tous les
domaines; le fait que la peine de mort, quoique toujours en vigueur, est
généralement commuée en emprisonnement à vie par
les tribunaux qui invoquent des circonstances atténuantes; la
primauté du Code de procédure pénale qui prévoit
les formes dans lesquelles se déroule le procès depuis
l'enquête de police jusqu'au jugement définitif. Le rapport fait
également état de ce qui suit : le projet de réforme qui
vise à aligner la législation sur «l'Ensemble de
règles minima pour le traitement des détenus»; la
dégradation des conditions de détention, due notamment au
surpeuplement des prisons; l'emprisonnement pour manquement à une
obligation contractuelle; la reconnaissance du libre exercice public du culte
pour les religions monothéistes; le consentement requis pour le mariage,
les amendements au Code de statut personnel et l'abolition du mariage
forcé; l'adoption du système parlementaire à deux
assemblées, constitué d'une chambre des représentants et
d'une chambre des conseillers.
Dans ses observations finales4(*)2, le Comité se félicite de: l'adoption
de la Constitution de 1996; la commutation des condamnations à la peine
de mort qui s'applique depuis 1994; les nouvelles procédures qui
permettent de pratiquer des autopsies dans le cas des personnes mortes en
détention; la remise en liberté de nombreux prisonniers, la
délivrance de passeports à des opposants politiques et le retour
d'exil d'un certain nombre d'entre eux; le droit des détenus à
des examens médicaux; la création d'un Ministère des
droits de l'homme, d'un Conseil consultatif des droits de l'homme, d'une
Commission d'arbitrage, d'un Observatoire national des droits de l'enfant et
d'un plan d'action national pour l'intégration des femmes; l'accord
conclu avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme concernant la
création d'un centre de documentation et de formation en matière
de droits de l'homme, chargé de dispenser une formation aux droits de
l'homme.
Parmi les principaux sujets de préoccupation du
Comité, on relève, entre autres: le fait que le Pacte soit
incorporé dans le droit interne mais que les effets de cette mesure sur
la législation nationale ne soient pas clairs; le rythme
extrêmement lent des préparatifs en vue d'un
référendum au Sahara occidental sur la question de
l'autodétermination, ainsi que l'absence d'informations sur la promotion
des droits de l'homme dans cette région; le fait que le Conseil
consultatif des droits de l'homme n'a pas encore résolu de nombreux cas
de disparition au Maroc ni n'en a été encore saisi; le fait que
la législation marocaine ne précise ni ne limite les
dérogations qui peuvent être apportées aux droits en cas de
danger exceptionnel; le manque d'informations précises sur la situation
de fait des femmes; le taux élevé d'analphabétisme chez
les femmes, qui montre bien qu'elles ne jouissent pas de
l'égalité des chances dans tous les aspects de la vie sociale; la
stricte interdiction de l'avortement et la stigmatisation des femmes qui
donnent naissance à un enfant hors de liens du mariage; le fait qu'il
n'existe aucun programme spécial, aucune sanction prévue par la
loi ni aucune mesure de protection pour venir à bout de la violence et
des agressions sexuelles contre les femmes; le fait que certains aspects de la
législation pénale ne garantissent pas la protection, dans des
conditions d'égalité, des droits des femmes; le nombre
d'infractions qui demeurent passibles de la peine de mort.
Le Comité déplore en outre le nombre
élevé d'allégations de torture et de mauvais traitements
de détenus mettant en cause des membres de la police, et la façon
dont on a donné suite à ces allégations; la durée
de la garde à vue d'un suspect avant qu'il soit traduit devant un juge,
le fait que le procureur général est habilité à
prolonger cette garde à vue et que les personnes placées en garde
à vue n'ont pas nécessairement accès aux services d'un
avocat; la durée de la détention provisoire; le manque
d'informations précises sur la loi et la pratique en ce qui concerne la
liberté de circulation sur le territoire de l'État et le droit
d'y entrer et de le quitter; le fait que l'indépendance de la
magistrature n'est pas pleinement garantie; le fait que la liberté de
religion et de conviction n'est pas pleinement garantie; le fait que le Code de
la presse renferme des dispositions qui restreignent gravement la
liberté d'expression en autorisant la saisie de publications et en
prévoyant des sanctions dans le cas d'infractions définies au
sens large; la portée de l'obligation de déclaration
préalable des réunions et l'obligation de délivrance du
récépissé correspondant qui revient de fait à
limiter le droit de réunion.
Le Comité recommande au gouvernement :
· de ratifier le Protocole facultatif;
· d'agir promptement et de coopérer pleinement
à l'achèvement des préparatifs en vue du
référendum au Sahara occidental;
· d'intensifier les recherches pour localiser toutes les
personnes portées disparues, de remettre en liberté les personnes
qui se trouveraient encore en détention, et de fournir la liste des
prisonniers de guerre à des observateurs indépendants, de dire
aux familles où se trouvent les restes des personnes disparues dont on
sait qu'elles sont décédées, d'engager des poursuites
contre les responsables des disparitions ou des décès, et
d'indemniser les victimes ou leurs familles dans le cas où des droits
ont été violés;
· de veiller à ce que sa législation et sa
pratique soient pleinement conformes aux obligations qui lui incombent en vertu
de l'article 4 du Pacte;
· de redoubler d'efforts pour combattre
l'analphabétisme, l'absence d'éducation et toutes les formes de
discrimination contre les femmes, d'appliquer intégralement le principe
d'égalité garanti dans le Pacte et de faire en sorte que les
femmes jouissent dans des conditions d'égalité de tous les droits
et de toutes les libertés;
· de faire en sorte que les femmes aient pleinement
accès, dans des conditions d'égalité, aux services de
planification familiale et aux moyens contraceptifs et que les sanctions
pénales ne soient pas appliquées de manière à
accroître le risque pour leur vie et leur santé; d'adopter des
mesures juridiques et des mesures de protection pour garantir le droit des
femmes à la sécurité de leur personne;
· d'aligner sa législation sur sa politique
actuelle en abolissant totalement la peine de mort, et à tout le moins
limiter l'application de la peine de mort aux crimes les plus graves, comme
l'exige l'article 6 du Pacte; de remplir l'engagement qu'il a pris de fournir
une liste de toutes les personnes condamnées à mort;
· d'adopter des mesures résolues pour
éliminer la pratique de la torture, et de promulguer des lois faisant de
la torture une infraction pénale et excluant la recevabilité en
tant qu'élément de preuve de tout aveu ou de toute
déclaration obtenus sous la torture ou la contrainte; de mettre en place
des mécanismes appropriés pour contrôler en toute
indépendance les centres de garde à vue et les prisons; d'ouvrir
des enquêtes sur tous les cas de torture et de mauvais traitements
signalés; de poursuivre les responsables et d'indemniser les victimes
d'actes de torture;
· de veiller à ce que sa législation et
ses procédures soient conformes aux garanties énoncées
à l'article 9;
· d'adopter une législation appropriée de
manière à garantir la présomption d'innocence, et
d'assurer l'exercice d'un droit de recours dans toutes les affaires
pénales;
· de veiller à ce que ses lois soient tout
à fait conformes à l'article 12 du Pacte, à ce que les
lois soient transparentes et à ce que des recours utiles soient
disponibles pour faire valoir les droits protégés par l'article
12;
· de prendre des mesures pour assurer
l'indépendance et l'impartialité de la magistrature et en
particulier pour faire en sorte qu'il y ait des mécanismes
disciplinaires efficaces et indépendants;
· de prendre des mesures pour assurer le respect de la
liberté de religion et de conviction, et de faire en sorte que sa
législation et ses politiques soient pleinement conformes à
l'article 18 du Pacte;
· de modifier ou d'abroger le dahir de 1973 et
d'aligner pleinement toute sa législation pénale et civile sur
l'article 19 du Pacte; de remettre en liberté les personnes dont la
condamnation et l'incarcération sont incompatibles avec ces
dispositions;
· de limiter l'obligation de déclaration
préalable aux réunions sur la voie publique, et d'adopter des
procédures pour faire en sorte qu'un récépissé soit
délivré dans tous les cas.
Il convient de noter enfin qu'à sa 81è Session
tenue du 5 au 30 juillet 2004 à Genève, le Comité a, outre
la Belgique, le Liechtenstein et la Serbie-et-Monténégro,
présenté des observations finales sur le rapports de la Namibie
et adopté des observations provisoires, à titre confidentiel,
à l'intention du gouvernement de la République centrafricaine,
à la suite de l'examen de la situation dans cet Etat partie, en
présence d'une délégation mais en l'absence de tout
rapport, le pays n'ayant pas produit de rapport depuis son adhésion au
Pacte en 1986. Lors de sa toute prochaine session, le Comité
a prévu d'examiner, entre autres, les rapports du Bénin
et du Maroc. Il examinera en outre la situation au Kenya, Etat partie au Pacte
très en retard dans la présentation de ses rapports.