Section II: Les mesures d'ordre institutionnelles
En sus des incitations législatives, les Etats se
dotent d'institutions pour accompagner les investisseurs étrangers dans
leurs opérations. Ces institutions répondent à la
volonté affirmée de clarifier et de présenter de
façons cohérentes l'ensemble des normes applicables à une
opération ou une autre135. Les institutions ont une vocation
double. Elles accueillent les demandes des investisseurs étrangers, et
elles les orientent dans leurs projets selon le secteur d'activité.
L'Etat camerounais a mis sur pied un certain nombre de
structures chargées de faciliter les opérations
d'investissements. L'on retrouve deux catégories ici : les institutions
qui interviennent en amont de l'installation de l'investissement (PARAGRAPHE 1)
et celles qui interviennent en aval (PARAGRAPHE 2).
Paragraphe 1: les institutions d'accompagnement
en phase d'installation / implantation de l'investisseur
Il s'agit de toutes les institutions qui encadrent
l'investisseur étranger durant l'installation de son activité sur
le territoire camerounais. Il va des institutions de droit commun (A) et des
institutions spécifiques à certains secteurs d'activités
(B).
133 Idem
134 Il s'agit d'un « document qui comptabilise toutes les
opérations commerciales effectuées entre les résidents et
les non-résidents au cours d'une année, selon leur nature
financière ou non financière » définition
tirée de PEYRARD (M), PEYRARD (J), Dictionnaire de Finance
2e Edition. Vuibert, 2001 p. 24
135 A. DE NANTEUIL, Op.cit. p. 150
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A) Les institutions de droit commun
Nous présenterons tour à tour l'institution qui
accorde les incitations aux investisseurs directs étrangers (1),
également l'institution qui facilite la création d'entreprise au
Cameroun (2).
1) L'Agence de Promotion des investissements
(API)
L'API est instituée par la Charte des Investissements
de 2002. Puis mis sur pied par le décret n°2005/310 du
1er septembre 2005 portant organisation et fonctionnement de l'API.
Cependant ce n'est qu'en 2010 que cette agence a réellement
commencé à fonctionner. Elle a pour mission la mise en place
d'une base de données des projets et d'en assurer la diffusion.
a) Fonctionnement de l'API
Depuis 2017, l'API jouit d'une autonomie financière.
En effet à l'article 35 de la loi du 12 juillet 2017 modifiant et
complétant certaines dispositions de la loi de 2013, l'agence
bénéficie de 15% des ressources collectées au titre de
contribution au Crédit foncier du Cameroun et 15% des ressources
collectées au bénéfice du Fond spécial des
télécommunications. Le principal but visé par ce nouveau
texte juridique est la réduction des lenteurs administratives, ainsi que
la réduction des lourdeurs dans les procédures d'octroi de
l'agrément au regard des nombreux intervenants.
Au plan administratif, l'agence est désormais sous la
tutelle technique du secrétariat général de la
présidence de la République du Cameroun.
b) Missions de l'API
Les missions de l'agence sont maintenues à savoir :
? La réception des dossiers de demande
d'agrément
? L'instruction des dossiers
? L'obtention des visas d'entrée des investisseurs pour la
période de validité de l'acte
d'agrément ainsi que pour le personnel étranger
? L'assistance des entreprises agréées dans les
démarches nécessaires à l'exécution des
programmes d'investissements
? De veiller au respect des engagements souscrits dans l'acte
d'agrément
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L'agence soumet un rapport de l'activité
d'investissement chaque année au président de la
République.
Elle délivre l'acte assurant le passage de la phase
d'installation à la phase d'exploitation. Le dossier de traitement de la
demande d'agrément est de 5 jours au sein du Guichet unique pour tenir
compte du respect de la conformité du dossier. Mais également des
requêtes d'examen de prorogation de la phase d'installation. Celle-ci est
de 15 jours.
L'agence accueille, oriente et installe les investisseurs
étrangers dès leur arrivée sur le territoire camerounais.
Pour ce faire, elle dispose d'un guichet d'accueil des étrangers dans
chaque aéroport du Cameroun.
A ce jour, l'agence a généré plus de
trois mille milliards (FCFA 3.000.000.000.000) de FCFA en cinq (05) ans. Depuis
la mise en oeuvre de la loi du 18 avril 2013 portant incitations à
l'investissement privé en République du Cameroun, 130 conventions
d'investissements ont été signées entre le gouvernement et
le secteur privé à travers l'encadrement et l'accompagnement de
l'API136.
c) Difficultés rencontrées
Toutefois l'agence peine à réaliser efficacement
sa mission première. Ceci est due en partie au manque de textes
d'application prévus par la charte de 2002 ce qui freine les agissements
de l'API. De plus l'on observe des lenteurs administratives pour la
délivrance des autorisations aux investisseurs. En effet c'est au
président de la République de valider ou non la demande
d'agrément faite par l'investisseur. L'investisseur se retrouve souvent
à attendre des mois avant de pouvoir bénéficier des
avantages prévus par la loi de 2013. Ce qui dépasse largement le
délai de 15 jours prévu dans les textes137.
2) Le Centre de Formation et de Création des
entreprises
Qui fonctionne comme un guichet unique de création de
sociétés. Il regroupe des représentants de chacune des
directions intervenants dans les formalités de création d'une
société commerciale au Cameroun. En son sein, on retrouve :
l'administration fiscale, la CNPS138, le RCCM139entre
autre.
136 Forum camerounais de l'investissement
137 Données recueillies à l'occasion d'un entretien
avec un cadre de l'API, M.OBEN (J).
138 Caisse Nationale de Prévoyance Sociale
139 Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
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Le délai des formalités légales de la
création d'une entreprise au Cameroun a réduit et est
passé à seize jours pour les hommes et dix-sept pour les
femmes.
Présentons les institutions régissant des
régimes spécifiques d'investissements.
B) Les institutions encadrant un régime
spécial d'investissement
Deux principaux régimes seront abordés ici : le
régime des zones franches industrielles (1) puis celui des contrats de
partenariat public-privé (2).
1) L'ONZFI (Office National des Zones Franches
Industrielles)
La mise en place des ZFI répond à la
sollicitation des bailleurs de fonds étrangers du Cameroun. Elle fait
partie des solutions préconisées pour aider le pays à
surmonter la crise économique de la décennie
1986-1996140. La zone franche devant ainsi permettre la
création d'emplois, stimuler l'économie nationale par une relance
des activités industrielles tournées vers l'extérieur
ainsi que le transfert de technologies, le développement des
opérations de sous-traitance en faveur des entreprises locales,
l'intensification de la valorisation des matières premières, la
diversification du tissu etc.
Cet organisme est le guichet unique des zones
franches141. De ce fait il exerce des missions principales (a) et
également une fonction contentieuse (b).
a) Missions de l'ONZFI
Avant dénoncer les missions de cette institution, il
convient de rappeler sa constitution administrative. L'ONZFI est dirigé
par un conseil d'administration qui est composé de neuf membres parmi
lesquelles six personnalités du secteur privé et trois du secteur
publique. Son budget est alimenté par les opérateurs et les
entreprises des zones franches.
Les missions sont contenues à l'article 5 de
l'ordonnance de 1990 fixant le statut des zones franches industrielles. Parmi
lesquelles :
? Réceptionner et examiner des dossiers de demande du
statut de zone franche industrielle ;
140 J. MOUANGUE KOBILA, Le Cameroun face à
l'évolution du droit international des investissements,thèse
en droit public, Université de Yaoundé II, 2004 p. 371
141 Il est à rappeler que la zone franche est une :
« Partie du territoire d'un Etat qui quoique relevant de sa
souveraineté, est placée en dehors de son territoire douanier,
par décision unilatérale de cet Etat ou par l'effet d'une
convention internationale» ; Définition tirée de J.
SALMON, Dictionnaire de droit international public, Op cit., p.
1152
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? délivrer le récépissé ;
? Délivrer le permis de promoteur ou d'opérateur
après examen du dossier ;
? Mettre en place des procédures de règlement
amiable des différends entre promoteurs et entreprise ;
? Constater les infractions à l'ordonnance et fixer les
amendes pour réprimer ces dernières ;
Il convient de rappeler que cette liste n'est pas exhaustive.
Nous avons présenté les principales, car elles cadrent avec notre
analyse. Outre ses fonctions administratives, l'ONZFI a également des
prérogatives contentieuses.
b) Fonction contentieuse de l'ONZFI
Les attributions contentieuses de l'ONZFI sont contenues
à l'article 27 de l'ordonnance n°90/001 du 29 janvier 1990
créant le régime de la zone franche au Cameroun. Il est
prévu qu'en cas de violations répétées de
l'ordonnance portant régime des ZFI, l'ONZFI peut prononcer l'annulation
du certificat de conformité de l'entreprise incriminé,
retiré le permis du promoteur ou de l'opérateur
récalcitrant et annuler les permis de séjour et de travail d'un
travailleur étranger de zone franche industrielle qui ne satisfait pas
aux exigences liées à la détention de ces
pièces.
2) Le Conseil d'Appui à la Réalisation
des Contrats de Partenariats (CARPA)
Nous nous attarderons succinctement sur les missions (a) de la
CARPA et ses réalisations (b).
a) Missions
Organisme créé en 2006 par le décret
n°2008/035 portant organisation et fonctionnement du Conseil d'Appui
à la Réalisation des Contrats de Partenariats. Cet organisme est
chargé de l'évaluation des projets éligibles aux contrats
de partenariat142. Sa création avait été
annoncée dans la loi de 2006 fixant le régime
général des contrats de partenariats.
b) Réalisations
Depuis son implémentation en 2008, le CARPA a
donné son accord pour la réalisation de nombreux projets de
partenariat public-privé. Il s'agit de la deuxième phase de
142 Article 1er du décret n°2008/0352 du
23 janvier 2008
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construction de l'autoroute Douala-Yaoundé ; la
construction d'un poste de péage moderne et la construction de la gare
routière de Bamenda143.
Le 7 janvier 2013, le gouvernement a rendu public une liste de
vingt-et-un projets susceptibles d'intéresser les investisseurs locaux
et étrangers dans le domaine infrastructurel de la construction de
terminaux spécialisés pour le port en eau profonde de Kribi, de
la construction d'une ligne de chemin de fer de 70 km entre Douala et Limbe, la
construction de deux tramways dans les villes de Douala et Yaoundé.
Dans le domaine immobilier, on retrouve des projets tels que
la construction de logement universitaires dans les universités de
Yaoundé II-Soa, Dschang, Bamenda et Maroua.
Dans le secteur de l'énergie, l'on retrouve des projets
tels que la construction d'une centrale hydroélectrique à Njock
d'une puissance de 117MW. Et enfin la construction de magasin de stockage sur
l'étendue du territoire camerounais144.
L'on se rend donc compte que le CARPA, dans l'exercice de ses
prérogatives participe activement au renouvellement des infrastructures
publiques145 et l'amélioration de la qualité des
services aux citoyens par la mise en oeuvre des partenariats
public-privé.
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