Conclusion
De par l'importance accordée aujourd'hui à la
question du vivre-ensemble en tant que résultat des dynamiques de
changements sociaux, on s'aperçoit que le vivre-ensemble n'est pas une
donnée naturelle, encore moins le résultat d'une simple
homogénéisation du potentiel humain de la diversité.
Dès lors, il ne pourrait résulter que d'un artéfact de
l'intelligence humaine se donnant pour tâche de décloisonner les
identités (collectives et individuelles) en faisant de l'expression des
différences une source mutuelle d'entente. Ainsi compris, à la
lecture de Un humanisme de la diversité, nous nous sommes
proposé d'établir les conditions d'une existence, non de type
monadique, mais d'une existence ouverte au pluralisme. Replacée dans le
contexte de l'Afrique noire, cette lecture nous a donc permis d'assurer les
conditions de passage d'une nation ethnique à une nation civique. Pour
en rappeler les mots clés à partir desquels pourrait
émerger le sentiment d'appartenir à une seule et même
nation : retour à l'éthique comme gage d'une consolidation de la
démocratie, responsabilité de tout un chacun à tous les
niveaux, éducation à la citoyenneté (partant de la cellule
familiale), discussions ouvertes aux identités ethniques dans des
espaces publics nationaux, forums d'échanges et sensibilisations
populaires consacrés aux défis et aux enjeux d'une construction
nationale dans les États d'Afrique noire.
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230 A. Renaut, Quelle éthique pour nos
démocraties ?, op. cit., p. 77.
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Conclusion de la deuxième partie
En définitive, il apparaît qu'il n'y a pas de
rupture nette entre les réalités africaines et l'idéal de
la démocratie, mais ce simple constat ne nous satisfait pas. On a toute
raison, nous semble-t-il, d'imputer l'échec de la démocratie en
Afrique noire au traitement idéologique de la diversité ethnique.
Sans toutefois que cela implique un changement fondamental de perspective. Cela
peut même nous amener à lire la modernité en Afrique noire
contre la modernité elle-même quand on reconnaît, à
l'unisson aujourd'hui, que la récurrence du phénomène
identitaire paraît se nourrir du syndrome de «
démodernisation231 » liée à une
mondialisation inquiétante. Ceci d'autant puisque, le vécu actuel
de la démocratie en Occident invite déjà, sous le regard
des revendications communautaires, à penser autrement la cohésion
démocratique. Mais penser autrement l'unité démocratique
ne saurait nous ramener à l'idéal du multiculturalisme qui, en
bien de ces points, notamment celui de la politique des identités,
constitue aussi une sorte d'alerte à une nouvelle déchirure
sociale. Ainsi donc, en se proposant de remettre aussi bien l'individualisme
démocratique que la perspective du multiculturalisme sur le chantier de
la réflexion, c'est donc l'humanisme de la diversité qui devient
un repère saisissant dans l'analyse de la réalité
politique africaine écartelée entre affirmation des
particularismes ethniques et exigence démocratique de
l'intérêt général. En effet, le lourd
héritage colonial, dont le poids sur l'organisation politique actuelle
s'avère inestimable, place le citoyen africain au milieu du
face-à-face entre exigence communautaire et besoin d'État.
L'intérêt de ce recours à l'humanisme de la
diversité tient au fait que ce nouvel espace conceptuel éclaire
la possibilité de médiation entre individu (appartenant à
une communauté spécifique) et individu-citoyen (en tant que celui
appartenant à un État se voulant homogène dans sa
quête d'unité).
231 R. Otayek, « L'Afrique au prisme de l'ethnicité :
perception française et actualité du débat », op.
cit., p. 129.
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