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Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).

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par Eric FARGES
Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013
  

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CHAPITRE 6. LE SIDA, «REFORMATEUR» DE LA POLITIQUE DE SANTE EN PRISON ?

« Avec le SIDA, le rôle sanitaire de la prison apparaît désormais essentiel. Mais les autorités en ont-elles conscience ? » (Journal international de médecine, 28/02/1990).

Afin de rendre compte de la loi du 18 janvier 1994, beaucoup d'acteurs soulignèrent le rôle essentiel joué par l'épidémie de sida, qualifiée fréquemment de « réformateur social ». C'est ainsi qu'un magistrat de l'Administration pénitentiaire rend compte a posteriori de cette réforme à laquelle il était très favorable : « S'agissant de la capacité des institutions à se réformer, j'ai acquis la conviction qu'une institution évolue difficilement grâce à ses seules forces internes [...] Il a fallu la conjonction de quelques médecins et magistrats militants, mais aussi, pour reprendre la formule de Daniel Defert, le contexte dramatisant du sida "réformateur social" pour que leurs administrations de tutelle et les politiques se mobilisent »1612(*). En soulignant les contradictions propres au monde carcéral, le sida aurait joué, conclut également un groupe de chercheurs en psychologie sociale, un rôle de « réformateur social » au sein de l'institution carcérale1613(*). La formule se réfère à l'intervention du président d'AIDES, à la 5ème conférence internationale sur le sida en 1989, dans laquelle il défendait l'idée que la personne atteinte par le VIH était un « nouveau témoin des besoins, des urgences, médicales et sociales [...] C'est lui le révélateur des crises. Il devient un des acteurs privilégiés des transformations, un nouveau réformateur social »1614(*).

Daniel Defert entend ainsi souligner le rôle incombant aux malades dans la transformation de l'organisation des soins et de la prise en charge de la maladie1615(*). Le rôle du sida comme « réformateur social » défendu par les partisans de la réorganisation des soins en prison laisse en revanche difficilement apparaître les logiques concrètes grâce auxquelles aurait été réformée la médecine pénitentiaire. Du fait des nombreuses contraintes qui s'exercent aussi bien pendant la détention qu'à sa sortie, aucune mobilisation de détenus séropositifs n'a jamais existé1616(*). Les associations de malades, pourtant actives, ne s'intéressèrent que tardivement à la prise en charge en milieu carcéral. Quelques associations comment à partir de 1989 à publier quelques articles relatifs aux prisons, comme Arcat (Association pour la recherche, la communication et les actions pour l'accès aux traitements)1617(*) ou Solidarité Plus (AFP, 12/04/1990). Pourtant créée en 1984 et dotée d'une lettre d'information dès 1990, l'association Aides ne consacre un article à ce sujet qu'en 19971618(*). La faible place accordée par les associations aux détenus séropositifs s'explique peut-être par la volonté d'éviter une stigmatisation éventuelle des prisonniers. La stratégie poursuivie par Aides notamment est à l'inverse de responsabiliser tous les individus, quelle que soit leur sexualité ou leur position sociale.

Faute de mobilisation de patients-détenus ou d'associations, quels acteurs firent de l'épidémie un instrument de réforme ? Sous la pression d'alertes lancées par quelques médecins exerçant en prison, des magistrats du ministère de la Justice firent du sida un argument en faveur de la mise en place d'une nouvelle politique de santé en milieu carcéral, réussissant ainsi à obtenir un engagement des services de la Santé (Section 1). Confrontés à une aggravation de leurs conditions de travail, notamment à cause de l'épidémie de sida, quelques praticiens travaillant en milieu pénitentiaire exercèrent également un rôle de « réformateur » de l'organisation des soins en oeuvrant en faveur d'une médecine libérée de sa tutelle pénitentiaire. C'est sur ce segment de praticiens hostiles à l'idée d'une médecine pénitentiaire spécifique que les magistrats-militants de la DAP entamèrent la réforme qui aboutit à la loi du 18 janvier 1994 (Section 2).

Section 1 - Mobilisation administrative et naissance d'une politique publique de prise en charge du sida en prison

La dimension la plus surprenante, pour celui qui étudie la question de la prise en charge du sida en prison, est le laps de temps qui s'est écoulé entre le moment où les risques de contamination ont été connus des médecins travaillant en milieu carcéral et la date à laquelle cette dimension fut intégrée à la politique publique de lutte contre le sida du ministère de la Santé. Entre 1985 et 1989 la gestion de l'épidémie demeure limitée à quelques mesures ponctuelles du ministère de la Justice. Dès 1985, des études épidémiologiques soulignent pourtant la proportion de séropositifs en détention. Lors d'une journée d'étude sur les problèmes de santé en milieu carcéral en février 1986, le Dr Kergoyan souligne que sur 500 entrants au CP de Fresnes, 147 utilisaient des stupéfiants (29,4%) dont 46% avaient une sérologie positive1619(*). Une étude sérologique à la M.A de Bois d'Arcy révèle, en mars 1986, 41 tests positifs sur 73 toxicomanes testés (56%)1620(*). Une recherche conduite à la M.A de Gradignan (Bordeaux) entre le 1er juillet 1985 et le 30 septembre 1986, et dont les résultats ont fait l'objet de plusieurs articles, permet de dénombrer 253 toxicomanes dont plus de 50% étaient séropositifs1621(*). Celui qui l'a réalisé conclut dans sa thèse : « Il est justifié de considérer une partie de la population des prisons, et en particulier les drogués HIV positifs utilisant la voie intraveineuse, comme un groupe à risque quant au développement du syndrome et à la transmission du virus HIV »1622(*).

Bien que variable d'un établissement à un autre, l'importance du sida en milieu carcéral est estimée dès 1985-1986. Pourtant, c'est seulement en 1989 qu'une politique interministérielle de prise en charge du sida en prison apparaît avec la circulaire Santé/Justice du 19 avril 1989 qui prévoit l'intervention des praticiens hospitaliers en milieu carcéral. Durant ces années d'intervalle, l'Administration pénitentiaire n'est bien sûr pas restée immobile. Elle a adopté plusieurs mesures dans le cadre d'une « politique discrète »1623(*), dont l'origine provient autant du désir du ministère de la Justice d'éviter toute information trop alarmiste que du manque d'empressement du ministère de la Santé à se saisir de cette question. En l'absence de mobilisations associatives, comme ce fut le cas en faveur des malades homosexuels ou toxicomanes1624(*), la mise en visibilité du sida en prison fut l'oeuvre de quelques praticiens travaillant en milieu carcéral qui exercèrent un rôle de « lanceur d'alerte » (1). Une fois que les prisons furent reconnues comme « milieu à risque », la politique discrète de l'Administration pénitentiaire céda le pas à une politique de santé publique définie en collaboration avec les autorités sanitaires qui permit, en retour, une plus grande sensibilisation des praticiens hospitaliers à la question de la prise en charge médicale des détenus (2).

1. Le travail de mise en visibilité de l'épidémie : les «lanceurs d'alertes» face à la «politique discrète» de l'Administration pénitentiaire

« Surpopulation, vétusté des prisons, manque d'hygiène... le système pénitentiaire qui croulait déjà sous les problèmes a vu arriver d'un oeil affolé ce nouveau problème du SIDA. Ça faisait trop ! La réaction, d'abord, été une politique de l'autruche : on ne veut pas voir, on ne veut pas savoir. C'est contre cette politique de l'autruche que nous ramons depuis deux ans »1625(*).

Dès 1985, des signaux d'alerte sont envoyés au ministère de la Justice par certains praticiens exerçant en milieu pénitentiaire. Le médecin-coordinateur de l'Hôpital de Fresnes, lassé de ses responsabilités administratives, se consacre durant cette période davantage à son activité clinique. Responsable du service de soins intensifs, il établit la corrélation entre plusieurs patients souffrants de troubles spécifiques :

« En 85, j'avais été sollicité par le CTS [centre de transfusion sanguine] de Versailles sur les dons du sang et puis j'avais fait des stages sur le sida. Et puis j'avais pas mal de patients qui avaient des ganglions donc j'avais l'oreille attirée. Je commençais à flairer le truc. Et depuis octobre 1984, je pensais faire des études et je me disais qu'on manquait de personnel. J'avais deux étudiants prêts à faire une thèse mais j'hésitais car on manquait de personnel. Tous mes freins ont sauté au mois de mars [1985] quand j'ai appris qu'un des infirmiers du Grand quartier était tombé malade et qu'il ne restait plus qu'un seul infirmier [...] Juin 85. Moi, j'avais fait des études en février, mars, avril. Il y avait à ce moment une tension extrêmement forte liée à la surpopulation. Il y avait des éléments de panique forts »1626(*).

Fort de ce travail, le Dr Espinoza envoie le 10 juin 1985, le jour même où le Comité Santé/Justice évoque la question du sida pour la première fois, une note d'information à tous les médecins pénitentiaires pour les informer de la conduite à tenir (Libération, 23/08/1985). Prudent, le médecin-coordinateur de l'Hôpital de Fresnes joue un rôle de « lanceur d'alerte » à l'égard des autorités pénitentiaires, tout en refusant d'exposer le problème au sein de l'espace public : « Moi, j'ai fonctionné très scientifique et pas du tout vers les médias parce que j'aurai pu faire la "une" des médias »1627(*). Le cas d'un médecin éprouvant le besoin d'informer les journaux sans pour autant dramatiser la situation traduit le même souci de discrétion. Ce praticien du CMPR de Rennes contacte en mai 1985 un journaliste de sa connaissance pour l'informer de la découverte d'un détenu dépisté positif à la prison de Saint Malo. Dans une lettre adressée à la DGS, il se félicite de la prudence adoptée par le journaliste : « Je pense être parvenu à dédramatiser la situation aidé en cela par la compréhension de Didier Eugène qui a toujours écrit des articles très prudents et non alarmistes à propos de la toxicomanie »1628(*). Alertée par le Dr Espinoza, Myriam Ezratty organise le 1er juillet 1985 une réunion du Comité de coordination sur les problèmes liés à l'épidémie de sida dont l'ampleur semble en partie connue : « Le dépistage systématique de tout arrivant à la Maison d'arrêt de Bois-d'Arcy organisé par le centre de transfusion de Versailles pour une période de 2 mois révèle que 16% de détenus sont porteurs d'un anticorps anti-LAV1629(*) contre un taux de 0,6% au maximum dans différentes populations testées à l'extérieur »1630(*). A ce moment, l'Administration pénitentiaire s'interroge sur la conduite à adopter en matière de gestion de l'épidémie : faut-il séparer les « para-sida »1631(*) des autres détenus ? Le dépistage doit-il être systématique ou ne faut t-il le proposer qu'aux seuls toxicomanes ? Cette maladie, enfin, est elle contagieuse et nécessite t'elle, dans ce cas, l'usage systématique de protections (gants, masques, combinaisons) ? La panique gagne à cette époque aussi bien les détenus que les surveillants voire le personnel médical, et confronte les soignants pénitentiaires à de nombreuses difficultés1632(*).

Cette première phase où les risques semblent connus mais uniquement dans quelques établissements s'achève à l'été 1985 avec la décision de rendre obligatoire le dépistage de tous les dons de sang, rendue effective le 1er août 1985. Jusqu'alors les conditions de l'organisation des soins (manque de personnel, faibles possibilités de procéder à des analyses) ne permettaient pas de mettre à jour l'existence d'une forte séroprévalence dans les établissements de moindre envergure. Les petites Maisons d'arrêt, où le médecin n'intervient que quelques heures par semaine et où une infirmière assure à elle seule le fonctionnement du service médical, sont brutalement confrontées à l'épidémie à l'occasion de la mise en place du dépistage de tous les dons de sang. C'est notamment le cas à la M.A de Pontoise, où la découverte du taux de séropositivité, supérieur à 50%, est à l'origine d'un mouvement de panique, comme le relate le médecin-adjoint de l'établissement de l'époque :

« Il fallait savoir qu'il y avait des dons du sang qui étaient faits spontanément par les détenus et une ou deux fois par mois, il y avait le centre de transfusion de Pontoise qui venait. Et à un moment donné, la loi a imposé de faire un dépistage du sida pour chaque don, ce qui n'existait pas avant. Et je me rappelle la première fois, les résultats sont arrivés une dizaine de jours après. C'était la catastrophe ! Sur vingt-cinq détenus, il y en avait quinze qui étaient séropositifs. Alors panique... C'était en plein mois d'août de l'année où les tests sont devenus obligatoires. Je m'en souviens très bien parce que [mon collègue] était en vacances, et c'est moi qui le remplaçais. C'était la panique. Moi, je ne connaissais pas grand chose au fond. Le directeur, c'était la panique aussi...»1633(*).

Confinée durant les premières semaines au système carcéral, cette information est soudainement rendue publique fin août par un nouveau lanceur d'alerte. Responsable du CMPR de la M.A de Gradignan depuis 1979, Michel Bénézech apprend le 2 août 1985, suite au dépistage d'une collecte de sang effectuée fin juillet dans son établissement, que six donneurs (sur quatorze) sont séropositifs1634(*). Le 16 août, il fait placer ces détenus à l'isolement total. Le 20, il prend contact avec le journal Sud-Ouest afin, selon le préfet, « d'obtenir une publication relative à la découverte des détenus dits porteurs sains ». Devant le refus qui lui est signifié par le quotidien régional, il prévient Le Lot et Garonne et La Dépêche du Midi qui publie le mercredi 21 un article révélant l'information. « Ce même jour, l'information ayant été rendue publique, le Docteur Bénézech a fait une réunion de presse dans l'enceinte de la prison avec quatre journalistes à 11 heures 30 et une prestation télévisée à l'extérieur à FR3 et TF1 l'après midi ». L'information est reprise par de nombreux journaux, parfois de manière alarmiste (« SIDA : quatre morts en Gironde »1635(*), Sud-Ouest, 22/08/1985 ; « Virus carcéral », LM, 24/08/1985) et parfois de manière plus critique (« SIDA-psychose à la prison de Gradignan », Libération, 22/08/1985 ; « Sida : pas de panique », La Dépêche du Midi, 22/08/1985).

La distinction entre informations raisonnées et alarmistes est cependant trompeuse, comme le remarque Claudine Herzlich et Janine Pierret dans leur étude du traitement médiatique de l'épidémie : « A partir de l'été 1985, le SIDA est devenu l'objet d'une rubrique quasi-quotidienne explicitement dominée par la préoccupation d'informer pour dédramatiser. Mais le développement de la peur est parallèle à celui de l'information »1636(*). Tandis que le milieu carcéral était jusqu'alors totalement resté à l'écart de la polémique sur le sida, les détenus n'ayant, pas exemple, jamais été cités comme « groupe à risque », l'association entre la population carcérale et le nouveau virus émerge pour la première fois dans l'espace public1637(*). « La promiscuité, l'homosexualité et la toxicomanie, tout concourt à faire de l'univers carcéral un lieu à haut risque de SIDA », note Franck Nouchi (LM, 23/08/1985). « Il est probable que les proportions les plus importantes de tests positifs seront relevées dans la population carcérale », observe La Dépêche du Midi, qui annonce la présence de quatre porteurs du virus à la M.A de Carcassonne. Michel Bénézech annonce que « le problème va bientôt se poser dans toutes les prisons de France » (Libération, 22/08/1985).

Les syndicats pénitentiaires contribuent largement à amplifier l'information. Jacques Viallettes, secrétaire général du syndicat majoritaire FO pénitentiaire, réclame dans un communiqué qu'un dépistage systématique soit opéré chez tous les détenus et que les « porteurs sains » (asymptomatiques) soient isolés dans des « structures spécialisées » (LF, 23/08/1985). Certains surveillants annoncent que plusieurs autres cas ont été enregistrés à Fresnes ainsi qu'à Fleury-Mérogis. Le lendemain, France-Soir annonce que neuf détenus seraient séropositifs dans le seul département du Nord-Pas-de-Calais et que certains auraient été transférés vers un « hôpital au centre de la France » : « L'inquiétude règne dans les prisons du Nord » (France-Soir, 24/08/1985).

En dépit de l'alerte lancée par le responsable du CMPR de la M.A de Bordeaux, relayée par les syndicats, l'association entre le sida et le milieu carcéral peine à s'inscrire durablement dans l'espace public. En témoigne la brusque disparition, au sein de la presse, de cette question qui ne devient un sujet de préoccupation publique qu'en 1987. Ce phénomène s'explique, comme on en fait l'hypothèse, par la volonté exprimée alors, aussi bien par les autorités que les journalistes, de ne pas stigmatiser la population détenue. C'est ce dont atteste, tout d'abord, l'importance accordée par certains journaux au rôle des syndicats dans le déclenchement de la première alerte pourtant lancée par le Dr Bénézech. Sans citer à aucun moment son initiative, Libération explique l'émergence de cette « affaire » par le seul rôle des syndicats qui auraient découvert le « pot aux roses » et auraient ébruité cette information (22/08/1985). Plusieurs journalistes en déduisent une possible instrumentalisation de cette information par les syndicats. Remarquant que FO est majoritaire dans l'établissement de Gradignan, Le Monde s'interroge pour savoir s'il s'agit d'une « affaire politique », comme en attesteraient les propos du directeur de la M.A, secrétaire national de la CFDT : « En dramatisant à l'extrême, en mettant ce problème en exergue, on cherche de bonnes excuses pour un retour de la sécurité, de l'ordre et de la discipline à outrance dans les prisons [...] Je suis persuadé que cette surenchère syndicale va se traduire par un ras-le-bol de la manipulation » (LM, 24/08/1985). Dans un article intitulé « Les gardiens jouent la psychose », Libération voit dans cette « affaire » l'expression de revendications syndicales catégorielles :

« Ah les braves gens ! Ils avaient obtenu par avance une augmentation de leurs effectifs [...] et l'intégration salariale de leurs primes de risque [...] Les voilà qui tapent du poing sur la table [...] Ils, ce sont les gardiens de prison Force ouvrière, largement majoritaires dans la profession et jamais en retard d'une revendication. Mais là, FO déconne purement et simplement, en se joignant - volonté politique délibérée ou sous information dramatiquement irresponsable - à l'hystérie croissante en matière de SIDA » (Libération, 23/08/1985).

L'idée que les syndicats pénitentiaires, discrédités depuis la dénonciation de la COSYPE, auraient délibérément dramatisé l'information à des fins corporatistes a contribué à reléguer au second plan la prise en compte de la forte concentration de personnes séropositives, et souvent toxicomanes, et à retarder ainsi leur prise en charge. Les représentants du ministère de la Santé s'efforcent d'ailleurs, au même moment, afin de dédramatiser la situation, d'aller à l'encontre de cette représentation des détenus comme « groupe à risque ». Le Conseiller technique du ministre de la Santé déclare que l'étude du D Bénézech ne saurait être considérée comme représentative. Le Dr Brunet, considéré alors comme le « M. Sida », souligne que « les résultats de ces tests pratiqués en milieu carcéral ne sont pas étonnants puisqu'ils ont été faits chez des toxicomanes dont on sait depuis très longtemps qu'ils font partie des groupes à risque » (LF, 23/08/1985). La volonté de ne pas stigmatiser la population carcérale trouve son origine dans la « psychose » apparue dans l'ensemble de la société lors des premiers développements du sida. Les premiers signes de panique à l'été 85 ont amené les médias à dédramatiser, à juste titre, l'ampleur du danger1638(*). Cette attitude est conforme à l'« option moderne-libérale » adoptée par les pouvoirs publics mais aussi par les médias afin de mettre fin aux excès de dramatisation1639(*).

Le regard critique que développent à partir d'août 1985 politiques, scientifiques et journalistes, sur les discours tenus jusqu'à présent au sujet du sida contribue à « neutraliser » les alertes alors lancées, comme celle de Michel Bénézech. Si son intervention permet d'ouvrir une fenêtre médiatique au cours de laquelle un lien entre sida et prisons s'établit, celle-ci se referme aussitôt, toute référence aux détenus étant dès lors absente de la presse. Cette « auto-censure », destinée à ne pas stigmatiser, est d'autant plus forte qu'il est au même moment question du « contre-modèle américain » où le niveau de crainte est à son apogée. « Si environ 12 600 cas d'Américains atteints du SIDA ont été recensés, ce ne sont pas moins de 1 à 2 millions de citoyens qui s'imaginent touchés par le virus [...] Le cas de victimes du SIDA expulsés de leur logement, licenciés de leur entreprise, jetés hors de prison ou privées d'école se comptent par dizaines » (Le Matin, 9/09/1985). Les journalistes s'indignent du traitement réservé aux prisonniers étatsuniens. En atteste la photo reproduite dans de nombreux journaux montrant un surveillant de prison recouvert d'une tunique de protection, ne laissant apparaître que ses yeux1640(*). « Un bel exemple de parano anti-SIDA », commente Libération le 23 août 1985. En l'absence de Médecin-inspecteur, la question du sida est au ministère de la Justice l'affaire de magistrats qui apparaissent désemparés. En attestent les propos de Jean Favard :

« Ça a commencé vers août 85. On ne savait rien. Moi, j'avais une culture pénitentiaire mais le sida... Personne ne savait ce que c'était. On parlait beaucoup à ce moment-là de "porteurs sains". Alors porteurs sains, c'était un peu rassurant. Et puis après on vous disait : "Il y en a 7 à 10% qui seront malades". Personnellement, je ne savais pas quoi répondre. C'était pas très affolant dit comme ça... »1641(*).

Si l'Administration pénitentiaire tient à ne pas dramatiser la portée de l'épidémie en milieu carcéral, c'est également en raison du contexte qui caractérise les prisons françaises au printemps 1985. Depuis sa nomination en tant que garde des Sceaux, Robert Badinter craignait ne n'advienne une trop forte agitation dans les prisons. Cela avait pu être évité par de nombreuses libérations qui avaient ramené la population carcérale à 29.000 détenus au 1er octobre 1981. L'inflation carcérale reprend cependant rapidement, ramenant le nombre de personnes incarcérées à 34.600 au 1er janvier 1983, 38.600 en 1984 et 44.500 au 1er mars 19851642(*), provoquant de vives tensions dans les établissements :

« La surpopulation avait atteint dans les Maisons d'arrêt un niveau tel que nous étions à la merci du moindre incident, tant les détenus avaient les nerfs à fleur de peau. Les personnels pénitentiaires étaient eux aussi exaspérés par ce climat de tension qui risquait de dégénérer en affrontement. Mme Ezratty me faisait chaque semaine un rapport sur la situation dans les grands établissements pénitentiaires. Le plus terrible signe de la détresse carcérale était le taux élevé de suicides » 1643(*).

C'est dans ces conditions qu'éclate selon les termes de Robert Badinter l'« orage pénitentiaire » à savoir une série de mutineries dans les établissements français, ainsi que la prise d'otage d'un surveillant. Au-delà d'une fermeté de façade, le garde des Sceaux autorise quelques mois plus tard l'introduction des premiers postes télévisés dans les cellules afin d'apaiser les tensions. C'est ce même climat de tension que rappelle Pierre Espinoza :

 « On était quand même dans l'ambiance où quelques mois plus tôt, l'infirmerie de la prison de Fresnes avait brûlé. Il y avait une tension extrêmement forte et donc on regardait à deux fois non pas sur les mesures à prendre [...] mais sur la façon dont on le faisait » 1644(*).

Ce climat de tension et la volonté de dédramatiser à tout prix amène l'Administration pénitentiaire à effectuer un traitement discret de l'épidémie. Dans une directive publiée le 20 août 1985, la Chancellerie recommande l'isolement des détenus positifs tout en ajoutant que « rien ne justifie d'envisager le transfert des détenus sur l'hôpital de Fresnes ou sur une quelconque structure hospitalière des détenus qui, bien que porteurs d'anticorps, ne manifestent aucun symptômes du SIDA » (Libération, 23/08/1985). Le 5 septembre, les ministères de la Santé et de la Justice adressent aux autorités sanitaires et pénitentiaires une lettre-circulaire accompagnée d'une fiche technique relative aux infections à « virus LAV » « destiné[e] à fournir une information objective et à aider à dédramatiser les situations provoquées par la mauvaise connaissance de cette maladie virale »1645(*). La fiche technique, co-élaborée par le Dr Espinoza et la DGS, précise que le « dépistage systématique des anti-corps anti-LAV n'apparaît pas justifié » de même que « l'utilisation d'équipement de type masque, blouse jetable, gants de protection ». Elle exclut en outre l'isolement des détenus et prend ainsi, note Renaud Crespin, le contre-pied du modèle appliqué jusque-là en matière de tuberculose1646(*). Signe de la politique discrète menée par la DAP, cette circulaire n'est pas publiée au Bulletin officiel du ministère de la Justice. Bien que plus générale à la « promotion de la santé en milieu carcéral », une circulaire co-signée par l'Administration pénitentiaire et la DGS souligne en novembre 1985 l'importance des protocoles d'accord entre DDASS et établissements pénitentiaires afin d'assurer le dépistage des primo-arrivants1647(*). L'Administration pénitentiaire évite toute association entre le sida et le milieu carcéral.

Bien qu'elle n'ait pas permit d'établir une association durable entre prison et sida au sein de l'espace public, l'alerte lancée par le Dr Bénézech a probablement accéléré le traitement administratif de la gestion de l'épidémie en soumettant le ministère de la Justice à une certaine pression. En témoigne la réaction que suscitèrent les déclarations du médecin-chef du CMPR de Bordeaux au sein de l'Administration pénitentiaire, comme le relate un magistrat alors chargé des questions de santé :

« Il s'occupait des toxicos et ses études épidémiologiques consistaient à montrer que bon nombre de toxicos étaient séropositifs. Ça ne veut pas dire qu'ils étaient malades ! Le problème, ça n'est pas qu'il ait fait ça. Il se serait contenté de faire des publications scientifiques, il n'y aurait eu aucun problème ! [...] Et Bénézech avait convoqué la presse... Alors vous imaginez le truc ! Alors, il s'est fait taper sur les doigts par son DDASS. Mme Ezratty était furieuse. Ça pouvait entraîner des mouvements. Des mouvements de détenus. Ça aurait pu être le début d'une mutinerie. Alors, c'est vrai qu'on en voulait à Bénézech. Avec son aspect médiatique et son envie de toujours faire parler de lui ! On la connaissait la situation, c'était pas la peine de faire tout ce raffut ! C'est ce genre de personne un peu exhibitionniste qui aime bien qu'on parle de lui. Il aimait publier mais ça je lui reproche pas. C'était pas le fait de publier. Ça aurait été lu par les spécialistes, c'est très bien. Mais faire du ramdam dans Sud Ouest... C'était pas responsable ! »1648(*).

Bien que ce témoignage doive être considéré avec prudence, puisqu'il est actuel, il semblerait qu'à l'époque de la prise de parole du Dr Bénézech que l'Administration pénitentiaire était déjà consciente que le milieu carcéral concentrait une population à risque, principalement toxicomane. Ainsi semble confirmée l'hypothèse que cette direction ministérielle aurait privilégié une « politique discrète » afin de ne pas stigmatiser les détenus et de ne pas engendrer de révolte. On va maintenant en souligner les effets.

La politique discrète menée par la Chancellerie a eu pour principale conséquence un manque de cohérence entre les pratiques des différents établissements. C'est notamment le cas en matière de dépistage ou encore d'isolement. Préconisé en juin 1985 par le médecin-coordinateur, l'isolement est interdit à partir de septembre. Les propos de cette infirmière exerçant à Fleury attestent du respect de cette consigne. « Alors au début y avait un isolement... Mais ça a pas duré, car il s'est avéré que le mode de transmission n'était pas aussi simple »1649(*). Le respect de cette règle apparaît en revanche plus délicat dans les établissements de moindre envergure, peut-être parce que le poids des syndicats y est plus important, si l'on en croit cette infirmière travaillant à Bois d'Arcy où était pratiqué le regroupement entre séropositifs : « Alors, on mettait une cellule de trois HIV positifs. Vous imaginez ces gens là n'avaient plus aucune possibilité d'avoir le moindre contact avec les autres... C'était pire que la peste au Moyen-âge ! »1650(*). C'est notamment pour éviter ce type de pratiques, que décrit ici un interne dans sa thèse, que les détenus malades sont le plus souvent hospitalisés à Fresnes : « Le détenu a été isolé dans une cellule pendant près d'un mois, n'ayant aucun droit de visite ou de promenade, recevant du personnel portant des gants. Ce patient me montre un papier officiel d'isolement médical, il n'était pas signé »1651(*).

En dépit de quelques hésitations, le principe du volontariat du dépistage des détenus fut rapidement affirmé en France1652(*). Pourtant, peut-être en raison de la mise à l'écart de la politique de santé publique du ministère de la Santé, son respect fut difficilement assuré. Certes les médecins certifient dans leurs études demander le consentement, rarement refusé selon le Dr Bénézech puisque sur 300 toxicomanes seuls deux auraient refusé (LF, 13/02/1987). Plusieurs professionnels de santé interrogés sur le consentement des patients hésitent néanmoins. Ce médecin ayant réalisé en 1985 une étude auprès des détenus toxicomanes n'est pas certain qu'il ne se soit pas contenté alors d'une simple « indication » : « Je ne sais même plus si c'était un dépistage volontaire. On a dû leur dire simplement dans le cadre de la visite... [...] J'ai sûrement dû leur signaler qu'on leur faisait une prise de sang pour une sérologie HIV »1653(*). Une infirmière travaillant à Rouen précise que le dépistage était « prescrit » par le médecin « en cas de zona, et dans certains cas pour le Zaïre et les pays très endémiques... »1654(*). Une autre infirmière observe que le dépistage était volontaire avant d'ajouter : « Mais, moi, je leur conseillais fortement ! »1655(*). Un infirmier travaillant à la M.A de Caen précise que le dépistage ne fut « obligatoire » qu'un bref laps de temps à son arrivée... en 19881656(*). Cet interne de l'Hôpital de Fresnes relève également en 1988 dans les dossiers médicaux de la prison de Fresnes de multiples infractions au principe du consentement :

« Observation n°3 : Monsieur A. Bruno est adressé en consultation de gastroentérologie pour douleurs abdominales. L'analyse du dossier médical montre un résultat sérologique VIH positif avec une note du médecin signalant qu'il ne faut pas communiquer le résultat au patient. L'interrogatoire révèle que Monsieur A. avait refusé que soit pratiqué le test proposé lors d'une consultation médicale. L'entretien avec le médecin permet de constater que ce test a été réalisé malgré le refus du patient [...] Observation n°5 : Monsieur D, 27 ans, est incarcéré en juin 87, condamné à dix-huit mois. Une sérologie VIH est faite sans son accord pour un motif inconnu [...] Observation n°6 : Monsieur H., toxicomane, vient de se faire incarcérer. Lors de sa visite médicale d'entrée, l'interne lui demande s'il était suivi correctement tous les six mois pour son infection VIH. Stupeur du patient : "Quoi ? J'ai le SIDA mais on ne me l'a pas dit". Deux ans auparavant, au cours d'une précédente incarcération de trois mois, le patient avait subi un dépistage à VIH sans son accord, il était séropositif. Monsieur H. est papa depuis un an d'une petite fille bien portante... » 1657(*).

Ces différents exemples soulignent les conséquences possibles, psychologiques et médicales, d'un dépistage systématique opéré à l'insu des patients, et sans que les résultats leur soient donnés. Toujours selon ce même interne, sur un échantillon de cent trente toxicomanes séropositifs, dans seule la moitié des cas (51,5%) le test de dépistage aurait été prescrit à la demande du patient. Une infirmière ayant réalisé un stage à la M.A de Melun en 1991 note dans son mémoire de fin d'étude que le dépistage des nouveaux arrivants y était systématique1658(*). Parce que la médecine pénitentiaire demeure gouvernée par certaines règles spécifiques éloignées du monde médical1659(*), certains professionnels de santé exerçant en prison ont une faible observance des instructions officielles ainsi que des règles éthiques, considérées ici comme décalées ou inutiles. En attestent les propos de ce praticien, alors médecin-chef des Baumettes :

« Et il s'est posé beaucoup de questions à l'époque. Il fallait que ce soit volontaire à l'époque. On ne pouvait pas faire de dépistage systématique. Alors qu'est-ce qu'il fallait faire et qu'est-ce qui a été fait après ? Hein ? Mais c'est en fonction de... Comment on appelle cet organisme ? L'éthique, là... Il fallait pas le faire parce que fallait leur demander l'autorisation. Et puis après, c'est venu doucement... Parce que quand on faisait le dépistage, on s'est aperçu que les gens étaient bien contents de savoir ce qu'il en était. C'était pour eux ! Parce que si la maladie s'aggrave... Et pour la famille ! Y avait un tas d'avantages à dépister les gens ! »1660(*).

Sans qu'on puisse l'affirmer avec certitude, il est possible que la discrétion adoptée par l'Administration pénitentiaire et l'absence de « politique publique » ont contribué à favoriser certaines pratiques propres au milieu carcéral, et notamment une faible prise en compte de la volonté des patients.

L'interpellation du Dr Michel Bénézech est insuffisante pour inscrire durablement la prison comme un lieu à risque. Rappelé à l'ordre par le préfet ainsi que par sa direction de tutelle, il cesse toute intervention dans les médias1661(*). Le responsable du CMPR de Gradignan continue cependant d'exercer une fonction d'alerte en diffusant les résultats des recherches qu'il mène dans son établissement. Le 15 novembre 1985, il souligne lors d'une communication à la Société de médecine du travail de Bordeaux la prévalence de toxicomanes séropositifs incarcérés et les risques de contamination entre détenus et à l'égard du personnel1662(*). En février 1986, le Dr Bénézech intervient devant la Société de médecine légale et de criminologie où il tente de mettre en évidence l'importance de l'épidémie. Si le milieu carcéral représente selon lui « un réservoir de virus (hépatite B, LAV, etc.) », c'est du fait de la surreprésentation de nombreux groupes à risque en son sein : « Le groupe à risque des toxicomanes à la seringue est particulièrement préoccupant dans les Maisons d'arrêt de la région parisienne et des grandes villes de province puisque ces individus constituent 10 à 30% des détenus incarcérés. Or, ces établissements reçoivent aussi nombre d'homosexuels, de marginaux instables, de prostitués des deux sexes. Il y a donc là une concentration importante de sujets anti-LAV positifs »1663(*). Deux journalistes rendent compte de cette étude de manière diamétralement opposée. Estimant que « les données existantes [...] ne peuvent en aucun cas tenir lieu d'échantillon représentatif de la population carcérale française », Libération estime, dans un article intitulé « le virus de l'extrapolation », qu'« à l'intérieur comme à l'extérieur des murs de la prison, les études épidémio concernant les toxicos sont éminemment difficiles », avant de regretter des « manoeuvres arithmétiques souvent fallacieuses »1664(*). A l'inverse, constatant que « 5 à 20% de tous les prisonniers français sont contaminés par le virus », le Dr Escoffier-Lambiotte remarque dans Le Monde que « le milieu carcéral constitue donc un véritable réservoir de contamination potentielle » avant de critiquer l'inaction de la Chancellerie :

« Ce fait ne saurait être passé sous silence. Il appelle à l'évidence à la mise en place de mesures précises. Ces mesures ont été adoptées à Bordeaux où l'on pratique systématiquement le dépistage de la syphilis, des stigmates de l'hépatite B et du SIDA [...] De telles mesures sont loin d'être adoptées dans l'ensemble des prisons françaises [...] Cette attitude est, hélas ! peu répandue dans les prisons françaises, où le problème sanitaire que pose l'extension du SIDA est loin d'être réglé. Les autorités responsables n'ont d'ailleurs pris à ce jour aucune mesure précise à ce sujet qu'elles préfèrent occulter alors que la situation est sans aucun doute préoccupante et qu'il serait difficilement tolérable de la laisser "se développer plus avant" » 1665(*).

La radicale différence de ton entre ces deux articles s'explique par la relation que développe chacun des journalistes avec l'épidémie. Soucieux de ne pas stigmatiser la question des prisons, jugée très sensible à Libération, Gilles Pial choisit de relativiser les résultats de cette enquête. A l'inverse, le Dr Escoffier-Lambiotte, qui a déjà critiqué par le passé certaines pratiques de l'Administration pénitentiaire, notamment en matière de grève de la faim1666(*), s'avère beaucoup plus alarmiste1667(*). Les ministères de la Justice et de la Santé réagissent aussitôt en précisant que de « telles statistiques sont ininterprétables », faute de disposer d'un système de veille épidémiologique, et qu'il est par conséquent impossible « d'extrapoler ces résultats au plan national ». Plus que la présence de séropositifs en détention, qui apparaît difficilement réfutable, les autorités récusent tout lien entre le sida et le milieu pénitentiaire. Le même communiqué précise ainsi que la proportion du nombre de détenus infectés « est liée à la fréquence élevée de séropositifs chez les toxicomanes et non aux conditions de vie dans les prisons ». La séroprévalence en détention est donc interprétée comme la conséquence de la forte proportion de détenus toxicomanes, évitant ainsi que soit établi un lien entre l'épidémie et l'institution carcérale1668(*).

De son côté, le Dr Espinoza multiplie les recherches épidémiologiques à l'Hôpital de Fresnes. Il incite ses internes à intégrer le problème du sida dans leur thèse. C'est par exemple le cas de Martine, devenue interne en 1984 dans le service des soins intensifs dirigé par le médecin-coordinateur : « Moi, je faisais ma thèse au début sur les toxicomanes par rapport aux hépatites. Et puis on s'est dit qu'on pouvait rajouter l'infection HIV et on a eu la surprise de découvrir qu'on avait 50% des toxicomanes qui étaient positifs. Ce qui n'était pas connu ! A tel point qu'on a fait revérifier nos tests »1669(*). Bien que plus prudent que son confrère bordelais qu'il désapprouve, le Dr Espinoza n'en joue pas moins un rôle d'alerte par la diffusion de chiffres épidémiologiques. Libération fait état en juin 1986 d'une « étude encore inédite menée dans un hôpital pénitentiaire parisien » (4/06/1986) au terme de laquelle sur 113 toxicomanes, tous « volontaires », près de 55% déclarent utiliser une seringue collective et 63% sont séropositifs1670(*). Le médecin-coordinateur semble adopter au fil des mois une position plus alarmiste, si l'on en croit les propos qu'il aurait tenus en novembre 1986, à l'occasion d'une réunion organisée par l'association AIDES1671(*) :

« Je suis revenu avec les recommandations de l'OMS et donc j'ai organisé mon intervention de la façon suivante : l'OMS dit ça... "En France, on n'applique pas ça ! ". L'OMS dit [ceci]. "En France on fait ça" ! [Rires] Alors y avait Dinthillac [magistrat sous-directeur de la DAP] qui faisait des bonds. Il était là pour représenter l'Administration pénitentiaire et il m'a dit : "Mais c'est scandaleux !" »1672(*).

Lors d'un colloque « Sida droit et liberté » qui a lieu en décembre 1987 à Paris, Pierre Espinoza tient une fois de plus des propos sur la gestion de l'épidémie par le ministère de la Justice :

« Que devient le séropositif dans ce cadre ? Le nécessaire accompagnement psychologique d'un séropositif est impossible à assurer, de manière efficace, pour tous, faute de moyens en personnel. Alors, de grâce, cessons de discuter du problème de dépistage, car la vraie réalité c'est la pénurie en personnel soignant. Cette pénurie s'accentue dans certains établissements. Savez-vous que nous disposons de moins d'infirmières au Centre pénitentiaire de Fresnes (9 infirmières) qu'à la prison de Yaoundé (12 infirmières).

Faute d'infirmières, on habille des surveillants avec une blouse blanche. Est-il raisonnable qu'ils puissent assurer des soins de type infirmier (injections, distribution de médicaments) ? Pourront-ils conserver le secret professionnel vis-à-vis du Directeur de l'établissement s'il demande le résultat du test ? Et parfois, des détenus exercent la fonction de secrétaire médical »1673(*).

Le Dr Bénézech continue également de diffuser le résultat de ses études. En janvier 1987, Le Quotidien du médecin apprend que sur 300 dépistages réalisés à Gradignan, 54% ont mis en évidence l'anticorps HIV et 90% l'un des marqueurs de l'hépatite B1674(*). C'est une communication des Dr Bénézech et Rager, du SMPR de Gradignan, et du Pr Jacques Beylot du CHU de Bordeaux, présentée le 10 février 1987 à l'Académie de médecine, qui provoque l'inscription du problème du sida en prison à l'agenda public1675(*). En se référant à plusieurs études épidémiologiques, indiquant notamment que 12,5% des entrants à Fresnes et 18,5% à Bois-d'Arcy sont séropositifs, les intervenants dressent un « constat alarmant » de l'état de l'épidémie en détention1676(*). « Enfin quelques enquêtes systématiques sur les entrants confirment le haut potentiel épidémiologique des prisonniers des Maisons d'arrêt [...] Le nombre de sujets contaminés par le virus du S.I.D.A est 50 à 200 fois plus élevé dans les Maisons d'arrêt des grandes villes que dans la population générale française », observe Le Figaro1677(*). Outre la forte prévalence du sida en milieu carcéral, cette communication est l'occasion de souligner les risques de contamination intra-muros : « En prison, les risques de contamination par le S.I.D.A ou l'hépatite B sont démultipliés : emprunts de rasoirs ou de brosse à dents, tatouages, relations homosexuelles, persistance de la toxicomanie et échange de seringues, sans parler du surencombrement permanent des cellules. Autre source de contamination, le sang répandu lors de tentatives de suicides est souvent nettoyé à mains nues par les détenus chargés du service général » (LF, 13/02/1987). Le responsable du CMPR de Bordeaux remet alors en cause la réaction adoptée par les autorités pénitentiaires :

« "Malheureusement, ces dernières années, une seule fiche technique relative aux infections à H.I.V a été diffusée par la Chancellerie, en septembre 1985, sous la pressions des médias, déplore le Dr Bénézech, et les conseils qui y sont donnés nous paraissent insuffisants". Ils ne présentent ni la désinfection des cellules à dates régulières, ni le port de gants de protection pour les surveillants ou les détenus lorsqu'ils touchent du sang » (Le Figaro, 13/02/1987).

L'alerte lancée par le Dr Bénézech, qui trouve quelques mois plus tard confirmation dans les propos du Dr Espinoza, qui annonce « 400 à 500 [sida] d'ici cinq ans » dans les prisons (Libération, 14/12/1987), marque un tournant dans la représentation de l'épidémie de sida en prison. Longtemps demeurée en marge, l'institution carcérale apparaît désormais comme une des scènes privilégiées de l'épidémie. Longtemps réfractaire à la reconnaissance de ce risque, le journaliste Gilles Pial remarque peu de temps après « la négligence avec laquelle les autorités, belges ou françaises, traitent le problème du Sida en milieu carcéral » : « L'univers carcéral, qui abrite une grosse minorité de toxicomanes, reste l'exemple du milieu "à risques" »1678(*) (Libération, 4/05/1987).

D'autres acteurs condamnent publiquement la politique du ministère de la Justice en la matière. Le Figaro publie un long entretien avec le responsable du service de prise en charge des détenus de Lyon, qui relativise la portée de l'épidémie (une quarantaine de séropositifs sur 400 sérologies en deux ans), tout en soulignant « la politique de l'autruche » adoptée jusque-là par l'Administration1679(*). Au même moment, la prise en compte du sida en prison est croissante au sein de la presse du fait des cas cliniques de plus en plus lourds auxquels sont confrontés les soignants en prison1680(*). « Un condamné à mort est libéré », titre Le quotidien de Paris dans un article commentant la libération d'un détenu malade à qui fut refusé toute demande de mise en liberté provisoire jusqu'au jour de son affaiblissement ultime1681(*). « Sida en prison : la double condamnation », titre Libération le 1er octobre 1987 suite à la mort d'un détenu dont la séropositivité était connue. Le journaliste spécialisé sur la question du sida à Libération abandonne sa prudence initiale pour dénoncer « la prison des séropositifs » :

« Le système pénitentiaire est malade du Sida. Passées les premières phases de comptabilité morbide (combien de séropositifs ? combien de malades du sida ?), médecins des prisons et autorités pénitentiaires ont désormais la maladie à gérer, et d'infinies problématiques à résoudre [...] Le problème du Sida demeure, en prison, une préoccupation essentielle. En atteste le chiffre des toxicomanes qui ne cesse de croître dans les différents bulletins épidémiologiques produits par le bureau OMS de Paris. Jusqu'à 63% de séropositifs sur une centaine de volontaires dans une prison parisienne »1682(*).

Cette nouvelle médiatisation n'est pas sans préoccuper le ministère de la Justice. En atteste une note adressée par le Directeur de l'Administration pénitentiaire au Conseiller technique du garde des Sceaux en réaction à la publication de cet article de Libération : « Ce taux (63%) reflète la situation de la région parisienne à un moment donné mais il ne serait pas scientifiquement recevable de l'extrapoler à l'ensemble des établissements »1683(*). Traitée jusque-là de façon discrète, la question du sida en prison est, à l'été 1987, l'objet d'une politique publique et ce alors que la lutte contre l'épidémie de VIH passe au niveau national sous la responsabilité de l'Etat. Cette politique davantage volontariste de l'Etat en matière de prise en charge du sida n'est pas sans lien avec la politisation croissante du sida apparue sous l'effet des partis extrémistes et, comme l'appelle Nicolas Dodier, du « retour du spectre antilibéral »1684(*). Dans un contexte préélectoral, les propos du président du Front National annonçant la mise en place de « sidatoriums » à l'image des politiques adoptées à Cuba ou en Bavière, provoquent un grand émoi1685(*). Face à ces craintes, les décideurs font de la politique du sida en prison un objectif. Michèle Barzach tente ainsi, en vain, d'obtenir la distribution de préservatifs en détention.

Un groupe de travail Santé/Justice est créé à l'occasion. Il écarte l'idée d'un dépistage systématique ainsi que la distribution de préservatifs mais propose la mise en place de « liaisons institutionnelles [...] entre les structures hospitalières et les infirmeries des prisons » (QDM, 24/07/1987). L'arrivée des premiers praticiens hospitaliers ne se concrétise qu'en 1988 avec l'intervention des Centres d'information et de soin de l'immunodéficience humaine (CISIH)1686(*). Plus de trois ans auront été nécessaires à la reconnaissance officielle par le ministère de la Justice de la sur-représentation de l'épidémie de sida en prison et ce, en partie, grâce notamment à la persévérance d'un psychiatre1687(*). Pendant ce laps de temps les établissements ont été contraints d'innover, les directeurs et les médecins les plus volontaristes pratiquant une sorte de « bricolage préventif » tandis que d'autres demeuraient plus attentistes1688(*). L'intervention, à partir de 1988, des praticiens hospitaliers en prison marque le déclin du régime d'exception qui marquait jusque-là la gestion de l'épidémie en milieu carcéral.

* 1612 BLANC Alain, « Santé en prison : la nécessaire poursuite du décloisonnement », Actualité et dossier en santé publique, septembre 2003, n°44, p. 46.

* 1613 LHUILIER Dominique, RIDEL Luc, SIMONPIETRI Aldona, VEIL Claude, « Effets révélateurs du sida en prison : résistance et changement », Le journal du sida, n°112-113, janvier 1999.

* 1614 DEFERT Daniel, « Un nouveau réformateur social : le malade », SIDA 89, juin 1989.

* 1615 De nombreux travaux sociologiques, notamment ceux de Jeannine Barbot et de Christophe Broqua, ont depuis souligné l'apport des associations de malades, notamment en matière d'innovation thérapeutique.

* 1616 La seule association d'anciens détenus d'envergure, le C.A.P, prend fin au début des années quatre-vingt.

* 1617 « Editorial. Les fluctuations d'une devise », Sida 89, n°6, juillet-août 1989, p.1.

* 1618 PRESTEL Thierry, « Prison et sida : la politique de l'autruche », Remaides, n°24, juin 1997.

* 1619 Cf. PROVOST Jean-Michel, Sida, toxicomanie et milieu carcéral : enquête épidémiologique à la Maison d'arrêt de Bordeaux Gradignan, thèse de médecine, Université de Bordeaux, 1987, p.7

* 1620 NOEL L., DUEDARI N., « Les difficultés de la sélection des donneurs de sang en milieu carcéral », réunion scientifique de la Société nationale de transfusion sanguine, 7/03/1986.

* 1621 BENEZECH M., RAGER P., « Les détenus toxicomanes anti-LAV positifs », La nouvelle gazette de la transfusion, 1985, 40, 1 ; BENEZECH M., « S.I.D.A et vie carcérale : un constat rassurant », La pratique médicale quotidienne, 1985, 271, 2 ; BENEZECH M., RAGER P., DUTASTA P., ANDRIEUX-LACLAVETINE A., LALANNE B., « Implications médico-sociales du dépistage du S.I.D.A chez les détenus toxicomanes », J. mé.lég. droit méd., 1986, n°29, 5, pp.423-426 ; BENEZECH M., RAGER P., « recherche des anticorps anti-LAV chez les détenus », La nouvelle gazette de la transfusion, 1986, 42, 11.

* 1622 Souligné par nous (PROVOST Jean-Michel, Sida, toxicomanie et milieu carcéral : enquête épidémiologique à la Maison d'arrêt de Bordeaux Gradignan, op.cit. p.99).

* 1623 On entend par « politique discrète » une succession de mesures ne s'inscrivant pas dans le cadre d'une action concertée et n'étant pas placées volontairement au coeur du débat public. Cette gestion discrète caractérise par exemple le comportement du ministère de la Santé en matière de gestion du sida (hors détention) jusqu'en 1985 où apparaissent les prémisses d'une politique publique.

* 1624 On renvoie ici, entre autres, aux travaux de Michael Pollak, de Frédéric Martel et de Patrice Pinell.

* 1625 Pierre Barlet, responsable du service de prise en charge des détenus de Lyon (Lyon Figaro, 10/03/1987).

* 1626 Pierre Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008. Durées :1H45, 2H00 et 1H50.

* 1627 Pierre Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008. Durées :1H45, 2H00 et 1H50.

* 1628 Lettre du Dr Du Couedic à Mme Akoun de la DGS datée du 31/05/1985. Archives internes DGS. Le journaliste écrit en effet que la découverte d'anticorps du sida « ne doit pas les [personnes] affoler mais les inciter à guetter toute infection ou fièvre mal expliquées. Mais cela ne veut pas dire qu'ils ont le S.I.D.A » (EUGENE Didier, « Dépistage du S.I.D.A à Rennes : un risque élevé chez les toxicomanes », Ouest France, 31/05/1985).

* 1629 En 1983, lors de la première description du virus responsable du sida par l'équipe Pasteur le virus est dénommé †LAV, pour «†Lymphadenopathy Associated Virus†». Depuis 1986, l'adoption d'une nomenclature scientifique internationale le désigne sous l'appellation VIH† pour Virus de l'immunodéficience humaine.

* 1630 Procès-verbal du Comité de coordination de la santé en milieu carcéral, 1/07/1985. Archives internes DAP.

* 1631 Ce terme désignait alors les patients présentant les premiers symptômes : fatigue, fièvre, diarrhée, etc.

* 1632 Cf. Annexe 33 : « Les soignants et le sida en prison : entre gestion des peurs et prise en charge impossible ».

.

* 1633 Claude, généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991. Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10.

* 1634 Les faits cités sont tirés du compte-rendu qui en est donné par le préfet après enquête (Lettre du préfet de Gironde au cabinet du ministère de la Santé et transmise à la DGS le 10/09/1985. Archives internes DGS).

* 1635 On y apprend que les autres morts n'ont pas eu lieu en prison à laquelle est pourtant consacré l'article.

* 1636 HERZLICH Claudine, PIERRET Janine, « Une maladie dans l'espace public. Le SIDA dans six quotidiens français », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 1988, Volume 43, n° 5, p.1127.

* 1637 On rappelle qu'on a analysé les dossiers de presse relatifs à la question du sida en France à la FNSP, à la DAP et à la BPI de Beaubourg. Aucun article traitant du sida ne fait référence aux prisons en France avant août 1985.

* 1638 Cf. Annexe 34 : « Le traitement médiatique du sida : de la psychose à la dédramatisation ».

* 1639 Nicolas Dodier met en évidence la mise en place durant les premières années de l'épidémie d'une « option moderne-libérale » consistant à diffuser dans l'espace public une information unifiée et contrôlée par les institutions scientifiques, afin de s'opposer aux pratiques de stigmatisation et de dédramatiser (DODIER Nicolas, Leçons politiques de l'épidémie de sida. Paris, Éditions de l'EHESS, 2003, pp.65 et suiv).

* 1640 La diffusion de cette photo aurait été à l'origine de peurs parmi les surveillants français, si l'on en croit les propos de ce sociologue ayant enquêté aux Baumettes : « Certains auraient été jusqu'à exiger le port de masques. Il est vrai qu'une photo montrant des gardiens de prison américains en combinaison protectrice, casqués et gantés, a fait monter les inquiétudes » (PAILLARD Bernard, L'épidémie. Carnets d'un sociologue, Paris, Stock, 1994, p.298).

* 1641 Jean Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.

* 1642 BADINTER Robert, Les épines et les roses, op.cit, p.193.

* 1643 Ibid., p.206.

* 1644 Pierre Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008. Durées :1H45, 2H00 et 1H50.

* 1645 Lettre circulaire des ministères de la Santé et de la Justice aux DDASS, DRASS, directeurs et médecins d'établissements pénitentiaires du 5/09/1985 accompagnée d'une « fiche technique » (CAC. 19950151 Art.6).

* 1646 Selon Renaud Crespin, tandis qu'à l'irruption de l'épidémie, le dépistage du VIH est pensé sur le modèle en matière de tuberculose, c'est à dire en tant qu'outil de protection de l'institution, l'Administration pénitentiaire recourt rapidement au modèle du dépistage proposé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en tant qu'outil de diagnostic et d'accès aux soins. Cette utilisation témoigne, selon nous, d'une volonté du ministère de la Justice ne pas stigmatiser les détenus (CRESPIN Renaud, « Entre Santé publique et maintien de l'ordre : le parcours des tests de dépistage du SIDA dans les prisons françaises », Lien social et politiques, n° 55, printemps 2006, pp.137-148).

* 1647 Circulaire AP-DGS n°85-29 du 7/11/1985. Bibliothèque DAP.

* 1648 Souligné par nous (Jacques, magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30).

* 1649 Evelyne, infirmière à Fleury-Mérogis de 1983 à 1985 puis à Fresnes de 1985 à 1986 puis à Fleury-Mérogis de 1987 à 1993. Entretien réalisé le 8/02/2006, 2H30.

* 1650 Yvette, infirmière-chef de la M.A de Bois d'Arcy de 1980 à 1998 et ayant participé au Comité Santé /Justice de 1984 à 1988. Entretiens réalisés le 31/04 et le 4/05/2006, 3H et 3H.

* 1651 LETELLIER Laurent, Toxicomanie et VIH, éthique : aspects particuliers en milieu carcéral. Un certain regard sur l'extérieur, thèse de médecine, 1988, p.62.

* 1652 Seuls le Luxembourg et le Portugal mirent en place un dépistage obligatoire de tous les entrants.

* 1653 Valentin, interne puis généraliste à l'EHPNF de 1982 à 1995. Entretien réalisé le 4/01/2006. Durée : 2H.

* 1654 Christine, infirmière à la M.A de Rouen depuis 1984. Entretien réalisé le 8/02/2006, 2H45.

* 1655 Julie, infirmière à Pontoise de 1987 à 1990 puis à Poissy de 1990 à 1992. Entretien réalisé le 31/01/2005, 2H.

* 1656 Florent, infirmier à la M.A de Caen de 1988 à 1995. Entretien réalisé le 25/01/2007, 1H20.

* 1657 LETELLIER Laurent, Toxicomanie et VIH, éthique, op.cit., pp.63-64.

* 1658 PAREAU Odile, L'infirmière a-t-elle sa raison d'être dans le milieu carcéral, mémoire de fin d'études, Ecole d'enseignement des soins infirmiers du Centre hospitalier Léon Binet, 1989-1992, p.17.

* 1659 Cf. Introduction du chapitre 5 : « Les spécificités carcérales à l'épreuve du "décloisonnement" ».

* 1660 René, chirurgien et médecin-chef des Baumettes de janvier 1987 à 1991. Entretien réalisé le 20/02/2006, 2 H.

* 1661 La lettre du préfet de Gironde est accompagnée d'un document interne de la DGS indiquant qu'« il appartient à la D.H de faire connaître à ce praticien notre façon de voir sa stratégie » (Archives internes DGS). On apprit, bien plus tard, que le préfet somma le Dr Bénézech d'interrompre le dépistage systématique des toxicomanes (La Croix, 10/03/1999).

* 1662 BENEZECH M., RAGER P., LARCHE-MOCHEL M., « Problèmes d'hygiène et d'information posés par certaines maladies épidémiques (hépatites virales, SIDA) en milieu carcéral », Archives de maladies professionnelles de médecine du travail, 1986, 47, 4, p.282.

* 1663 BENEZECH M., RAGER P., DUTASTA P., ANDRIEUX-LACLAVETINE A., LALANNE B., « Implications médico-sociales du dépistage du S.I.D.A chez les détenus toxicomanes », Journal de médecine légale- droit médical, 1986, n°29, 5, pp.423-426.

* 1664 PIAL Gilles, « SIDA en prison : le virus de l'extrapolation », Libération, 15-16/02/1986.

* 1665 ESCOFFIER-LAMBIOTTE Claudine, « Dans les prisons françaises. Plus de la moitié des détenus toxicomanes sont contaminés par le virus du SIDA », Le Monde, 15/02/1986.

* 1666 Cf. Annexe 20: « Asclépios au service de Thémis ou la position controversée de Solange Troisier en matière de grèves de la faim ».

* 1667 Le Dr Escoffier-Lambiotte, qui tient la rubrique médicale au Monde depuis 1956, est le premier journaliste-médecin. Outre sa bonne intégration dans les milieux de recherche, elle est nommée secrétaire général de la Fondation pour la recherche médicale, elle est connue pour « ses prises de position tranchées en faveur de la contraception à une époque où ce n'était pas encore populaire, ou contre l'acharnement thérapeutique ». (FAVEREAU Eric, « Le journalisme, de l'information médicale à l'information santé », Sève. Les tribunes de la santé, hiver 2005, pp.21-27).

* 1668 Une polémique a d'ailleurs lieu entre les Dr Bénézech et Espinoza quant au caractère « sidatogène » du milieu carcéral que défend le premier et réfute le second. Il ne nous appartient bien sûr pas de trancher ce débat. On souhaiterait ici simplement souligner que la crainte de l'association entre le sida et la prison a amené la DAP à privilégier une « politique discrète » en la matière.

* 1669 Martine, interne de 1984 à 1986 puis chef de service à l'Hôpital de Fresnes. Entretien réalisé le 5/04/2006, 2H.

* 1670 Ces résultats sont en fait ceux de la thèse de Martine : Prévalence des infections à virus B et LAV chez 113 toxicomanes incarcérés, thèse de médecine, Université Paris Sud, 1986.

* 1671 « SIDA : les séropositifs de la prison de Fresnes », Le Monde, 23-24/11/1986.

* 1672 Pierre Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008. Durées :1H45, 2H00 et 1H50.

* 1673 ESPINOZA Pierre, « Infection HIV et prison », intervention au colloque Sida droit et liberté à Paris les 11 et 12 décembre 1987, Bulletin de l'APSP n°0, pp.8-12.

* 1674 « La prison, lieu de contamination par le virus HIV peut aussi être le lieu de prévention », QDM, 28/01/1987.

* 1675 BENEZECH M., RAGER P., BEYLOT J., « Sida et hépatite B dans la population carcérale : une réalité épidémiologique incontournable », Bulletin Académie National de Médecine, 1987, n°171, pp.215-218.

* 1676 « Un rapport alarmant. Le virus du sida prolifère dans les prisons françaises », Le Monde, 12/02/1987.

* 1677 « S.I.D.A : dans les prisons, l'épidémie explose », Le Figaro, 13/02/1987.

* 1678 On note la distinction entre « groupe à risque » et « milieu à risque », expression moins discriminante à l'égard des détenus (Souligné par nous).

* 1679 « Le sida en milieu carcéral : choc de deux tabous », Lyon Figaro, 10/03/1987.

* 1680 Le récent scandale des grâces médicales explique que les détenus malades du sida ne pouvaient bénéficier d'une telle mesure que peu de temps avant leur décès.

* 1681 « Un condamné à mort est libéré », Le quotidien de Paris, 21/09/1987.

* 1682 PIAL Gilles, « La prison des séropositifs », Libération, 1/10/1987.

* 1683 Note de F. Bonnelle, DAP, au Conseiller technique du garde des Sceaux, du 1/10/1987. Archives internes DAP.

* 1684 DODIER Nicolas, Leçons politiques de l'épidémie de sida, op.cit., p.121.

* 1685 MATHIOT Pierre, « Le sida dans la stratégie et la rhétorique du Front National », dans Favre Pierre (dir.), SIDA: Les premiers affrontements (1981-1987), Paris, L'Harmattan, 1992, pp.189-201.

* 1686 Les Centres d'information et de soins de l'immunodéficience humaine, créés en 1987, constituent la pièce maîtresse de la lutte contre le Sida en milieu hospitalier.

* 1687 Le fait que l'alerte ait été lancée par le chef de service d'un CMPR n'est pas le fait du hasard. Seuls médecins plein-temps dans les prisons à cette époque, les psychiatres des CMPR sont responsables de la prise en charge des toxicomanes (les Antennes toxicomanies ne sont cependant créées qu'en 1988) chez lesquels la prévalence VIH est très forte. Enfin, du fait de leur statut hospitalier, ils bénéficient de ressources extérieures à l'établissement, ayant par exemple rendu possible l'intervention de Michel Bénézech à l'Académie de médecine ou la mise en place de consultations hospitalières avec le service du Pr Jacques Beylot avant 1988.

* 1688 C'est ainsi qu'est réalisée par des détenus, et avec l'aide des éducateurs, une vidéo sur la maladie à la M.A de Nice (« Une vidéo sur le sida en prison », La Croix, 23/03/1988).

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