CHAPITRE 2 : L'EXTINCTION DU CAUTIONNEMENT BANCAIRE EN
DROIT
IVOIRIEN
Avantageux pour les uns, source de lourdes obligations pour
les autres, le cautionnement bancaire s'exécute normalement tant que
cette exécution se fait dans les normes prescrites par la loi.
L'exécution n'est cependant pas éternelle même s'il arrive
que certains contrats durent assez longtemps. A l'instar de toute convention,
le cautionnement bancaire est appelé à s'éteindre. Et cela
peut arriver de plusieurs façons. Ces différents modes
d'extinction ont été classés par la doctrine en deux
catégories. Il y a, d'un côté, l'extinction par voie
principale, expression du caractère personnel du cautionnement et de
l'autre, l'extinction par voie accessoire qui, elle, est la mise en oeuvre
même de son caractère accessoire.
Section 1 : L'extinction par voie principale du
cautionnement bancaire
L'article 37 AURS est formulé comme suit :
« L'engagement de la caution disparaît
indépendamment de l'obligation principale :
- Lorsque sur poursuites dirigées contre
elle, la caution excipe la compensation pour une créance
personnelle
- Lorsque le créancier a consenti une remise
de dette à la seule caution
- Lorsque la confusion s'opère entre la
personne du créancier et de la caution ». Cet article
énonce ainsi les causes qui pourraient justifier la disparition du
cautionnement indépendamment de son caractère accessoire.
Le cautionnement qui, jusque-là, était
présenté comme un engagement dont l'existence est
étroitement liée à celle de l'obligation principale trouve
en ces dispositions une certaine autonomie. Même si elle est
limitée en ce sens qu'elle ne concerne que son mode d'extinction.
Ces dispositions sont favorables à la caution qui, en
dehors du débiteur principal, peut toujours évoquer un certain
nombre de raisons pour se libérer. Toutes ces causes sont bien connues.
Elles sont consacrées par le droit commun des obligations. En outre
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l'AURS évoque aussi une cause d'extinction qui, elle,
ne figure pas parmi celles suscitées. Elle est plutôt
spécifique au cautionnement. C'est la disparition du cautionnement du
fait du créancier bénéficiaire. Le cautionnement bancaire
peut donc s'éteindre de lui-même par l'effet de causes de droit
commun et par l'effet de la faute du créancier, cause
particulière au droit du cautionnement.
Paragraphe 1 : Les causes de droit commun de disparition
par voie principale du cautionnement bancaire
La libération de la banque-caution peut intervenir dans
plusieurs cas. Généralement la cause normale de disparition de
l'engagement de la banque est le paiement qu'elle effectue entre les mains du
créancier-bénéficiaire. Curieusement cette cause n'est pas
évoquée par l'acte uniforme. Sûrement parce que pour le
législateur OHADA, cela relève de l'évidence même.
Toujours est-il qu'il aurait quand même fallu en faire cas, ne serait-ce
que pour une raison de forme. Lorsqu'il ne disparaît pas par paiement, le
cautionnement peut être anéanti soit à la suite d'une
compensation, d'une remise de dette ou encore d'une confusion. A ces
différentes causes, il faut adjoindre la révocation qui est
certes très peu évoquée par l'AURS mais qui retrouve toute
sa vigueur en matière de cautionnement bancaire, en particulier dans les
cautionnements bancaires de soumission.
A. Libération de la caution-bancaire par l'effet
de son paiement ou de la compensation intervenue entre elle et le
créancier- bénéficiaire
? Le paiement effectué par la caution
bancaire
Nous l'avons précisé plus haut, lorsque le
débiteur principal est défaillant, il revient à la
banque-caution de payer le créancier-bénéficiaire. Elle
lui remet alors le montant stipulé dans le contrat. Le paiement est de
loin la principale cause d'extinction du cautionnement. Il est régi par
les articles 1235 à 1248 du code civil.
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Selon l'article 1235 : «
Tout payement suppose une dette » et « ce qui a
été payé sans être dû est sujet à
répétition »120.
La dette de la banque-caution est en l'espèce celle
contractée par le débiteur principal. La caution étant
tenue de la même manière que le débiteur principal, cette
unicité de dette fait qu'en cas de carence du débiteur la dette
pèse sur la tête de la banque-caution. Si elle paye, il n'y aura
donc pas lieu à répétition sous réserve de
l'article 17 de l'AURS bien sûr. De plus, l'article 1236 donne le droit
à toute personne intéressée telle que la caution
d'éteindre la dette d'un autre. Sauf que la règle veut que le
paiement se face entre les mains du créancier ou même de son
représentant ou encore une personne autorisée par la loi ou la
justice à le recevoir121. Autrement dit si la banque- caution
effectue le paiement entre les mains d'une personne n'ayant pas pouvoir pour le
recevoir, ce paiement n'est pas valable. Ce paiement peut toujours être
validé par la ratification postérieure du créancier comme
le précise l'alinéa 2 de l'article suscité. Au-delà
de tout cela en matière de cautionnement le paiement ne peut avoir de
valeur qu'à deux principales conditions.
D'abord s'il est libératoire, c'est-à-dire qu'il
satisfait intégralement le créancier et ne peut être remis
en cause (être source de conflit). Ensuite, s'il est effectué par
le débiteur principal lui-même ; car si c'est un tiers qui le fait
la caution n'est pas totalement libérée dans la mesure où
ce dernier sera subrogé dans les droits du créancier envers la
caution. Ce sont là les conditions données par la jurisprudence
française dans une décision de la chambre commerciale de la cour
de cassation en date du 28 janvier 1997.
Une autre règle du paiement qui mérite
d'être précisée est que le créancier ne peut
être contraint de le recevoir. Telle est la recommandation de l'article
1244122 en son alinéa 1.
120 Ce qui a inspiré à coup sur
la rédaction de l'article 17 sur le droit à
répétition de la caution qui a payé sans avoir averti le
débiteur ou alors que le débiteur avait les moyens de faire
éteindre la dette.
121 Article 1239 : « Le payement doit
être fait au créancier, ou à quelqu'un avant pouvoir de
lui, ou qui soit autorisé par justice ou par la loi à recevoir
pour lui (...) »
122 Le débiteur ne peut point forcer le
créancier à recevoir en partie le payement d'une dette,
même divisible. Les juges peuvent néanmoins, en
considération de la position du débiteur, et en usant de ce
pouvoir avec une grande réserve, accorder des délais
modérés pour le payement, et surseoir à l'exécution
des poursuites, toutes choses demeurant en état.
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La banque-caution, quels que soient les moyens de pression
dont elle dispose, ne peut donc forcer le
créancier-bénéficiaire à recevoir un paiement de sa
part. De plus tous les frais du paiement sont à sa charge.
Le code civil régit aussi le cas des débiteurs
ayant plusieurs dettes envers le même créancier et qui n'en payent
qu'une seule sans toutefois préciser laquelle des dettes il comptait
acquitter. Prenons le cas d'une banque-caution qui a envers le même
créancier deux dettes identiques dont l'une est cautionnée. Elle
paye l'une des dettes sans préciser laquelle des deux elle
désirait acquitter.
Question : sur laquelle des deux dettes le paiement s'impute-t-il
?
Le code civil ne répond pas à cette question
mais il précise néanmoins en son article 1253 :
« Le débiteur de plusieurs dettes a le droit de
déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter
».
C'est la règle de l'imputation des paiements.
La jurisprudence a, quant à elle, répondu
à notre interrogation. Elle pense que dans ce cas si le débiteur
de plusieurs dettes identiques envers le même créancier paye l'une
d'entre elle, on considère qu'il paye celle qu'il avait le plus
intérêt à acquitter. Et dans ce cas de figure la dette
qu'il avait le plus intérêt à acquitter est la dette
cautionnée.
Un dernier cas qui peut se présenter. Le refus du
créancier d'accepter le paiement de la banque (cas assez exceptionnel il
faut le dire) : la banque est alors tenue de faire une offre réelle
à ce dernier. S'il refuse toujours de recevoir le paiement la banque
doit faire une consignation pour se libérer.
Il peut arriver des fois où le cautionnement est
tellement important que la banque-caution ne peut le payer. Le paiement dans ce
cas est inefficace.
Cependant, elle peut se trouver être elle-même
créancière du créancier- bénéficiaire.
L'Acte Uniforme lui permet alors de se libérer par le jeu de la
compensation.
? La compensation entre la banque-caution et le
créancier-bénéficiaire
La compensation est l'extinction réciproque de deux
dettes à concurrence de la plus faible. L'article 1289 du code civil
précise alors :
« Lorsque deux personnes se trouvent
débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une
compensation qui éteint les deux dettes (...) ».
La compensation s'opère de plein droit dès lors
que les conditions sont réunies. Ces conditions se déduisent de
la combinaison des articles 1290 et 1291.
Premièrement il faut que les parties soient
créancières l'une de l'autre. Deuxième condition, elle ne
s'opère qu'entre « deux dettes ayant également pour objet
une somme d'argent ». En outre ces dettes doivent être liquides et
exigibles.
Ces conditions remplies, la compensation entre la
banque-caution et le créancier-bénéficiaire peut
valablement s'opérer. Précisons également que dans le cas
où la compensation a joué entre le débiteur principal et
le créancier bénéficiaire, la caution peut s'en
prévaloir et se trouver libérée. L'article 1294
alinéa 1 lui en donne le droit en ces termes : « La
caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au
débiteur principal (...) ». La compensation joue
même si l'une des parties bénéficie d'un délai de
grâce
La banque-caution peut être aussi libérée
par une remise de dette ou par le jeu de la confusion ou de la
révocation.
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