Deuxième Partie :
L'EXECUTION DU CAUTIONNEMENT BANCAIRE EN DROIT
IVOIRIEN
Le contrat étant formé, les différents
rapports peuvent se mettre en marche. Le lien entre la banque-caution et le
créancier-bénéficiaire se superpose à celui qui
existe entre la caution bancaire et le débiteur principal.
Dans sa mise en oeuvre le cautionnement bancaire, quelle que soit
l'étape à laquelle on se situe, est toujours sous-tendu par
plusieurs principes.
CHAPITRE 1 : LES PRINCIPES DE L'EXECUTION DU
CAUTIONNEMENT
BANCAIRE ET LEUR MISE EN OEUVRE
Le cautionnement bancaire, à l'instar des autres types
de cautionnement, est gouverné par de nombreux principes que l'acte
uniforme ne manque pas de préciser. Les plus importants sont
certainement d'un côté, la présomption de solidarité
qui sonne comme un moyen à l'avantage du créancier, et de
l'autre, le bénéfice des exceptions, qui lui, est une aubaine
pour la caution qui voit ses droits consolidés.
Section 1 : Les principes directeurs des rapports de
cautionnement bancaire : la présomption de solidarité et le
bénéfice des exceptions.
« Le cautionnement est réputé
solidaire.
Il est simple lorsqu'il en est ainsi
décidé, expressément, par la loi de chaque Etat partie ou
la convention des parties ».
C'est ainsi qu'est libellé l'article 20 de l'AURS. Il
affirme clairement et expressément la présomption de
solidarité de toutes sortes de cautionnement (civil ou commercial).
L'AURS rame à contre-courant du code civil qui pose un
principe tout à fait différent. Lui, stipule plutôt que le
cautionnement est toujours présumé simple68.
Tout cautionnement, qu'il soit civil ou commercial, est donc
présumé solidaire, sauf si les parties au contrat ou la loi de
l'Etat en décident autrement.
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68 Article 1202 :
« La solidarité ne se présume point ; il faut
qu'elle soit expressément stipulée.
Cette règle ne cesse que pour les cas où la
solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de la loi
».
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Paragraphe 1 : La solidarité dans le cautionnement
bancaire, un principe au profit du créancier bénéficiaire
A. De la solidarité et ses implications dans le
cautionnement bancaire
On ne peut plancher efficacement sur la question de la
solidarité du cautionnement bancaire sans avoir préalablement
chercher à cerner la notion de solidarité.
Le code civil fait le départ entre solidarité
active et solidarité passive. La solidarité active est celle qui
existe entre deux ou plusieurs créanciers, tandis que la
solidarité passive lie deux ou plusieurs débiteurs.
Elles sont respectivement définies par les articles
1197 et 1200 du code civil. Ainsi, aux termes de l'article 1197 :
« L'obligation est solidaire entre plusieurs créanciers lorsque le
titre donne expressément à chacun d'eux le droit de demander le
payement du total de la créance, et que le payement fait à l'un
d'eux libère le débiteur, encore que le bénéfice de
l'obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers
».
L'article 1200, lui, stipule : «il y a
solidarité de la part des débiteurs, lorsqu'ils sont
obligés à une même chose, de manière que chacun
puisse être contraint pour la totalité, et que le payement fait
par un seul libère les autres envers le créancier
».
Seule cette dernière catégorie de
solidarité retiendra notre attention dans le cadre de cette
étude. La solidarité dont nous parlons ici est donc
le mécanisme par lequel plusieurs débiteurs sont tenus de la
même dette envers un même créancier de sorte que celui-ci
peut poursuivre n'importe lequel de ses débiteurs pour le paiement de la
totalité.
Le créancier dans ce cas, a plusieurs débiteurs.
Il peut s'adresser à l'un d'entre eux pour se faire
payer la totalité de sa créance, à charge pour celui qui a
payé de se retourner contre les autres débiteurs afin de se faire
rembourser.
C'est cette technique de droit commun que le droit OHADA a
adopté.
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Par voie de conséquence, « lorsqu'elle est
donnée par une banque, une telle garantie (le cautionnement) est
toujours stipulée solidaire »69.
Cette affirmation est d'autant plus vraie que la
solidarité est présumée en matière commerciale en
droit OHADA.
Quid du cautionnement bancaire en particulier ?
En droit comparé français « le
cautionnement bancaire est un cautionnement solidaire régi par les
articles 2011 et suivants du code civil »70. Il en est de
même en Côte d'Ivoire. Le cautionnement bancaire est toujours
stipulé solidaire et est soumis par conséquent au régime
de la solidarité. La nature commerciale de la banque joue un rôle
assez important dans cette présomption de solidarité. La pratique
bancaire, quant à elle, a toujours adopté la solidarité
comme le principe habituel.
Pourtant, à l'analyse des implications de cette
solidarité, nous constatons qu'elle pourrait refroidir les ardeurs de
plus d'une banque quant à la conclusion d'un cautionnement bancaire
solidaire.
Les implications de la présomption de solidarité
Quelles sont ces implications ?
La règle de la solidarité a essentiellement des
effets sur les droits de la banque-caution et ce, en fonction du type de
solidarité.
? 1er cas : Plusieurs banques se portent caution de
la même dette.
On est alors dans un cas de cofidejussion. Et les
banques-cautions sont appelées cofidéjusseurs.
Pour cette hypothèse, l'article 1203 du code civil
affirme que : « Le créancier d'une obligation
contractée solidairement peut s'adresser à celui des
débiteurs qu'il veut choisir, sans que celui-ci puisse lui opposer le
bénéfice de division ».
L'acte uniforme ne dit pas autre chose : «
S'il existe plusieurs cautions pour un même débiteur et une
même dette, sauf stipulation de solidarité entre elles ou
renonciation par elles à ce bénéfice, chacune d'elles
peut, sur premières poursuites du créancier,
69 RIVES(L) et CONTAMINE-RENAUD(M), Droit
Bancaire, 6e éd, Dalloz, 1995.
70RIVES-LANGE (J-L) et CONTAMINE-RAYNAUD(M), Op.
Cit.
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demander la division de la dette contre les
cautions solvables au jour ou l'exception est invoquée
»71.
C'est dire que la stipulation de solidarité fait obstacle
au bénéfice de division.
En cas de cofidejussion, donc, la banque-caution est
privée du bénéfice de division.
Le bénéfice de division est un moyen de
défense dont dispose une caution solidaire en vertu duquel il peut
demander au juge de n'être tenu que de sa part dans la dette lorsqu'il
est poursuivi par le créancier. C'est donc l'aptitude qu'a la caution
à demander la division des poursuites.
Le cautionnement solidaire est alors une sorte de renonciation
de la banque à son bénéfice de division. Ce qui n'est
évidemment pas à son avantage.
La banque, si elle a payé le cautionnement, peut en
revanche se retourner contre les autres cofidéjusseurs pour paiement.
Quant au créancier il peut poursuivre la caution de son
choix.
? 2e cas : La solidarité entre la
banque-caution et le débiteur principal.
Dans ce cas, à la privation du bénéfice
de division s'ajoute celle du bénéfice de discussion. Telle est
la position du législateur OHADA au travers de l'article 27
alinéa 1 de l'AURS : « La caution judiciaire et la
caution solidaire ne disposent pas du bénéfice de discussion
».
Le bénéfice de discussion est la faculté
qu'a la caution poursuivie pour le paiement d'obtenir la suspension provisoire
des poursuites afin que le créancier saisisse au préalable les
biens du débiteur principal.
Un cautionnement bancaire stipulé solidaire prive la
banque-caution de ses deux moyens efficaces de défense que sont le
bénéfice de division et le bénéfice de
discussion.
On comprend alors aisément la propension qu'ont les
banques à repousser le caractère solidaire du cautionnement
bancaire. Caractère pourtant bénéfique au
créancier.
C'est pourquoi l'Acte Uniforme, dans un souci
d'équilibre certainement, prévoit la possibilité
d'écarter la solidarité.
71 Article 28 alinea1 de l'AURS
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