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Les poursuites pénales d'un chef de l'état en fonction en droit positif congolais.

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par Deogratias BYAMUNGU POLEPOLE
RESEAU DES UNIVERSITES DU CEPROMAD GOMA - DIPLOME 2016
  

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§2. Dans le domaine structural et procédural

Nous tentons d'articuler ces propositions autour des concepts d'efficacité, d'efficience et d'effectivité dont les approches définitionnelles sont de nature à en faciliter l'intelligence. Il procède en effet de la cohérence normative interne et externe que la justice doit être perçue comme un des mécanismes du système de règlement des conflits surgissant dans la société elle-même déjà saisie ici comme un système intégré.

C'est ainsi que le dysfonctionnement de la justice est déjà le révélateur explicite d'un autre dysfonctionnement plus grand qui est celui de la société politique globale. En effet, la justice entendue comme une manifestation du pouvoir est toujours une des fonctions de celui-ci, de la sorte que son dysfonctionnement déteint inévitablement sur la totalité du pouvoir. Ainsi donc, avoir un juge constitutionnel efficace est une nécessité non seulement pour parachever l'édifice constitutionnel et assurer sa solidité mais aussi et surtout une exigence d'efficacité du pouvoir dans l'Etat. Voyons dès lors comment cette justice de qualité pourrait s'implanter sur le sol congolais au regard des vues de droit comparé exposées plus loin, en commençant par la composition du siège de cette justice.

A. Composition

Etudier la proposition de la composition de la juridiction constitutionnelle est en effet une nécessité car la justice est finalement un « complexe psychotechnique » incluant à la fois un personnel humain et une formation scientifique.

La constitution du 18 février 2006 en son article 158 dispose que « la Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le Président de la République dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature.

Les deux tiers des membres de la Cour constitutionnelle doivent être des juristes provenant de la magistrature, du barreau ou de l'enseignement universitaire ».47(*)

Cette disposition constitutionnelle est la base de la problématique même de la composition de cette haute juridiction. Il importe de souligner que si d'emblée 48(*)le nombre de neuf membres, au-delà de son symbolisme ésotérique parfait, ne pose pas problème particulier, il y a néanmoins lieu de faire remarquer qu'au regard de la configuration politique des provinces et du nombre des matières attribuées à cette haute juridiction ce chiffre pourrait être dépassé48(*).

Mais les évolutions futures tirées de l'expérience de la Cour suprême de justice siégeant en matière électorale semblent se diriger vers l'accroissement du volume du travail pour neuf juges. Ce travail juridictionnel serait d'autant plus accru qu'il serait en fin de compte confié aux deux tiers des juges qui seront juristes, les trois autres membres n'ayant pas a priori des compétences techniques pour régler les questions purement juridiques même si leur apport pour les questions politiques pourrait être visible. Cette critique devra être tempérée par l'option faite par le législateur organique en faveur des conseiller référendaires49(*).

La question de la composition continuera à se poser au regard non seulement du volume des affaires mais surtout eu égard aux qualifications des membres. Le texte constitutionnel se limite à parler de juristes ; ce terme est plus qu'imprécis. L'enseignement du droit en République démocratique du Congo est étalé sur trois années consacrées par un diplôme de gradué en droit, deux autres années couronnées par le diplôme de licencié en droit ; deux années de diplôme d'études supérieures en droit et trois années terminales couronnées par le diplôme d'Etat de docteur en droit.50(*)

Ainsi qu'on vient de le remarquer, à chaque niveau de formation correspond un diplôme universitaire de droit. A quel niveau d'études correspond donc la qualification de juriste énoncée par le constituant ?

Il nous semble difficile de dire qu'un gradué en droit est déjà juriste tant il n'a pas encore accompli le cursus universitaire de licence qui lui permet d'exercer les métiers de droit. Le terme juriste s'appliquerait donc aisément au détenteur du diplôme de licencié en droit51(*).

52(*)Mais là aussi les programmes universitaires montrent que le jeune licencié en droit frais émoulu de nos universités n'a que très peu de formation en matière de droit public et plus spécialement en droit constitutionnel qu'il n'aura appris qu'en premier graduat souvent dans l'euphorie quasi religieuse des élèves sortis des bancs de nos collèges et lycées52(*).

Pour l'efficacité du juge constitutionnel et pour rendre un tant soit peu opératoire le cycle d'études postuniversitaires, il serait souhaitable que ne soit considéré comme juriste au voeu du constituant que celui qui a achevé le cycle des études donnant lieu à un diplôme d'études supérieures en droit public car ces études sont réellement spécialisées et permettent au récipiendaire de développer des compétences spécialisées et approfondies dans le champ des attributions juridictionnelles de la Cour constitutionnelle.

A preuve, la lecture des arrêts rendus en matière électorale- matière constitutionnelle- et en matière administrative a donné à voir que nos hauts magistrats n'avaient pas toujours une compétence affirmée en matière de droit public.

Dès lors, énoncer comme le fait le constituant avec une naïveté quasi enfantine que ces juristes proviendraient de la magistrature nous parait véritablement une gageure. Il y a sans doute de juristes qualifiés dans le corps de notre magistrature au regard du critère académique avancé, cependant le seul diplôme ne permet pas de juger du niveau scientifique du candidat au poste de conseiller à la Cour constitutionnelle.

Le critère de la qualité des publications serait un paramètre intéressant de ce point de vue. Il en est notamment ainsi dans les systèmes étrangers que nous 53(*) avons analysés plus haut54(*). Ainsi, il serait illusoire de s'attendre à une justice constitutionnelle efficace de la part d'un juriste privatiste ou pénaliste qui aurait par ailleurs passé trente ans de sa carrière à trancher des conflits parcellaires ou des accidents de circulation. The right man at the right place, dit un adage anglais dont le pragmatisme légendaire tranche avec le flou de la formule constitutionnelle congolaise.

Par ailleurs, lorsque l'on sait que la juridiction constitutionnelle a pour fonction de juger les oeuvres législatives de la majorité, il est illusoire de laisser le choix libre à cette même majorité de désigner ses juges. C'est l'inefficacité toute désignée. S'il l'on ne peut contester au Président de la République la latitude éclairée de choisir trois juges parmi les personnalités indiquées à l'alinéa 1er de l'article 158 de la Constitution, l'on ne peut pas ne pas remarquer qu'il appartient à une famille politique et que l'absence de culture politique démocratique l'inclinerait à privilégier les juges qui ne jugeraient aucune de ses oeuvres. Le seul rempart contre cette inclinaison naturelle de tout homme politique réside naturellement dans la notion bien morale de l'intérêt supérieur de la Nation.

Le Chef de l'Etat n'a-t-il pas déjà une haute intelligence de cette notion dans un Etat qui se veut de droit ?

Le choix qu'opérerait le Conseil supérieur de la magistrature serait une option acceptable sauf à privilégier le critère de compétence technique que l'on ne voit pas beaucoup dans ce corps du seul point de vue du droit public.

La désignation du Conseil supérieur de la magistrature s'impose-t-il au Président de la République, seule autorité publique investie du pouvoir de nomination ? Il nous parait qu'il s'agit d'une sorte de compétence liée. Il ne peut que nommer. S'agissant du barreau, la même critique persiste. Le barreau congolais est composé des avocats, pour la plus large part, généralistes et ne disposant pas des connaissances spécialisées55(*) en droit constitutionnel de sorte que là aussi il est illusoire de trouver des personnalités appropriées à la tâche56(*). Nous pensons, en revanche, que la présence des conseillers référendaires que l'on trouverait volontiers parmi les universitaires congolais spécialistes de droit public serait de nature à tempérer la vacuité des juges non spécialistes. Mais, il faut le dire sans ambages, lorsque l'on veut installer une justice crédible, il sied de commencer par recruter des excellentes personnalités qui seraient enfin des juges excellents. L'Etat de droit passe inéluctablement par là et nulle part ailleurs. Matadi Nenga Gamanda opine, dans le même sens, lorsqu'il affirme que « la garantie d'accès à un tribunal serait illusoire si siégeaient audit tribunal, comme juges, des truands, des ignares ou de corrompus de tout genre. Le droit à un bon juge est une garantie juridictionnelle d'après laquelle toute partie doit être garantie de l'intervention d'un juge doté d'un pouvoir de pleine juridiction et de connaissances nécessaires pour une justice de qualité. Ce savoir, renchérit-il, dans la plupart des cas, ne peut être assuré que par la spécialisation du juge dans la matière qu'il traite. Le juge doit être au parfum du progrès du droit, surtout dans le domaine qui le concerne. Etre formé et se former est une obligation : quelle que soit la valeur de magistrats et leur qualité, quelle que soit la rigueur de leur raisonnement, leurs décisions resteront imparfaites si le droit qu'ils doivent appliquer ne progresse pas constamment ».56 Nous accordons nos suffrages à l'alinéa 4 de l'article 158 de la Constitution déjà cité pour la simple raison que le Président de la Cour constitutionnelle élu par ses pairs pour une durée de trois ans une fois renouvelable serait à même de la bien diriger même si cela n'est pas exclusif de la critique qu'il y a risque que le président ainsi élu ne se constitue une sorte de clientèle pour son éventuelle réélection. L'expérience étrangère exposée plus loin indique que le risque ainsi décrit et qui est réel reste néanmoins marginal si les hommes et femmes qui composent la Cour sont d'une haute moralité, condition que malheureusement le constituant ne semble guère imposer.57(*)Au-delà de cette composition purement technique, il reste à voir qu'il est également utile qu'à l'instar du constituant sud-africain d'instaurer une justice constitutionnelle qui serait spécifiquement congolaise.

Nous proposons donc que soit ajouté aux trois catégories constitutionnelles déjà exposées, un type nouveau des juges qui seraient les chefs coutumiers des principales communautés chaque fois que les intérêts de ces entités seraient en jeu.58(*)

En effet, dans le mental africain, la justice est toujours de compromis. Il n'y a pas a priori des raisons que la justice constitutionnelle soit rendue hors la présence des destinataires de ses décisions.59(*) C'est une question d'efficience et de rationalité systémique.60 En d'autres termes, les chefs coutumiers seraient consultés comme juges ad hoc comme cela se pratique devant la Cour internationale de justice.60(*) Cette pratique est de nature à rendre lisible le travail de la Cour au regard des communautés concernées par les produits législatifs en processus de censure devant elle. A supposer qu'une loi soit adoptée concernant une terre occupée par une communauté, il nous paraît convenable que cette communauté par son chef qui est du reste une autorité publique soit consultée pour connaître le point de vue de celle-ci. Le juge coutumier ainsi désigné ne serait pas permanent ; il participerait au vote en prenant la parole sans toutefois avoir voix délibérative pour éviter l'émotion qui serait la sienne. Au-delà, il reste une question technique qu'il échet de résoudre : la question de la récusation des membres de la Cour et surtout la possibilité d'une suspicion légitime. La question vaut son pesant d'or car la loi organique porte que « la Cour constitutionnelle ne peut valablement siéger et délibérer qu'en présence de tous ses membres, sauf empêchement temporaire de deux d'entre eux au plus, dûment constaté par les autres membres»61(*).

En raison du caractère général de l'expression « empêchement temporaire », faut-il y inclure les cas de récusation et de suspicion légitime ? La disposition en lecture semble induire que deux juges seulement sont susceptibles d'être empêchés notamment par la récusation dans les conditions ordinaires de récusation. Est-il possible d'en récuser trois ou quatre sans bloquer la Cour et surtout violer la loi organique de cette institution ? En droit comparé, cette question vient de se poser avec acuité devant le juge constitutionnel burkinabé sous la Décision n° 2005- 004/CC/EPF du 14 octobre 2005 sur le recours du candidat Bénéwendé Stanislas Sankara tendant à récuser quatre membres du Conseil constitutionnel. Sur les neuf membres du Conseil constitutionnel, quatre étant récusés, quatre autres ont du siéger et rejeter la requête en récusation sans vérifier la régularité de leur propre composition exposant de la sorte leur oeuvre à la critique. La suspicion légitime obéit à la même difficulté et oblige la Cour constitutionnelle à ne pas siéger. Et Dieu seul sait combien les politiciens seront tentés de l'empêcher à travailler à travers un tel mécanisme. Plus près de nous, le Conseil national de l'Ordre des Avocats qui siège aussi à neuf membres a été obligé d'interdire à travers son règlement intérieur-cadre la suspicion légitime et la récusation de plus de deux de ses membres. Le caractère illégal d'une telle disposition ressort du fait évident que la question de procédure devant un juge ne peut être réglée par voie des dispositions générales par le juge lui-même. Le législateur doit intervenir. Mais en attendant, la solution peut être imitée au profit de la Cour constitutionnelle pour éviter le désagrément burkinabé qui est loin d'être théorique.

La récusation est le moyen de procédure par lequel le juge peut être remplacé pour certains motifs qui peuvent faire douter de son impartialité. Il s'agit là d'un principe aussi universel qu'ancien fondé sur l'impossibilité pour le justiciable de se conformer à une décision de justice s'il est prouvé que le juge a agi non selon la justice et le droit, mais par intérêt, faveur ou haine. Naturellement, ce moyen de procédure n'a pu véritablement se développer que lorsque les juges furent imposés aux justiciables. Et c'est le cas lorsque toute la juridiction est suspectée de partialité.

62(*)L'exposé que nous venons de faire sur la composition de la Cour constitutionnelle ne serait pas complet si nous ne disons un mot sur le statut du juge qui va y siéger. Il s'agit d'étudier à la fois le statut financier et le statut fonctionnel des membres de la Cour62(*).

* 47 Art 158 de la constitution du 18/2/2006 telle que modifiée et complétée par la loi N°11/002 du 10 Jan. 2013 partant révision de certains articles de la constitution du 18 Février 200

* 48 L'on se souvient que le contentieux électoral lors des élections générales de 2006 a pris plus de temps que prévu entraînant même une contestation parlementaire des arrêts rendus hors délai, lesquels arrêts n'ont eu la vie sauve que grâce à la bonne disposition d'esprit du Président de l'Assemblée nationale.

* 49 Art. 21 de la loi organique N°13/026 du 15 oct. 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle in J.O de 2013

* 50 Lire l'article 1er de l'Ordonnance-loi n°81-026 du 3 octobre 1981 relative à la collation des grades académiques aux universités, JOZ, n°20, 15 octobre 1981, p.13.

* 51 En effet, tant le statut des magistrats que l'ordonnance-loi organique du Barreau, les deux textes ont toujours exigé la détention d'une licence en droit comme condition minimale pour exercer la profession d'avocat ou la carrière de magistrat. Dès

* 52 . lors, l'on peut convenir que l'on devient juriste lorsque l'on possède ce parchemin encore qu'il ne s'agisse là que d'une simple présomption juris tantum des connaissances en matière de droit

* 53 Lire MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République démocratique du Congo. Contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, DIN, 2001. Cet auteur considère en effet et à raison que la mauvaise formation de nos magistrats est un obstacle majeur immédiat à la réforme de la justice ; KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en droit public congolais. Lecture critique de certaines décisions de la Cour suprême de justice d'avant la Constitution du 18 février 2006, Kinshasa, éditions Eucalyptus, 2007.

* 54 Les études de troisième cycle en droit sont organisées par l'arrêté départemental n°ESR/BCE /141/79 du 15 octobre 1979 fixant les programmes du diplôme d'études supérieures en droit. Lire MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE, Programmes des études de troisième cycle, Kinshasa, Le Bureau des études postuniversitaires du Zaïre (BEPUZA), 1991, p.12-14

* 55 . Lire les développements fort utiles de MAPPA (S.), Pouvoirs traditionnels et Pouvoir d'Etat en Afrique. L'illusion

Universaliste, Paris, Karthala, 1998 ; MABIKA KALANDA, La remise en question. Base de la décolonisation Mentale, Bruxelles, Remarques Africaines, 1969.

* 56 Il est rationnel en effet que la loi comme expression de la souveraineté nationale tout comme la justice, expression de cette souveraineté, concernent le plus grand nombre au lieu de rester cloisonnées dans les alcôves de quelques résidences cossues de Kinshasa ou de Lubumbashi

* 57 La pratique de juges ad hoc désignés par les Etats parties au procès devant la Cour internationale de justice a donné des bons résultats parce qu'elle achève de faire participer les Etats à la fois comme juges et comme parties au procès de sorte qu'il est

* 58 exclu qu'un Etat jugé à ce niveau puisse arguer de n'avoir pas eu à exprimer littéralement ses vues. Chaque Etat a le 57droit de se choisir un juge qui porte en fait son point de vue. Dans un cas récent, cette pratique a donné naissance à une belle littérature qui

* 59 Lire article 90 du Règlement intérieur-cadre révisé en 2009.

* 60 Dans ce sens, lire la belle thèse de BERNABE (B.), La récusation des juges. Etude médiévale, moderne et contemporaine, Paris, LGDJ, 2009, 440 pp.

* 61 Article 90 de la loi organique N°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle in J.O de 2013.

* 62 63. Art 11 de la loi organique N°13/026 du 15 Octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle in J.O de 2013.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe