I.2. REVUE EMPIRIQUE
Dans cette revue empirique de notre travail, nous avons trois
sections que nous allons expliciter notamment :
TSONGO MULWAHALI Patient, Mémoire :
Création des entreprises et chômage en R.D.C : Vérification
empirique de la loi d'OKUN. De 2000 à 2014
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· La relation de causalité entre croissance de la
production et chômage
· Implication de la croissance économique du PIB sur
l'emploi
· Causalité entre chômage et inflation
SECTION1. RELATION DE CAUSALITE ENTRE CROISSANCE DE
LA PRODUCTION ET CHOMAGE
Partant de la littérature, la croissance
économique de la production contribue à accroître le
revenu, à réduire le chômage et la pauvreté. La
redistribution des fruits de la croissance se réalise notamment à
travers des programmes publics de santé, d'éducation, de
logement, d'emploi, des infrastructures et de solidarité. Par ces
leviers, la croissance permet de réduire la pauvreté et les
inégalités.
Sur le plan empirique, Arthur OKUN (1962), utilise des
séries temporelles pour analyser la relation entre la croissance
économique et le chômage aux USA. Après ses estimations
l'auteur trouve que pour tout accroissement du taux de croissance se traduit
par une réduction du taux de chômage. La causalité entre
les deux variables est unidirectionnelle allant donc du taux de croissance vers
le taux de chômage.
SECTION2. IMPLICATION DE LA CROISSANCE ECONOMIQUE DU PIB
SUR L'EMPLOI
En République démocratique du Congo, pays post
conflit, réputé scandale géologique mais paradoxalement
pauvre, la situation de l'emploi et particulièrement l'emploi des jeunes
n'a fait que se dégrader depuis des années. Elle est
considérée aujourd'hui comme une question vitale dans la
modernisation du pays et dans la croissance économique
(Désiré 2013)
Dans cette section, nous allons étudier l'implication
de la croissance économique de deux volets dont :
- L'implication de la croissance économique du PIB sur
l'emploi ;
- L'implication de la croissance économique du PIB sur la
pauvreté
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1. Implication de la croissance économique
du PIB sur l'emploi
La RD Congo connaît une croissance démographique
de 3,4% consécutive à une mortalité infantile
décroissante au cours de ces vingt dernières années et une
fertilité constante sur la période avec 6 enfants en moyenne par
femme. Avec cette tendance démographique, 50% de la population de la
tranche d'âge supposée active de 15 à 64 ans, serait des
jeunes et aggraverait la situation du marché du travail (DSCRP ;
2011-2015)
C'est à juste titre que le rapport d'Africa Progress
Panel (2013 : 21) fait ce constat : « Les performances de croissance de
l'Afrique ont fait la une des actualités financières
internationales. Les commentateurs ont été fascinés par
les chiffres des exportations, de l'investissement étranger et de la
croissance du PIB. Ils se sont moins intéressés à la
relation entre la croissance et les facteurs qui comptent dans la vie des
pauvres d'Afrique, comme l'emploi, la santé et l'éducation.
».
La situation des jeunes vis-à-vis de l'emploi en
République Démocratique du Congo se caractérise par une
propension globale au chômage consécutive non seulement à
l'absence d'une véritable politique globale en matière d'emploi,
mais surtout le manque d'un cadre de mise en oeuvre de la politique nationale
de l'emploi adopté par le Gouvernement de la République
Démocratique du Congo (Désiré ; 2013).
En dépit de l'existence d'une politique nationale pour
l'emploi des jeunes, l'absence des données statistiques fiables et la
faiblesse des structures administratives en charge de cette
problématique ne permettent pas de rendre compte de manière
précise de cette situation. En effet, les Ministères en charge de
la question de la formation professionnelle et de l'accès des jeunes
à l'emploi accusent des carences dans la production des informations
statistiques fiables et mises à jour pour saisir de manière
instantanée l'état de cette question (Désiré ;
2013)
Comme cela ressort des données exploitées dans
l'enquête 1-2-3 de 2005, il existe un lien direct de causalité
entre pauvreté et emploi. Cette enquête indique que montre
qu'environ 70% des pauvres sont au chômage ou en situation de sous-
emploi. L'inégalité en termes de salaires est aussi
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très élevée (65,3). Le nombre
élevé d'enfants travailleurs (de 4 à 14% selon les
enquêtes), la plupart hors du système scolaire, est tout aussi
préoccupant (Enquête 1-2-3 2004-2005).
Le niveau d'équilibre du revenu (ci-dessus) correspond
à un certain niveau de production. Celui-ci dépend à son
tour d'un certain niveau d'emploi. À chaque niveau du revenu correspond
un certain niveau d'emploi. La logique est de dire que le niveau du revenu
détermine le niveau d'emploi. Le niveau d'emploi est une variable qui
résulte de cet équilibre macroéconomique. Mais le niveau
d'équilibre macroéconomique n'a aucune raison de correspondre au
niveau de plein emploi. Il peut tout à fait correspondre à un
certain niveau de chômage. L'équilibre que l'on a esquissé
est un équilibre de revenu national et il n'exclut pas le chômage
(Aghion P ; 2010)
Les conditions socio-économiques des populations
Congolaises restent donc médiocres. Malgré l'importance des taux
de croissance de ces dernières années, l'impact social et humain
tarde à se concrétiser. Les indicateurs sociaux ne sont pas
satisfaisants (BAD, 2012 : 3-4). La pauvreté touche environ 71% des
congolais dans un pays qui ne dispose pas encore d'une politique de protection
sociale. 75% de la population souffre d'insécurité alimentaire et
vit dans une pauvreté multidimensionnelle. Le taux de mortalité
infantile (pour 1000) est de 114,9 comparé à 80 pour la moyenne
africaine et l'accès aux services sanitaires (en % de la population) est
de 17,6 comparé à la moyenne de 38,5 pour l'Afrique. Environ 80%
de la population active est en-dehors du marché du travail.
Toutefois, selon les rapports de la Banque centrale du Congo,
le chômage connait une tendance à la baisse ; mais les taux
officiels restent supérieurs à 60% de la population active selon
les données du tableau qui suit.
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empirique de la loi d'OKUN. De 2000 à 2014
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Tableau. Evolution du marché du
travail
Années
|
Travailleurs
|
Emplois créés
|
Population active
|
Chômeurs
|
Taux de chômage en %
|
2002
|
3604.9
|
51.7
|
33068.6
|
29463.7
|
89.1
|
2003
|
3907.6
|
302.7
|
33897.5
|
29989.9
|
88.5
|
2004
|
9661.1
|
5753.4
|
34736.8
|
25075.8
|
72.2
|
2005
|
11480.9
|
1819.9
|
35611.3
|
24130.3
|
67.8
|
2006
|
12216.2
|
735.3
|
36503.8
|
24287.5
|
66.5
|
2007
|
12884.9
|
668.6
|
38009.7
|
25124.9
|
66.1
|
2008
|
13781.0
|
896.1
|
38998.0
|
25217.0
|
64.7
|
Source : BCC, Rapport 2010
Le taux de chômage bien que décroissant, mais
reste au dessus de la moyenne. La diminution du chômage est sans doute
liée à l'accroissement de la production. Mais il aurait
été pertinent de disposer des données de création
d'emplois réels par secteur pour évaluer l'impact de la
croissance économique.
Au vues de ce tableau, nous comprenons que le taux de
chômage en RD Congo, sur les vrais calculs de la formule du taux de
chômage, son taux est supérieur à 60%.
2. Implication de la croissance économique
du PIB sur la pauvreté
Le développement constitue un terme plurivoque.
Quoiqu'il en soit, il inclue l'amélioration des conditions de vie
matérielles et sociales : l'accès à l'alimentation en
quantité et en qualité, au revenu suffisant, aux soins de
santé, à l'éducation, au logement décent etc.
L'amélioration de ces indicateurs
socio-économiques est conditionnée en grande partie par la
croissance économique créatrice de richesse et la redistribution.
Nous ne relançons pas le débat autour des objectifs de la
croissance et ceux du développement. Mais, il est évident de
souligner qu'une économie en croissance peut réduire la
pauvreté. Des parcours de développement de plusieurs pays l'ont
montré.
C'est le cas ces dernières années des pays
émergents tels que la Chine. Alors que le taux de pauvreté y
était de près de 64% au début des années 1980, en
2001 il est de 17%, ce qui montre une réduction importante. La
croissance économique a été la principale cause
immédiate de ce rapide déclin de la pauvreté (RAVALLION,
novembre 2004 : 1). Dans le
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empirique de la loi d'OKUN. De 2000 à 2014
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même ordre d'idées, on ne peut espérer
réduire la pauvreté sans la croissance (Commission on Growth and
Development, 2008: 14).
Parmi les facteurs ayant contribué à la
croissance en Asie (Corée, Singapour, Taiwan, Hong Kong), on cite une
épargne intérieure élevée, le rôle de l'Etat
dans des investissements publics, la réalisation des infrastructures
ainsi que l'investissement dans l'éducation pour l'acquisition des
compétences.
On peut donc remarquer à contrario que le
déficit d'investissements, d'épargne intérieure,
d'infrastructures et de gouvernance n'est pas favorable à la croissance
et donc à la réduction de la pauvreté. Pour plusieurs
pays, on évoque également l'ouverture au marché mondial
par la promotion des exportations des biens à valeur ajoutée
élevée. Les termes de l'échange sont
améliorés ; les revenus et les réserves en devises
augmentent, ce qui accroît la valeur de la monnaie nationale et permet
des importations notamment des biens intermédiaires, des machines, des
pièces de rechange etc., pour les besoins de la production (Sullivan,
février 2012).
C'est donc là une application au commerce international
de la théorie du « trickle-down » : l'ouverture favorise la
croissance, génératrice des richesses qui profitent à
toute la société par la réduction de la pauvreté.
Par ailleurs, l'amélioration de l'activité économique se
fait aussi par la conjonction de mesures de stabilité des indicateurs
macroéconomiques. C'est ce que note la Banque mondiale (2008: 53)
Ainsi parmi les facteurs qui contribuent à la
croissance, des expériences de plusieurs pays ont permis de retenir :
des conditions d'un environnement économique stable qui attire les
investissements, la stabilité des prix, des lois et pratiques
administratives favorables aux entreprises, des finances publiques assainies et
une monnaie stable.
Les entreprises cherchent certes une rentabilité
élevée mais d'un autre côté elles
préfèrent un environnement économique et juridique stable,
qui présente peu de risques. Toutefois, la question n'est pas de
rechercher la croissance pour elle-même, mais plutôt la
réduction de la pauvreté.
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C'est dans ce cadre que depuis le début des
années 2000, beaucoup de pays Africains dont la RDC, ont formulé
à travers les DSCRP des plans de croissance en vue de réduire la
pauvreté, avec l'accompagnement de la Banque mondiale.
En effet, de bons indicateurs macroéconomiques
devraient contribuer à améliorer les conditions
économiques et sociales des populations. C'est dans ce cadre que
s'inscrivent les notions de « croissance pro pauvres » et de
« croissance de développement ». Se
référant à Dudley Seers, Ignacy Sachs note que la
croissance économique ne conduit au développement que si elle
crée des emplois, du revenu et contribue à la réduction de
la pauvreté et des inégalités.
Une croissance économique à impact social mais
aussi environnemental positif seule mérite le nom de
développement pour cet auteur. Dans le cas contraire, on est en
présence de développement exclusif ou pervers comme dans le
contexte d'Amérique latine des années 1980 - 1990, où des
pays étaient en croissance, mais une bonne partie de la population
vivait dans la précarité et des activités informelles de
survie alors qu'une minorité concentrait entre ses mains l'essentiel des
revenus et des richesses (Sachs, 2004 : 183 - 185). Un développement
inclusif suppose que la population dans son ensemble dispose des
possibilités équitables d'accès aux revenus suffisants et
aux services sociaux de base.
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