CONCLUSION GENERALE
Le monde des affaires est une jungle où
s'échinent les intervenants pour assurer la défense des
intérêts divergents et souvent difficiles à concilier.
C'est dans ce registre qu'intervient le droit des entreprises en
difficultés. Il s'agit du droit de la maladie, du traitement de la
maladie et aussi de l'inhumation des entreprises le cas échéant.
En raison de l'importance que ces entreprises occupent au sein de la
société, ledit droit s'avère être rigoureux, c'est
en quelque sorte un droit d'exception qui vient suspendre l'application des
autres droits. Certains estiment que le droit des procédures collectives
est ainsi comparable à« l'état d'urgence, qui suspend
l'application des lois habituelles jusqu'au rétablissement de l'ordre
républicain »155. En raison de tout cela, ses
règles impératives s'appliquent directement et quelquefois
rétroactivement. Tel est le cas de l'égalité des
créanciers qui a fait l'objet de la présente étude.
C'est en droit des entreprises en difficultés que les
enjeux sont les plus graves et que les règles les plus strictes doivent
être érigées Le principe de l'égalité doit
ainsi dominer ledit droit dans l'espace OHADA. L'on a ainsi pu constater que ce
principe soumet tous les créanciers antérieurs au jugement
d'ouverture à une discipline collective. Le caractère de
l'égalité apparaît dans le fonctionnement même de la
procédure. En effet, la procédure est collective et elle
rassemble donc l'ensemble des créanciers en leur reconnaissant un
intérêt collectif. Ils doivent subir de façon aussi
égale que possible les conséquences de cette procédure.
Cette règle, avait par ailleurs été reconnue par la
cassation comme étant un principe d'ordre public aussi bien aux plans
interne qu'international. Dans un contexte de réforme du droit des
sûretés avec un renforcement des garanties et l'érection de
nouvelles sûretés, il a été opportun
d'étudier la vivacité de ce principe. Ceci d'autant que le droit
OHADA des procédures collectives est en voie de réformation. L'on
s'est ainsi demandé si ce principe demeurait effectif ou s'il
était en déclin.
Ce faisant, l'on a relevé qu'en dépit de son
fondement tant juridique que moral, ce principe se justifiait d'une
finalité technique et économique. Essayant de mieux
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155 Y. GUYON, « Le droit des contrats à
l'épreuve du droit des procédures collectives »,in
Mélanges J. GHESTIN, « Le contrat au début du XXIe
siècle », L.G.D.J., 2001, p. 405, cité par N. STAGNOLI
op.cit. p.8.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
l'appréhender, l'on est parti de l'affirmation expresse
par le législateur de son applicabilité, chose qui s'est traduite
par la constitution de la masse et la soumission à une discipline
collective. Par la suite, l'on a démontré que l'application du
principe faisait preuve d'assouplissements ; lesquels découlaient
tantôt des clauses légitimes de préférence,
tantôt des motifs d'intérêts supérieurs. La
discipline collective, que l'application de l'égalité implique,
présente ainsi des atténuations en raison du traitement
particulier que l'Acte Uniforme accorde à certains créanciers.
Cette situation a conduit un auteur à faire observer que «tous
les créanciers étaient égaux mais que certains
étaient plus égaux que d'autres»156. Plus
récemment, le constat de la multiplication croissante des causes
légales de préférence, a poussé un autre à
s'exprimer en ces termes : «l'on parlerait toujours
d'égalité, mais il s'agirait d'une égalité
formelle, qui laisse subsister des inégalités entre les
créanciers »157.
Au demeurant, l'on s'interroge sur la portée de ce
principe dans la réalisation des objectifs visés par le
législateur OHADA. Il est évident qu'à trop vouloir
préserver l'entreprise au détriment des créanciers, on
risque de décourager le crédit en général.
Inversement, le sauvetage d'une entreprise nécessitera des efforts de la
part des créanciers au risque pour eux de tout perdre en
définitif, et trop favoriser les créanciers risquerait de
décourager l'initiative individuelle. Or l'histoire des
évolutions législatives n'est constituée que de ce
conflit, la balance penchant d'un côté ou de l'autre au fur et
à mesure des réformes. Un auteur a pu ainsi dire que, l'on
constate constamment « entre les sûretés et les
procédures collectives quelque chose de la vieille rivalité entre
le canon et la muraille. Chaque fois qu'un édifice est levé...les
créanciers cherchent un moyen de contourner l'obstacle ou d'y
pénétrer. »158.
Il serait assez audacieux de dénier totalement
l'utilité de cette règle égalitaire. Ce serait porter un
jugement assez pitoyable. Cependant, l'on pourrait prétendre à
une réorganisation de cette égalité afin de la
revitaliser. Ce faisant, l'on pourrait, à l'image du droit
américain, constituer les comités des créanciers. Ces
regroupements devraient correspondre à une classification des
créances et des intérêts à agir ; il pourrait s'agir
par exemple des classes de créanciers chirographaires, des classes des
créanciers privilégiés, des classes des
créanciers
156 SORTAIS, R.T.D. Com., 1976, p. 269, cité par F. THERA
op.cit. p.190.
157R. NEMEDEU, op.cit, n°121, p. 270.
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158 J-L. VALLENS publicité et information en
matière de sûretés LPA 20 septembre 2000 n°18,
cité par B. CLEMENCE, op. cit, p.12.
161Idem, chap.2.
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L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
gagistes...Il doit exister autant de classes que de
créances singulières159. Cela devrait sans aucun doute
renforcer les liens entre ces créanciers, ce qui serait favorable
à l'érection de l'égalité au sein des
différentes classes, lesquelles seraient également égales
les unes par rapport aux autres.
Comme l'a relevé STANKIEWICZ MURPHY cette contrainte
imposée aux créanciers au sein des classes est une garantie que
les créanciers seraient traités de manière égale et
que les résultats de la procédure auront les mêmes effets
sur chaque créancier de la classe concernée. Ainsi, l'on aura un
traitement non discriminatoire à l'intérieur de chaque
catégorie. Ce qui permettra de mettre fin à la
précarité d'une masse unique des créanciers, avec un
représentant unique d'intérêts différents, sinon
contradictoires, et une égalité parfaite entre tous ces
créanciers.
Cette solution pourrait heurter les sensibilités dans
la mesure où d'aucuns pourraient y voir une dégradation des
droits des créanciers chirographaires qui ont d'ailleurs
été traités de véritables fantassins. Un
auteur160 s'interroge en ce sens, a quoi bon, se demande-t-on,
prétendre protéger les créanciers chirographaires et
proclamer que l'égalité est l'âme des procédures
collectives, si le curateur n'est plus qu'un répartiteur des
créances privilégiées ? L'on envisagera donc comme l'a
suggéré MUSHAGALUSA NTAKOBAJIRA161, d'instituer une
part réservataire aux créanciers chirographaires, ce qui
profitera à leur classe et rétablirait ainsi une
égalité parfaite entre toutes ces classes. L'on ne devrait pas
oublier qu'eux aussi ils ont contribué à l'enrichissement du
patrimoine du débiteur ; mieux, ils lui ont fait une confiance sans
faille sans lui réclamer les sûretés, ce qui l'a surement
placé à l'abri du stress causé par les créanciers
garantis. Pour cela, la part belle mérite d'être faite aux
chirographaires et ce dans le souci de pérenniser le sacro saint
principe de l'égalité des créanciers en perte de
vigueur.
159S. STANKIEWICZ MURPHY, L'influence du droit
américain de la faillite en droit français des entreprises en
difficultés, vers un rapprochement des droits ? Thèse de
doctorat de droit de l'université de Strasbourg, 26 mars 2011, p. 61.
160 V. M. BELLAMY, « Malaise et
déséquilibre du droit du crédit en France »,
JCP, 1974, I, n° 2650, 3, cité par
J. MUSHAGALUSA NTAKOBAJIRA, op.cit. note de bas de page
n°4.
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procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
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