B- Les pouvoirs étendus pouvant rompre
l'égalité des créanciers.
Le législateur OHADA reconnaît l'importance du
rôle du juge en droit contemporain des entreprises en difficulté
dans le sens de la célérité, de l'efficacité et de
la moralisation qu'il est censé apporter aux procédures. Pour
illustrer la situation, certains auteurs parlent de «dirigisme
judiciaire» de «magistrature économique» de
droit judiciaire économique ou de façon plus neutre de droit
économique des entreprises en difficulté, où l'office du
juge consisterait à trancher plus en opportunité qu'en droit. En
effet, le législateur impose aux tribunaux d'opérer des choix
économiques, c'est le tribunal qui décide de l'avenir de
l'entreprise et qui fixe ses objectifs, sa décision est tenue pour
« la vérité économique de
l'entreprise»137.
Une fois la décision d'ouverture de la procédure
étant intervenue, tous les créanciers sont obligés de
produire leurs créances sous peine de forclusion. Cependant, certains
créanciers qui, ne se sont pas conformés à cette exigence
disciplinaire, pourront être relevés de la forclusion par le juge.
Il est aisé de constater que cette possibilité de relever peut
rompre l'égalité entre les créanciers. Les
procédures collectives étant un espace de cohabitation des
intérêts divergents, il aurait été opportun de ne
pas ménager une voie de réintégration aux
créanciers qui n'ont pas été assez diligents. Il est ainsi
à craindre que, dans la pratique cette faculté soit abusivement
utilisée par les juges étant entendu que la justice au sein des
états membres de l'espace OHADA ne jouit pas d'une estime sans
failles.
En outre, le juge commissaire peut aussi surseoir à la
règle de l'interdiction des paiements. Ainsi, il peut autoriser le
désintéressement d'un créancier gagiste antérieur
au jugement d'ouverture pour retirer le gage ou une chose légitimement
retenue, lorsque ce retrait est justifié par la poursuite de
l'activité. En droit français, cette faculté est aussi
admise138 . Une telle initiative est aussi envisageable avec le
créancier garanti par son droit de
59
137V. O. STAES. ; C. CHAMPAUD, L'idée
d'une magistrature économique, (Bilan de deux décennies),
Justices 1995,n°1,p.61 ; E. CHVICA, Droit privé et
procédures collectives, Doctorat et Notariat, Defrénois, p.388,
n°388 ; M. Vasseur, Le crédit menacé, Brèves
réflexions sur la nouvelle législation relative aux entreprises
en difficulté, JCP 1985,I,3201, p.30 ; H-J. NOUGEIN, ancien
président du Tribunal de commerce de Lyon, Cours de droit judiciaire
économique, Lyon3 2001-2002 : D. VOINOT, Droit économique des
entreprises en difficulté, L.G.D.J. 2007 cité par F. THERA,
op.cit. p. 87. 138 Art. L.621-24, du Code de commerce Français.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
propriété. Il s'agit là une fois de plus
d'un empiètement sur la règle de l'égalité des
créanciers fondus dans la masse.
De ce qui précède, la loi et l'exercice des
prérogatives reconnues aux juridictions peuvent concourir à
l'assouplissement du sacro saint principe de l'égalité des
créanciers. Ce qui n'est pas moindre lorsque l'on analyse la force
reconnue à certaines conventions.
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