b. La croissance endogène
Le modèle de Solow signalait uniquement que la
croissance peut perdurer grâce au progrès technique mais
n'expliquait pas l'origine de ce dernier. Par contre la théorie de la
croissance endogène a pour objectif d'expliquer la croissance
économique à partir d'un processus de décisions
microéconomiques. Pour les tenants de la théorie de la croissance
endogène, le progrès technique n'est pas le fait du hasard. Elle
est considérée comme un phénomène auto-entretenu
par accumulation de quatre facteurs principaux : la technologie, le capital
physique, le capital humain et le capital public. On parle de théorie de
la croissance endogène car le rythme d'accumulation des variables
dépend de choix économiques. Paul Romer a publié le
premier modèle de croissance endogène en 1986, dans un article
intitulé « Increasing Returns and Long Run Growth
».
La théorie de la croissance endogène a
identifié quatre facteurs principaux à la croissance :
? Le capital physique :
Le capital physique correspond à l'équipement
disponible pour la production de biens et de services. Romer (1986) a cependant
renouvelé l'analyse en proposant un modèle qui repose sur les
phénomènes d'externalités entre les firmes : lorsqu'une
firme investit de nouveaux équipements, elle se donne les moyens
d'accroître sa propre production mais également celles des firmes
concurrentes ou non.
L'investissement dans de nouvelles technologies est le point
de départ à de nouveaux apprentissages par la pratique. Parmi les
formes d'apprentissage, on peut citer l'amélioration des
équipements en place, les travaux d'ingénierie (agencement des
techniques existantes), l'augmentation de la compétence des
travailleurs...Or ce savoir ne peut être approprié par la firme
qui le produit. Il se diffuse inévitablement aux autres firmes.
L'investissement a un double effet : il agit directement sur la croissance et
indirectement sur le progrès technique.
? La technologie :
Cette théorie repose sur l'analyse des conditions
économiques qui favorisent le changement technique. Un changement
technique provient d'une idée mise en forme et testée. Cependant,
entre l'émergence d'une idée nouvelle et sa mise en oeuvre
concrète, il peut y avoir un très long chemin (test,
essais-erreurs) qui nécessite le concours de plusieurs personnes. Bref
des coûts de
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mise au point qui peuvent être très
élevés. En revanche, une fois ces étapes franchies, si
l'idée est acceptée, le produit qui en résulte peut
être multiplié avec un coût bien moindre (ainsi le premier
disque compact, le premier ordinateur ont nécessité des efforts
colossaux de la part de ceux qui les ont mis au point, cependant leur
reproduction à l'identique a été beaucoup plus facile). Le
propre des idées qui provoquent des changements techniques, est qu'une
fois les plâtres essuyés, elles donnent naissance à des
rendements croissants (les exemplaires suivants coûtent beaucoup moins
chers), voire fortement croissants (duplication d'un logiciel). Si bien que
pour celui qui s'est efforcé de transformer l'idée en produit, le
risque existe que des concurrents en profitent et que lui ne
récupère jamais son investissement initial, alors que ces
concurrents s'enrichissent. Des droits de propriété
intellectuelle limiteront ce risque : brevets ou copyright protègent
l'inventeur qui dispose d'un monopole d'exploitation (limité dans le
temps) sur l'oeuvre ou le produit tiré de son travail.
Contrairement aux approches néoclassiques, Romer
reconnaît cependant que le marché ne peut pas assurer à
long terme une croissance maximale. L'Etat a un rôle important à
jouer, non par le biais de la dépense publique envers la recherche
(Romer ne pense pas que cela puisse accélérer durablement le
progrès technique), mais en venant au secours des innovateurs par le
biais d'une fiscalité compensatrice (moindre taxation des
bénéfices issus des produits nouveaux), de mesures juridiques
incitant la recherche-développement et les externalités de
connaissances, de mesures anticoncurrentielles non dissuasives.
? Le capital humain :
Cette théorie a été mise en
évidence par deux économistes de l'école de Chigago,
Theodor Schultz et Gary Becker, et au centre des études menées
par R.E Lucas (prix Nobel 1995). Le capital humain est l'ensemble des
capacités apprises par les individus et qui augmentent leur
efficacité productive. Chaque individu a des compétences qu'il
valorise et les vend sur le marché du travail. L'éducation est un
investissement dont l'individu attend un certain retour. En 1990, Robelo
introduit dans son modèle l'existence d'un capital humain qu'il note
H, le capital physique remplace le travail. La fonction de production
est donc F (K, H).
? Le capital public :
Le capital public est l'ensemble des infrastructures mises en
place par l'Etat dans le secteur des transports, de la communication, de
l'éducation et de la recherche... Le capital public est donc une forme
de capital physique. Ces infrastructures sont au coeur du modèle
élaboré par R.J Barro.
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Tous ces travaux ont été poursuivis par Grossman
et Helpman (1991), Aghion et Howitt
(1992), Barro et Sala-i-Martin (1995)...Le progrès
technique résulte ainsi d'un objectif fixé en
recherche-développement, activité récompensée selon
Schumpeter (1934) par la détention d'une forme de pouvoir monopolistique
ex-post. S'il n'y a pas de tendance à l'épuisement de ces
découvertes, les taux de croissance peuvent rester positifs à
long terme. Dans ce cas, le taux de croissance à long terme
dépend des actions des gouvernements (politique fiscale, respect des
lois, fourniture de biens collectifs, marchés financiers...). Le
gouvernement a un pouvoir d'infléchissement du taux de croissance
à long terme ! Les théories de la croissance endogène
reposeraient donc sur l'idée que la concurrence parfaite est
mortifère, et que l'activité économique a besoin de
concurrence imparfaite et d'intervention publique. En même temps, elles
réitèrent l'idée selon laquelle, sur le long terme, ni le
taux d'investissement, ni l'effort de formation ne suffisent à assurer
une réduction des écarts de développement entre pays. Ces
modèles ont été relancés ces dernières
années grâce à l'intégration de nouvelles variables
explicatives (régime politique, démocratie...), de nouvelles
relations (dépassement de la croissance trop restrictive afin
d'intégrer les analyses en termes de développement, IDH de
Armatya Sen) et du « principe de convergence conditionnelle »
(Barro). Ainsi alors que l'analyse des découvertes renvoient au
rythme du progrès technologique dans les économies de pointe,
l'étude de la diffusion de ces découvertes renvoie à la
manière dont les économies suiveuses se partageront par imitation
ces découvertes (possibilité de convergence proche du
modèle néoclassique car l'imitation coûte moins cher que
l'innovation).
En somme, les théories de la croissance
économique ont servi aux pays d'établir des modèles qui
ont permis d'accroître leur taux de croissance de leur économie
d'une année à l'autre.
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