Section 2 : Revue empirique de la croissance
économique
Depuis l'époque de l'enquête classique d'Adam
Smith dans la nature et les causes de la
Richesse des Nations (1776), les économistes ont
accordé une attention considérable à la question de la
compréhension de la croissance économique. L'empirisme de la
croissance a été un domaine important de la recherche depuis le
milieu des années 1950, lorsqu'Abramovitz (1956) et Solow (1957) ont mis
en évidence la grande contribution de la productivité totale des
facteurs à la croissance. Des études empiriques de la croissance
économique ont été réalisées par des
économistes de la croissance endogène. Des modèles de
croissance ont été mis en place pour démontrer l'existence
des facteurs qui occasionnent la croissance économique d'un pays.
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Des résultats empiriques de l'impact des
déterminants comme l'inflation, l'investissement, l'ouverture et la
productivité globale des facteurs donnent une meilleure
compréhension de ce phénomène.
1. La relation entre l'inflation et la croissance
économique
Plusieurs études ont estimé une relation
négative entre l'inflation et la croissance économique.
Néanmoins, certaines études ont soutenu le contraire.
Les premiers travaux (par exemple, Tun Wai, 1959) n'ont pas
réussi à établir une relation significative entre
l'inflation et la croissance économique. En outre, une étude
menée par Paul, Kearney et Chowdhury (1997) impliquant 70 pays (dont 48
sont en développement) sur une période de 1960-1989, trouve qu'il
n y a pas d'effet causal entre l'inflation et la croissance économique
dans 40% de ces pays; ils ont signalé une causalité
bidirectionnelle dans 20% de l'échantillon et une relation
unidirectionnelle dans le reste. Plus intéressant encore, la relation
était positive dans certains cas et négative dans d'autres.
Thirwall et Barton (1971) ont mené l'une des
premières études transversales par pays. Ils présentent
une relation positive entre inflation et croissance économique pour les
pays industrialisés et une relation négative pour 7 pays en
développement.
Sarel (1995) souligne que le taux d'inflation était
quelque peu modeste dans plusieurs pays dans les années 70 et
après les taux ont commencé à être
élevé. Ainsi, plusieurs études menées avant 1970
ont montré la preuve qu'il y avait une relation positive entre le taux
d'inflation et la croissance économique et une relation négative
au-delà de cette période due à la sévère
hausse de l'inflation.
Les résultats de Fischer (1993) montrent que
l'inflation réduit la croissance en réduisant l'investissement et
la croissance de la productivité. En outre, il précise qu'une
faible inflation et un faible déficit fiscal ne sont pas
nécessaires pour une croissance élevée même sur de
longues périodes ; également un niveau d'inflation
élevée n'est pas compatible avec une croissance économique
soutenue.
L'étude de Barro (1995) a recherché le lien
entre l'inflation et la croissance économique en utilisant un grand
échantillon comportant plus de 100 pays de 1960 à 1990. Ses
résultats empiriques ont montré qu'il existe une relation
significativement négative entre l'inflation et la croissance
économique si certaines caractéristiques des pays
(l'éducation, le taux de fécondité, etc....) sont
maintenues constantes. Plus spécifiquement, une hausse de 10 points (%)
de
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l'inflation par an réduit le taux croissance
réel par tête de 0,2 à 0,3 points par an. En d'autres mots,
son analyse empirique suppose que la relation estimée entre l'inflation
et la croissance économique est négative quand certains
instruments raisonnables sont considérés dans la méthode
statistique. Finalement, il a ajouté qu'il y a au moins des raisons de
considérer que l'inflation à long terme réduit la
croissance économique.
Malla (1997) a conduit une analyse empirique utilisant un
petit échantillon de pays d'Asie et de pays appartenant à
l'Organisation de Coopération et de Développement Economique
(OCDE) séparément. Après avoir contrôlé les
facteurs travail et capital, les résultats estimés
suggèrent que pour les pays de l'OCDE il existe une relation
négative et statistiquement significative entre l'inflation et la
croissance économique. Cependant, la relation n'est pas statistiquement
significative pour les pays en voie de développement de l'Asie. Les
résultats cruciaux de ces analyses empiriques suggèrent que la
relation transversale par pays de la relation inflation et croissance
économique de long terme rencontre certains problèmes
fondamentaux comme l'ajustement dans l'échantillon des pays et la
période d'étude. Ainsi, une relation ambigüe entre
l'inflation et la croissance économique peut ressortir des
régressions des séries temporelles comparatives transversales par
pays avec différentes régions et périodes.
Gillman et al. (2002), s'appuyant sur un panel de
données des pays de l'Organisation de Coopération et
Développement Economique (OCDE) et la Coopération Economique Asie
et Pacifique(CEAP) indiquent que la réduction de l'inflation
élevée ou moyenne (à deux chiffres) à celle
modérée (à un chiffre) a un effet positif sur la
croissance économique pour les pays de l'OCDE et dans une moindre mesure
pour les pays de la CEAP. Ils ajoutent même que l'effet du ralentissement
espéré de l'inflation pourrait être observé quand
l'économie mondiale ne fait pas face à une baisse brusque de la
croissance causée par des chocs. S'il n'y pas de chocs, la
réduction du taux d'inflation peut permettre un taux de croissance
considérablement élevé.
Certaines études contrairement aux premières ont
été menées d'une manière dynamique en analysant les
effets à court terme et à long terme de l'inflation sur la
croissance économique. Elles parviennent dans la plupart des cas au
même résultat. Dans le court terme l'inflation a n'a pas d'effet
ou a un impact positif sur la croissance tandis qu'à long terme elle
l'influe négativement.
Faria et Carneiro (2001) ont recherché la relation
entre l'inflation et la croissance économique dans le contexte du
Brésil qui a fait l'expérience d'hyperinflation persistante.
Analysant, un modèle bivarié de séries temporelles
(à savoir VAR) avec des données annuelles pour la
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période entre 1980 et 1995, ils trouvent que
malgré qu'il existe une relation négative entre l'inflation et la
croissance économique dans le court terme, l'inflation n'affecte pas la
croissance économique dans le long terme. Leurs résultats
empiriques aussi soutenaient le concept de super neutralité de la
monnaie dans le long terme. Ceci en retour fournit la preuve contre le point de
vue selon lequel l'inflation affecte la croissance économique à
long terme.
Dans l'étude de Mallik et Chodhurry (2001), ils
examinent la dynamique de court terme et de long terme entre inflation et
croissance économique pour 4 pays d'Asie du Sud : Bangladesh, Inde,
Pakistan, et Sri Lanka. Selon eux, malgré le fait que l'inflation n'est
pas nuisible à court terme pour ces économies, elle pourrait
l'entraver à long terme.
Shamim Ahmed et Golam Mortoza (2005) ont conduit une
étude sur la relation entre l'inflation et la croissance
économique au Bangladesh en utilisant une cointégration et un
modèle à correction d'erreur. Les résultats de cette
analyse démontrent qu'il existe d'une manière significative une
relation négative de long terme entre l'inflation et la croissance
économique. En outre, ils trouvent qu'il y a un point de rupture
structurelle dans ce lien qui pourrait être considéré comme
un seuil.
Une analyse récente soutient qu'il y a un niveau seuil
de l'inflation dans la relation entre l'inflation et la croissance
économique.
Dans ce contexte, spécialement pour les épisodes
d'inflation très élevée, Barro (1996) montre qu'une
relation négative existe au-delà d'un taux d'inflation de 15%.
Judson et Orphanides (1996) utilise 10% de seuil. Bruno et Easterly (1996)
argumente en faveur d'un seuil de 40%. Sarel (1996) a spécifiquement
testé l'existence d'une rupture structurelle dans la relation entre
l'inflation et la croissance économique et a trouvé une preuve de
la rupture significative à un taux d'inflation annuel de 8%. Ghosh et
Philips (1998), utilisant un échantillon plus grand que Sarel ont
trouvé un seuil de 2,5%. Ils ont aussi trouvé que l'inflation est
un déterminant les plus importants statistiquement de la croissance.
Christoffersen et Doyle (1998) ont estimé à 13% le seuil du
niveau d'inflation des économies en transition. Aussi, Bruno et Easterly
(1998) soutiennent que la relation négative entre l'inflation et la
croissance n'existe que dans les cas de données de haute
fréquence avec des observations d'inflation extrême. Malgré
ce fait, ils ont détecté un effet négatif de l'inflation
sur la croissance pour des taux d'inflation supérieur à 40%.
Sweidan (2004) cherche à vérifier si la relation
entre l'inflation et la croissance économique a un effet de point de
rupture structurel ou non dans l'économie Jordanienne sur la
période entre
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1970 et 2003. Il trouve que cette relation tend à
être positive et significative en dessous du taux d'inflation de 2% et
l'effet de rupture structurel a lieu à un niveau d'inflation égal
à 2%. Au-delà de ce niveau seuil, l'inflation affecte la
croissance économique négativement.
En somme, l'inflation exerce un effet de seuil sur la
croissance économique qui permet de concilier les positions
contradictoires des structuralistes et des monétaristes. Toutefois, au
regard des résultats des études empiriques menées dans le
cadre de la détermination de ce seuil, l'on retient que celui-ci
dépend principalement de la structure de l'économie.
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