Chapitre 2 : Situation économique du
Sénégal
Cinquante ans après l'indépendance, le
Sénégal fait toujours face à pas mal de défis dont
notamment celui de l'éradication de la pauvreté. Cette
période a été marquée par une faiblesse des taux
moyens de croissance du PIB réel et du PIB réel par tête
évalués respectivement à 2,7% et à -0,12%. Le PIB
par habitant qui était de 615$ en 1960 (en dollar constant de 2000) est
retombé à 560$ en 2010. La performance de l'économie
sénégalaise estimée par comparaison avec le niveau de vie
de la population reste de loin insuffisante comparée aux
potentialités réelles du pays et à celui des autres pays
ayant été au même niveau de développement que le
Sénégal en 1960.
Le Sénégal possède la quatrième
économie de la sous-région ouest africaine après le
Nigéria, la Côte d'Ivoire et le Ghana. Il fait cependant partie
des Pays les moins avancés (PMA), son économie est très
tournée vers l'Europe et l'Inde. Ses principaux partenaires
économiques sont la France, l'Inde et l'Italie.
Comparé aux autres pays du continent africain, le
Sénégal est très pauvre en ressources naturelles. Ses
principales recettes proviennent de la pêche et du tourisme. Mais compte
tenu de sa situation géographique et de sa stabilité politique,
le Sénégal fait partie des pays africains les plus
industrialisés avec la présence de multinationales
majoritairement d'origine française et dans une moindre mesure
américaine.
Le secteur agricole emploie environ 70 % de la population
sénégalaise. Cependant la part du secteur primaire dans le
Produit intérieur brut (PIB) ne cesse de décroître. La
diminution de la pluviométrie et la crise du secteur de l'arachide,
principale culture de rente du pays, ont réduit la contribution de
l'agriculture à moins de 20 % du PIB. La pêche qui reste cependant
un secteur clé de l'économie familiale sénégalaise
subit également les conséquences de la dégradation des
ressources halieutiques (surexploitées) et de l'augmentation
récente de la facture énergétique. L'essentiel de la
richesse produite se concentre dans les services et la construction et se
localise à Dakar et dans sa périphérie.
Par ailleurs, les transferts financiers venus de la diaspora
sénégalaise (l'émigration en Europe et aux
États-Unis) représentent aujourd'hui une rente non
négligeable. On estime que le flux financier généré
par l'émigration sénégalaise est au moins égal au
volume d'aides de la coopération internationale (soit 37 dollars par
habitant et par an).
Page 33
Des pays comme la Tunisie et le Bostwana ont pu
améliorer significativement les conditions de vie de leurs populations
grâce à une croissance économique rapide et continue. Sans
une croissance économique soutenue et durable, ces objectifs ne seront
pas réalisés. Ainsi la comparaison de la croissance, de ses
mécanismes, de ses déterminants et de ses sources est à
inscrire au centre de l'action des concepteurs des politiques
économiques.
Etant donné que la croissance n'est ni une
fatalité ni tributaire des ressources naturelles dont est doté un
pays mais dépend principalement des politiques et des choix faits par le
pays, de la volonté et de la détermination des citoyens.
Le Sénégal est membre notamment de la Banque
mondiale, de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'Union
économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Section 1 : Analyse de la croissance et les limites
du modèle économique Sénégalais
1. Analyse de la croissance depuis 1960
Etant un phénomène de long terme, la croissance
économique s'appuie sur des politiques structurelles. Pour comprendre un
tel phénomène, il s'agit d'aller à sa source.
L'évolution du revenu des pays économiquement similaires au
Sénégal dans les années 60 montre que la mise en place de
réformes structurelles permet d'atteindre des objectifs de
progrès économique indéniable (exemple : la Corée
du Sud a opéré des changements radicaux à partir de 1970
qui ont permis d'avoir 20 fois le PIB par tête d'un pays comme le
Sénégal).
Figure 1: GDP per capita in 2014 US$
(converted to 2014 price level with updated 2011 PPPs)
40 000
35 000
30 000
25 000
20 000
15 000
10 000
5 000
0
1960 1963 1966 1969 1972 1975 1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996
1999 2002 2005 2008 2011
Senegal Tunisia Ghana Thailand Vietnam Philippines Malaysia South
Korea
Source: The Conference Board Total
Economy Database
Page 34
La Corée du Sud et la Malaisie, grâce à
leurs forts taux de croissance, ont réalisé d'énormes
progrès sociaux entre 1960 et 2010, ce qui leur ont permis
d'améliorer considérablement les conditions de vie de leur
population. D'ailleurs, ils figurent parmi les 13 économies
recensées par la Commission sur la croissance et le développement
des Nations unies ayant réalisé une croissance économique
moyenne de 7% durant un quart de siècle. Pour comprendre pourquoi
l'économie sénégalaise n'a pas réalisé une
telle prouesse, il faut identifier les facteurs explicatifs de la croissance de
l'économie sénégalaise. La méthodologie de la
comptabilité de croissance permet, à cet effet, d'analyser la
croissance de la production à long terme. Elle représente une
technique qui décompose la croissance de la production au cours d'une
certaine période selon la contribution du capital, du travail et de la
productivité globale des facteurs(PGF). Cette décomposition de la
croissance entre 1980 et 2010 permet de constater une évolution
heurtée de la PGF avec une légère amélioration en
fin de période. Toutefois, sa progression demeure très faible
pour rendre la croissance économique soutenue.
Les contributions de chacun des termes entrant dans le
processus de production du Sénégal et de la Corée du Sud
montrent nettement que la croissance économique soutenue de la
Corée du Sud est largement portée par la productivité
globale des facteurs (PGF) : sur une croissance économique moyenne de
5,6% entre 1990 et 2009, la productivité globale des facteurs (Total
Facteur Productivity) y a contribué à hauteur de 3,16%
contrairement au Sénégal où la PGF a contribué
négativement à la croissance économique.
Figure 2 : Total Factor Productivity (TFP)
-1,0
-2,0
-3,0
-4,0
-5,0
-6,0
-7,0
0,0
2,0
1,0
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Total Factor Productivity
TFP
Source : The Conference Board Total
Economy Database
Page 35
Plus globalement, les efforts déployés en
matière de progrès technique et d'accumulation du capital ont
permis aux pays asiatiques d'enregistrer de fortes performances
économiques.
Si le Sénégal n'a pu suivre ses semblables dans
le chemin de croissance, c'est parce que la productivité du travail est
faible.
La productivité au Sénégal entre 1980 et
2009 indique que la période post-dévaluation a été
beaucoup plus productive, laissant entrevoir que les réformes issues du
changement de parité ont eu quelques effets positifs notamment dans le
secteur tertiaire. Par contre, le secteur primaire n'a pas eu le même
succès et a même enregistré une contribution
négative à la productivité. Toutefois, cette tendance
baissière s'est nettement atténuée durant la
période 1995-2009.
Tableau 2 : La productivité du
Sénégal entre 1980 et 2009
|
Primaire
|
Secondaire
|
Tertiaire
|
Total
|
1980-2009
|
-3,1%
|
4,6%
|
11,3%
|
12,8%
|
1980-1994
|
-2,5%
|
1,2%
|
-4,8%
|
-6,1%
|
1995-2009
|
-1,8%
|
3,0%
|
16,4%
|
17,6%
|
source: DPEE
Figure 3 : Evolution et décomposition
de la productivité
1995-2009
1980-2009 1980-1994
Primaire Secondaire Tertiare
20,0%
15,0%
10,0%
5,0%
0,0%
-5,0%
-10,0%
Source : DPEE
Page 36
|