PARTIE I : GESTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET
MOBILISATION DES EMPLOYES
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CHAPITRE I : APPROCHES CONCEPTUELLES DE LA
GESTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET DE LA MOBILISATION DES
EMPLOYES
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Ce chapitre a pour but de nous situer en profondeur sur les
concepts de gestion du temps de travail et de mobilisation. Nous verrons donc
les éléments constitutifs de ces notions tout au long de notre
argumentaire.
SECTION I : GESTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Le temps de travail, tel que nous l'appréhendons
aujourd'hui, n'est en fait qu'une « invention » moderne du monde
occidental (GASPARINI 1990), dont les racines ne remontent pas à plus de
cent cinquante (150) ans. Il s'est formé à partir de la
Révolution Industrielle, en prenant ses formes actuelles au cours du
XXème siècle.
I. LA QUESTION DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL
A. LA CONSTRUCTION D'UNE NORME AUTOUR DU TEMPS DE
TRAVAIL : HISTORIQUE ET EVOLUTION
Nous allons tout d'abord présenter la gestion
préindustrielle du temps de travail (1), ensuite, nous parlerons de la
gestion industrialisée du temps de travail (2) puis de la conception
moderne de la gestion du temps de travail (3)pour enfin présenter les
éléments qui entrent dans la gestion actuelle du temps de travail
(4).
1. La gestion préindustrielle du temps de travail
: un temps de travail traditionnel Dans les sociétés
préindustrielles, la mesure du temps de travail était liée
aux tâches, le travail façonnait en quelque sorte le temps
(THOMPSON, 1979). Ainsi, le temps de travail était toujours
irrégulier sur la journée comme sur l'année, tant du point
de vue sa durée que de son intensité. Aussi, son rythme variait
d'une activité à une autre.
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Pour les agriculteurs par exemple, le temps de travail
était rythmé par les saisons, par les conditions
météorologiques et le rythme de croissance de la nature (REBOUL
et MAAMOUN, 1983). Chez les artisans par contre, les rythmes inconstants et
variables du temps de travail étaient déterminés par les
fluctuations de la demande, par la spécificité des demandes des
clients, par le passage des marchands, par la nature de la tâche, par les
besoins personnels et les habitudes du maître (MARCHAND OLIVER, 1993).
Enfin et surtout, la durée et la position du temps de travail
étaient données par la durée de la lumière du jour
et par les usages et rites culturels et religieux.
Ainsi, parler de « temps de travail » à
l'ère préindustrielle était peu approprié. On
parlait plutôt « du temps de vie globale ». Ce temps
était en outre caractérisé par son aspect cyclique
caractérisé selon BARREAU et TIFFENEAU (1985) de « temps
cosmo-bio-social », car, il y avait harmonie entre les rythmes de la vie
humaine et les cycles naturels, les jours et les nuits, la ronde des saisons.
De même, les rythmes des travaux étaient commandés par le
mouvement des saisons. Le temps de travail variait dès lors en fonction
de la longueur de la journée. Il se situait probablement en moyenne
autour de 10-11 heures de travail par jour (KARSTEN, 1991). Outre les 52
dimanches, on comptait dans le monde occidental souvent largement plus de cent
(100) jours fériés par an, qui étaient effectivement
suivis par la population, ce qui porte le total estimé des jours
ouvrables de l'époque à cent quatre-vingt (180) voir deux cent
(200) selon les pays et les sources (BAILLOD et al, 1989).
2. La gestion industrielle du temps de travail : le
rapport temps -argent
Avec l'extension de l'industrialisation, le rapport entre
temps et travail s'est en quelque sorte inversé. Ainsi, dans la nouvelle
attitude à l'égard du temps et du travail qui va se
développer avec l'industrialisation, la tâche n'est plus
déterminante, au profit de la valeur du temps une fois convertie en
argent. Déjà même qu'au milieu du XVIIème
siècle, on pouvait voir la mesure du travail par le temps lorsque la
main d'oeuvre recevait une indemnité à la fin de la
journée. Le temps est ainsi devenu une monnaie, « time is
money» qui, ne se passe pas mais se dépense (BENJAMIN FRANKLIN,
1748).
L'industrialisation fait naitre un nouveau système
productif et un nouveau milieu social de production nommé « l'usine
». Le système de l'usine instaure alors une nouvelle discipline du
temps de travail qui exige des ouvriers ponctualité et
régularité et s'oppose à l'alternance de périodes
de travail intense et d'inactivité sur laquelle les hommes avaient
pendant des siècles, modelés leur propres rythme
de travail (THOMPSON 1967). Ainsi, la discipline du temps de travail
imposée par l'usine a constitué un instrument primordial qui a
permis l'apprentissage par les ouvriers des cadres du travail industriel. Ici,
les salariés étaient rémunérés en fonction
du temps travaillé et non en fonction du temps passé au travail.
L'usine fonctionnait en chaine, raison pour laquelle il était
très facile de constater l'absence d'un employé. La surveillance
était très stricte et pour encourager l'adaptation à ce
rythme de travail, les amendes et autres formes de sanctions ne manquaient
pas.
3. Conception moderne de la gestion du temps de
travail : pour un temps de travail règlementé
L'imposition de tous ces nouveaux rythmes de travail ne s'est
pas faite sans résistances. On observe alors les résistances des
ouvriers tant sur le plan individuel que collectif. C'est le cas des luttes et
des revendications du début de l'histoire du mouvement syndical, en
particulier, celles qui visaient à obtenir une réduction du temps
de travail journalier. Mais aussi, d'autres revendications syndicales en termes
de normalisation et de règlementation des temps de travail.
Ainsi, la grève générale de 1918 en
Suisse, a permis d'introduire par voie légale la semaine de 48 heures,
tout comme plusieurs autres pays qui édictent par loi des durées
du temps de travail. À ce titre, on note la loi de 1919 sur la
journée de huit heures, lois du 20 et du 21 juin 1936 instituant les
congés payés et la durée légale hebdomadaire du
travail (la semaine de 40 heures). Aussi, Au fil des luttes entre les
partenaires sociaux, il s'est donc d'abord créée une «
journée de travail normale ». Une fois instituée, la
journée de travail normale s'est développée en semaine,
année et vie de travail normales. Les chercheurs allemands appellent le
résultat relativement stable de cette régulation collective du
temps de travail « l'arrangement temporel industriel » (DEUTSCHMAN
1983). C'est sur ce temps normalisé, régulé, qu'a pu se
greffer la réduction du temps de travail en prenant comme
référence des cadres temporels de plus en plus longs.
Après s'être faite par la limitation de la journée de
travail à huit (08) heures de temps par jour, elle a continué par
l'instauration du week-end de deux (02) jours et ensuite par l'introduction et
la multiplication des vacances (HINRICHS 1988). Aussi, le « temps de
travail normal » est donc l'aboutissement d'un siècle d'âpres
luttes entre partenaires sociaux sur le temps. Ce processus de normalisation
commencé avec l'industrialisation a trouvé son apogée dans
les années 1950-1960, pendant les « trente glorieuses ». C'est
donc cette nouvelle temporalité qui a structuré les relations
entre les employeurs et les employés au sein des organisations de
travail. Toutefois, la durée
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normale du travail, la durée de la pause, la
durée du repos hebdomadaire, sont propre à chaque entreprise
selon son secteur d'activité et son positionnement sur le marché
du travail.
4. La décomposition du nouveau temps de
travail
Le nouveau temps de travail normalisé se
décompose en éléments suivants : les heures normales (a),
les heures supplémentaires (b), les temps de pause (c), le repos
hebdomadaire (d) et les jours de congés (e).
a. Les heures normales
Les heures normales de travail correspondent à la
durée légale de travail prescrite par chaque Etat. Elles
renvoient au nombre d'heures dont le salarié a l'obligation d'effectuer
par jour et par semaine de travail. Ces heures sont fixés par
l'employeur qui prend appui sur les lois et règlements propres à
son Etat.
b. Les heures
supplémentaires
Les heures supplémentaires sont les heures de travail
effectuées au-delà de la durée normale de la
journée ou de la semaine de travail. Ces heures sont
comptabilisées uniquement chez les agents d'exécutions et chez
les agents de maitrise. En tant que tel, elles doivent faire l'objet d'une
rémunération chez les personnes concernées.
c. Le temps de pause
C'est la période pendant laquelle un salarié
peut librement vaquer à ses occupations personnelles sans avoir à
respecter les directives de son employeur. La durée de la pause est
fixée par chaque entreprise. Qu'à cela ne tienne, le temps de
pause a un caractère strict et imposable.
Toutefois, le temps de pause est considéré
comme un temps de travail si l'employé reste à la disposition de
l'employeur aux heures de pauses et ne peut par conséquent pas vaquer
librement à ses occupations personnelles. Le cas contraire, le temps de
pause n'entre pas dans la constitution du temps de travail.
d. Le repos hebdomadaire
Ile repos hebdomadaire correspond à une période
minimale de vingt-quatre heures (24H) qui doit obligatoirement être
accordée au salarié au cours de chaque semaine de travail. Il a
également un caractère strict et imposable à tout type
d'entreprise.
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e. Les jours de congés
Il s'agit du repos annuel dont bénéficient les
salariés ayant été occupé à leurs services
pendant au moins un mois de travail effectif au cours de l'année de
référence. La durée des congés dépend du
secteur d'activité de l'entreprise concernée et fait l'objet
d'une rémunération.
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