WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La responsabilisation du secteur privé dans le contrôle des exportations de défense en France. Quelles perspectives pour la commercialisation d'armements ?

( Télécharger le fichier original )
par Yann Wendel
Université Panthéon-Assas Paris II - Master 2 Défense et Dynamiques Industrielles 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

b. Un changement de paradigme du contrôle facteur de risque pour les opérations de financement des exportations d'armement

Ainsi, dans la droite ligne du passage de l'Etat d'un rôle d'acteur dans le processus de contrôle à celui d'un vérificateur, les opérateurs privés sont de plus en plus responsabilisés et se prémunissent en conséquence contre tout risque. Ces précautions ont enjoint les banques à systématiser les contrôles sur opérations et sur leurs clients, telles que le fait d'enquêter sur l'importateur, de rassembler des preuves d'identité de leurs clients avec des procédures KYC (know your customer), de mettre en place des critères de sélection et d'exclusion (armes controversées, pays, personnalités143 ...) et d'échanger des informations entre elles pour disposer d'un réseau d'information international144. Si ce contrôle de la part d'un réseau privé de banques peut être bénéfique pour des pays ne disposant pas d'une présence diplomatique aussi étendue que la France, il constitue toutefois une concurrence avec les Directives de haut niveau décidées par le SGDSN, qui prennent quant à elles en compte la dimension stratégique de la commercialisation de ces produits particuliers pour les Etats.

En effet, cette redéfinition du contrôle entraîne les banques à mettre en avant des éléments « éthiques » pour déterminer leur décision en ajoutant aux critères financiers (comité de crédit) des critères reprenant ceux de la CIEEMG (comité de compliance). Cela amène les banques à sortir de leur rôle financier et à contrôler la due diligence des procédures, en s'octroyant la possibilité par exemple de refuser des opérations sur des critères autres que bancaires, même si l'autorité publique autorise l'opération avec une licence. Ainsi, même si un client est solvable et que l'opération est autorisée par une licence, des raisons liées au sous-

142 SAINT RAPT (de) J-A. (2016), Banques et exportations d'armes, Les Publications du GRIP. Disponible sur : http://www.grip.org/en/node/1968 [Accès le 30 avril 2016].

143 Les noms de certains dirigeants étrangers pouvant apparaître sur les contrats, cela peut amener à des sanctions s'ils sont recensés sur des listes internationales de sanctions.

144 SAINT RAPT (de) J-A. (2016), Banques et exportations d'armes, Les Publications du GRIP. Disponible sur : http://www.grip.org/en/node/1968 [Accès le 30 avril 2016].

48

Yann WENDEL

jacent (c'est-à-dire à l'actif financé) peuvent entraîner une banque à renoncer au financement, de manière à minimiser les risques juridiques notamment extraterritoriaux. De la même manière, certaines banques refusent de donner un crédit pour des opérations si leur client n'est pas un établissement public, ce qui les protège quant à l'usage final des armes livrées. La banque étant une personne privée responsable devant des actionnaires, il est en effet primordial pour cette dernière que l'utilisateur final ainsi que l'utilisation finale du produit soient respectés lors des transactions ; alors qu'un Etat peut assumer ces risques au titre de sa politique étrangère. Le banquier défend en effet sa réputation avant la réalité de la transaction. Le risque de réputation est toutefois à minimiser, alors que les scandales liés à l'armement des vingt dernières années n'ont jamais amené à la mise en avant du nom d'une banque dans une transaction. La responsabilisation des banques les entraîne donc à avoir une interprétation extensive de la réglementation, en raison d'une perception d'un soutien moindre de l'Etat et d'une méconnaissance assez répandue du secteur de l'armement dans la plupart d'entre elles.

A titre d'exemple, même si les banques européennes sont en droit de financer les projets d'entreprises européennes en Iran, dans la mesure où les sanctions sur ce pays ont été levées en janvier 2016, on constate une frilosité de la part des banques à s'exécuter, du fait du précédent de l'amende colossale que BNP Paribas a dû verser aux Etats-Unis pour avoir utilisé des dollars US dans une transaction avec l'Iran. Ainsi, le MoU145 signé entre la France et l'Iran portant sur la vente de 188 Airbus est approuvé politiquement mais ne peut se réaliser, car les solutions de financement sont bloquées par des organismes ne désirant s'engager qu'après confirmation du département du Trésor américain de leur non poursuite judiciaire en cas de participation. Cette situation génère une entrave à la compétitivité de notre continent, nos exportations étant dépendantes de la décision d'un pays tiers. Pour remédier à cette situation de frilosité des acteurs privés dans un contexte sécuritaire tendu, il est nécessaire pour la puissance publique de combler les imperfections du marché. La BCE ou la Banque de France pourraient ainsi faire directement un prêt146, en débloquant une ligne de crédit pour les banques iraniennes afin de financer les projets français dans ce pays et donc affirmer la souveraineté de nos exportations dans leur composante financière147. De manière similaire, l'embargo russe a renforcé la conviction de la Coface que les opérations

145 Memorandum of Understanding.

146 Art 23 du protocole n°4 sur les « Statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne », annexé au TFUE

147 GIRARD R. (2016), Airbus à l'Iran : résistons à Washington, Le Figaro. Disponible sur : http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2016/06/20/31002-20160620ARTFIG00264-airbus-a-l-iran-resistons-a-washington.php [Accès le 21 juin 2016].

49

Yann WENDEL

d'armement étaient risquées. Il est donc important pour l'Etat de rassurer les opérateurs financiers avec une garantie de la DGA/DI dans le cadre de vente d'armes, car une procédure aussi contrainte et politique implique un besoin de relation de confiance entre l'industriel, l'organisme de crédit, et l'Etat.

L'instauration du contrôle a posteriori et de licences générales nécessite de repenser le rôle de la licence, cette dernière ne pouvant plus être mise en avant par les entreprises auprès des banques aussi clairement qu'auparavant pour faire valoir leur respect des procédures en vigueur. L'Etat doit donc trouver un moyen d'associer une garantie à l'autorisation octroyée, qui doit être un véritable vecteur de confiance. Ainsi, les banques vont vouloir s'assurer de la fiabilité des entreprises de défense en vérifiant leurs processus de contrôle export interne, dans une logique d'audit et d'externalisation progressive du contrôle export, dans la mesure où l'obtention de la licence export ne suffit plus à fournir une preuve de la fiabilité d'une entreprise à la banque. Ce mouvement va au bout de la logique a posteriori, en calquant le contrôle sur les processus d'entreprise.

Le statut de la licence est donc à la croisée des chemins de la problématique de confiance entre les entreprises et les banques. Le renforcement de la tension sécuritaire mondiale ainsi que l'affirmation des sanctions extraterritoriales ont amené les acteurs du contrôle à sur-interpréter la réglementation, malgré la délivrance de licences par l'administration. Afin de permettre une fluidité des activités et d'empêcher les blocages, il est important de bien diffuser l'information et de redonner confiance aux différents acteurs. Afin de mieux concilier analyse interne des banques et délivrance de licences par l'Etat, les banques pourraient publier les listes auxquelles elles se réfèrent, afin de rendre plus transparent leurs systèmes de due diligence, et les partager avec les autorités chargées de l'octroi de licence d'exportation, dans une logique de partenariat afin d'aligner les interprétations étatiques et bancaires, respectivement représentées par la licence et le crédit. La délivrance d'une licence étant rendue inutile en cas d'absence de financement pour une opération d'exportation.

50

Yann WENDEL

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe