Chapitre II: Les dommages au territoire d'un autre
Etat
Certaines entreprises exercent des activités sur le
territoire d'un autre Etat que leur Etat de nationalité : ce sont des
multinationales. Pourtant, ces multinationales peuvent mener des
activités par le biais de leurs filiales qui causent un dommage au
territoire de l'Etat sur lequel elles se trouvent, voire même sur le
territoire d'un Etat tiers.
C'est le cas par exemple de la multinationale
américaine Union Carbide, qui avait une filiale en Inde
qui produisait des pesticides. Or une de ses usines à Bhopal en Inde a
explosé en 1984, causant un nuage toxique qui a fait 30 000 morts.
Ces multinationales ne relèvent pas en principe de la
juridiction civile de l'Etat sur le territoire duquel elles ont une filiale,
mais plutôt de celle de l'Etat sur le territoire duquel se trouve leur
siège social. En vertu du droit international, elles relèvent en
revanche de la juridiction pénale de l'Etat sur lequel se trouve la
filiale qui a causé le dommage.
110 Audrey Garric, Le 7e continent de plastique : ces
tourbillons de déchets dans les océans, Le Monde, 9 mai
2012.
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111 Vidéo du juge Antonino Abrami entendu le 10 juillet
2010 par la Commission Environnement du Parlement Européen.
112 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Articles
55 et 57.
113 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
56.
114 Marie-Pierre Camproux Duffrène, Véronique
Jaworski et Jochen Sohnle, La loi française versus le droit maritime
international dans l'arrêt Erika : la victoire du droit de
l'environnement, 1er
Environnement magazine, décembre 2012.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Dans le cas de la catastrophe de Bhopal en
Inde111, aucune poursuite pénale n'a été
engagée à l'encontre de la multinationale à raison des
dégâts qu'elle a causés à l'environnement. En outre,
il y a eu des réparations pour les parents des victimes de l'ordre de
150 euros et les responsabilités ont été
déterminées en 2010, 26 ans après les faits. Mais il n'y a
eu aucune évaluation des dégâts sur l'environnement. Il y a
eu en substance une irresponsabilité pénale des personnes
responsables de cette atteinte à l'environnement. Le crime commis par la
multinationale est donc resté impuni. Dans le cas d'espèce,
l'Inde n'a pas exercé sa compétence à l'égard des
dommages environnementaux causés par l'entreprise, alors que cette
dernière était sous sa juridiction pénale.
Ainsi, un Etat n'exerce pas toujours sa compétence
pénale en matière environnementale à l'égard des
activités relevant de sa juridiction ou de son contrôle,
même en cas de dommage au territoire d'un Etat. En particulier lorsqu'il
s'agit de multinationales, parce qu'elles sont puissantes
économiquement.
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